Malgré la parenthèse en forme de spin-off sur 3DS en 2017, cela fait bien (trop) longtemps que les créatures végétales ambassadrices de la stratégie selon Nintendo n'étaient pas sorties de terre pour nous rappeler les recommandations étatiques des nutritionnistes. Alors que Pikmin 3 n'avait pas donné une récolte suffisante, Wii U oblige, le constructeur semble avoir préféré la jachère à la politique de la terre brûlée.
2013, c'était il y a sept ans, presqu'une éternité dans une industrie aussi dépendante de la nouveauté que celle du jeu vidéo. Témoin d'une génération de titres First Party sacrifiée, Pikmin 3 profite donc comme tant d'autres d'une seconde chance, sur Switch, la console qui cartonne. Ce portage Deluxe pourra-t-il rendre justice à la série qui fêtera bientôt ses vingt printemps ?
Adieu veaux, vaches, Gamepad
Après nous avoir glissé dans les tenues de cosmonautes d'Olimar et de Louie, Pikmin 3 élargissait à son tour le champ des possibles en nous invitant à incarner un trio d'aventuriers partis à la recherche d'une terre nourricière pour sauver leur planète de la famine et de l'extinction. Plus pertinent que jamais, le scénario de cette nouvelle aventure fait évidemment sourire de par sa singulière actualité. Le jeu n'était pas un foudre de guerre sur le plan technique, et il ne faut pas s'attendre à de gros changements sur ce point : relativement similaire, ce portage n'a pas fait l'objet d'un relooking particulier, et compte toujours sur sa direction artistique éprise de nature pour séduire les joueurs désireux de faire leur retour à la terre.
Mais en changeant de génération, Pikmin 3 Deluxe a été contraint de larguer le Gamepad de la Wii U, qui offrait tout de même un tableau de bord fort pratique pour diriger du bout des doigts la récolte de Brittany, Alph et Charly. Il faudra faire sans cette aide bien pratique, un vrai regret tant l'astuce était pratique pour gérer le multitâche indispensable à la progression, surtout lors de la dernière heure... Si Pikmin 3 Deluxe n'est pas sans proposer une liste de nouveautés destinées à justifier de son ajout sémantique, les joueurs ayant goûté à l'original n'auront d'autre choix que de se rendre à l'évidence : faute de pouvoir gérer ses troupes d'un simple hochement de tête, il faudra forcément moins s'éparpiller.
J'ai descendu dans mon jardin
Bien que Pikmin 3 Deluxe mette en avant ses nouveautés pour faire les yeux doux aux jardiniers du dimanche, c'est la prise en main qui surprendra les habitués de l'original : avec un public potentiellement quatre fois plus important, Nintendo a passé en revue la maniabilité. Et même si quelques imperfections persistent, l'ensemble se révèle plus agréable à prendre en mains, d'autant plus que les cinq types de Pikmin peuvent - ô miracle - défiler dans les deux sens, horaire et antihoraire, un ajout qui fera rire les détracteurs de Nintendo.
Fidèle à sa tradition, le constructeur n'autorise toujours pas un paramétrage personnalisé des commandes, un manque cruel qui peut se ressentir dans le tout nouveau mode coopératif de la campagne, lorsque qu'il faut resserrer sur les petits Joy Con des commandes forcément un peu complexes au vu du genre. Astucieusement proposé en local, cet ajout compensera sans doute un peu l'absence de carte immédiatement consultable, puisque rien ne remplace une action concertée.
Un chef de fiiile, j'en ai pas l'profiiil
Et s'il est une nouveauté qui mettra à l'épreuve vos talents de leader suprême, c'est sans doute l'arrivée d'un mode Difficile débloqué d'entrée, qui offre aux joueurs rôdés ou familiers de la version Wii U une vraie raison de repartir à la cueillette spatiale. Avec des ennemis plus coriaces et un temps qui s'écoule bien plus vite, il oblige à repenser sa stratégie, réduit le champ des possibles sur une seule journée, et offre enfin la sensation de devoir parfois stopper la progression pour simplement récolter des vivres et ne pas frôler la pénurie. Une fois cette difficulté comparée à l'originale, on se demande bien comment elle n'avait pas été pensée en 2013.
Et pour ceux qui n'en ont jamais assez, finir la campagne en Difficile débloquera même le mode Super Piquant (sémantique, quand tu nous tiens), qui plafonne le nombre de Pikmins disponible à 60 au lieu de 100, une pirouette qui oblige à effectuer des choix encore plus tranchés, et à penser en amont le déroulé d'une journée d'exploration fruitière. Si les combats de boss pouvaient déjà s'étaler sur deux jours en Difficile à cause de ce temps qui nous file entre les doigts, ceux du mode Super Piquant rende chaque petite plante ouvrière plus précieuse que jamais. Heureusement, l'arrivée de l'encyclopédique menu Piklopédia permet de disséquer chaque créature rencontrée, puisque tous les membres de l'équipage iront de leur analyse plus ou moins pertinente, qui permet tout de même de réfléchir aux meilleures stratégies à mettre en place. Il suffit pour cela de s'y plonger quelques minutes.
Louie Louie, oh baby
Mais parce qu'il en faut évidemment toujours plus pour satisfaire l'insatiable appétit des jusqu'au boutistes que vous êtes, Nintendo a gardé une dernière cartouche dans son barillet en la présence de l'Epopée d'Olimar, un mode inédit scindé en deux parties, qui nous narre les mésaventures de l'iconique capitaine avant le début de Pikmin 3 Deluxe, puis les raisons qui le pousse à retourner une fois encore sur PNF-404 avec son acolyte Louie-les-deux-mains-gauches. Si la première partie se débloque après avoir triomphé du second boss de l'aventure, l'épilogue et ses dix challenges n'apparaîtra qu'après le générique de fin.
Dans tous les cas, ce mode qui se moque du niveau de difficulté choisi propose de s'attaquer à des challenges toujours différents (génocide en règle, récolte de fruits ou escorte d'objet) dans des décors bien connus, mais avec un nombre de Pikmin déterminé, une limite qui corse évidemment l'affaire, et il faudra parfois s'y reprendre à plusieurs reprises pour décrocher la prestigieuse médaille de platine. Mais que l'on soit complétiste ou non, cet ajout offre un vrai défi aux joueurs expérimentés, et l'on comprend pourquoi Nintendo a préféré l'offrir à ceux qui auront maîtrisé le gameplay de bout en bout. Alors oui, les décors, monstres et fruits sont tous tirés du mode solo, mais la variété des situations proposées et la difficulté progressive permet de considérer l'Epopée d'Olimar comme un vrai ajout digne de nom. Et puisque tous les DLC sont également disponibles d'emblée, vous n'avez donc pour ainsi dire plus aucune excuse...