Rarement un titre n'aura aussi bien porté son nom que Crash Bandicoot 4 : It's About Time. Attendu durant des décennies comme le messie par les fans éplorés, le retour en fanfare du marsupial austral aura également pris tout son temps pour arriver à la rédaction de Gameblog, qui commençait pour ainsi dire à s'impatienter...
Plus de vingt ans nous séparent de la sortie de Crash Bandicoot 3 : Warped, qui signait malheureusement pour la mascotte officieuse de Sony le début d'une longue traversée du désert, que l'on pensait ne jamais voir se terminer. Heureusement pour la série, le temps panse les blessures, même dans le jeune jeu vidéo, et c'est ainsi qu'après une compilation chaleureusement accueillie en 2018, le bandicoot s'offre enfin une suite digne ce nom, numérotée et tout le tralala.
"We obey the laws of thermodynamics"
Malgré le temps qui s'est écoulé dans notre monde bien réel, c'est juste après l'opus sorti en 1998 que commence Crash Bandicoot 4 : It's About Time. Emprisonnés dans leur recoin de la galaxie, le drôle de couple formé de Neo Cortex et N. Tropy finissent par trouver une porte de sortie en déchirant l'espace-temps, et jurent donc de se venger des maudits bipèdes qui les y avaient envoyés. Héritage des plateformers du siècle dernier, le scénario de cette suite s'entend plus comme un prétexte à l'amusement qu'un véritable enjeu narratif, mais la perspective de passer grâce à cette faille d'une époque et d'un lieu à l'autre en un éclair permet de varier comme jamais les environnements, un très bon point sur lequel Toys for Bob s'est appuyé à juste titre.
Que les amoureux transis du héros tourbillonnant se rassurent : les fondamentaux ont été religieusement respectés, mais Crash et Coco vont profiter de ce fat come back pour nous offrir un petit tour du monde cartoonesque, à l'heure où sortir de chez soi s'avère plus mortel que jamais. Des traditionnelles jungles luxuriantes aux plages de sable fin en proie à la flibusterie en passant par un Japon en pleine floraison des célèbres cerisiers, tout y passe. Le dépaysement est d'autant plus agréable que Crash Bandicoot 4 : It's About Time jouit d'une direction artistique fort sympathique, qui fait des merveilles in-game en multipliant les détails et les clins d'oeil dans ses nombreux environnements. Les coups de coudes s'invitent aussi dans vos oreilles, puisque les thèmes de la série sont clairement à l'honneur, réarrangés en fonction de la thématique du monde en cours, quitte à parfois frôler l'overdose. Sur ce point, le nouveau-venu Walter Mair aurait sans doute gagné à s'affirmer un peu plus.
Les masques que nous portons
Nos mammifères aventureux profitent en premier lieu d'une modélisation assez fine, qui permet surtout de leur prêter une expressivité très cartoon lors des nombreuses scènes cinématiques durant lesquelles ils semblent vouloir multiplier les gags burlesques, quitte à rompre la corde à force de tirer dessus. Les nombreux ennemis envoyés dans le décor profitent eux aussi de cet habile travail de design, même si leur masque de collision semble souvent plus hasardeux, surtout lors de leurs déplacements. C'est d'ailleurs l'un des principaux reproches que l'on peut faire à Crash Bandicoot 4 : It's About Time : derrière sa plastique chatoyante et ses décors sans cesse renouvelés, la série traîne encore comme un boulet ses problèmes de réception litigieuses, de chutes discutables et autres rigidités dont on se serait bien passé.
Mais dans ses grandes lignes, ce quatrième volet développé par les ex-Skylanders ne se contente pas de rendre hommage à une trilogie bien aimée des années 1990 : il se réapproprie la formule en lui injectant de vraies nouveautés, avec l'arrivée des Masques Quantiques sur lesquels la communication s'est orientée. Au nombre de quatre, ces items apportent à chaque fois une mécanique inédite autour de laquelle le level design s'articule : Lani-Loni, qui permet de faire apparaître ou disparaître des éléments; Akano, qui fait de nos héros une tornade continue à la Traz; Kupana-Wa, qui ralentit durant quelques instants l'écoulement du temps; et enfin Ika Ika, avec lequel la gravité s'inverse en un claquement de doigts.
N. Sane in the Brain
Distillés au fur et à mesure de la progression (peut-être un peu trop), les Masques Quantiques apportent leur lot de nouveautés, et permettent à cette quatrième version de se forger une identité propre, même si certains réglages auraient sans doute profité d'un peu plus de finesse, à l'instar de la tornade, qui autorise sans doute un peu trop de liberté dans les déplacements, et ne fait qu'accentuer les problèmes de collisions déjà évoqués. Le plus regrettable, c'est que Toys for Bob semble avoir joué la carte de la sécurité : il faut en effet attendre les derniers niveaux pour enchaîner de façon fluide ces différents attributs au sein d'un même niveau, et l'on se demande une fois le générique de fin arrivé ce que Crash Bandicoot 4 : It's About Time aurait pu donner avec un soupçon d'audace en plus...
Mais rassurez-vous : malgré ce mélange un brin tardif, le challenge et la difficulté sont au rendez-vous, tant et si bien qu'il revient au joueur de choisir le mode dans lequel il tentera de mettre ses réflexes à rude épreuve : ceux qui n'ont pas encore idée de ce qui les attend et fanfaronnent comme l'hardi Camille, pourront toujours opter pour la version Rétro, dans laquelle chaque vie compte, et qui vous renverra à la case départ une fois votre stock épuisé. Qu'ils essayent, tiens. Les autres opteront, au moins dans un premier temps pour le mode Moderne, qui va à l'inverse lister le nombre de défaites, juste pour vous donner un ordre d'idées. Heureusement, vous pourrez toujours changer votre fusil d'épaule et ravaler votre fierté. Au pire, les vieux baroudeurs de la plate-forme que vous êtes pourront même s'offrir un petit shot de nostalgie en toute légalité grâce au mode "Passer la manette", qui vous obligera à faire tourner à chaque vie perdue, comme à la bonne époque. Ne riez pas, ce sera toujours plus intéressant que la Bataille de Bandicoot ou la Course aux Caisses, assez anecdotiques.
Gemmes ma femme
Mais que les mordus de plate-forme et ceux qui ne craignent pas de voir leur compteur de morts rapidement se chiffrer en dizaines se rassurent : cette suite attendue de si longue date en a gardé sous le pied, et pas qu'un peu. Les plus habiles de leurs dix doigts devraient boucler l'aventure en sept à huit heures, mais ils n'auront alors fait qu'effleurer la surface : héritier de l'esprit original de la série, ancré dans les années 1990, Crash Bandicoot 4 : It's About Time regorge de défis, bonus, collectibles et autres trouvailles qui faisaient du collect-a-thon le genre roi de sa décennie. Chaque stage propose d'abord de mettre la main sur six gemmes, qui nécessitent de récolter un maximum de fruits Wampa, de détruire l'intégralité des caisses en place, de ne pas perdre plus de trois vies, et enfin de trouver celle cachée dans un recoin plus ou moins fourbe (généralement plus). Autant vous dire qu'il va falloir un sacré nombre d'essais pour cocher les six cases, à plus forte raison avec une difficulté croissante et des pièges toujours plus nombreux.
Ces défis "de base" permettent à eux seuls d'appréhender différemment le moindre environnement, obligeant à la fouille systématique et au skill affûté. Mais parce que nous étions a priori loin du compte, Toys for Bob a également caché une vieille cassette VHS, qui ne pourra s'obtenir qu'en y parvenant sans avoir perdu la moindre vie. Autant vous dire que certains vont rire jaune en découvrant leur emplacement... Une fois en votre possession, cette vieille bande magnétique entourée de plastique ouvre les portes d'un stage spécial encore plus retors, où la moindre erreur est généralement synonyme de mort. Si les tentatives s'enchaînent par dizaines, les jurons se chiffrent vite en centaines, et plus si affinités. L'astuce marche aussi bien pour le chronomètre à battre pour espérer décrocher les différents niveaux de reliques : si l'or reste généralement accessible après quelques essais infructueux, il va falloir très rapidement augmenter son niveau de jeu pour aller chercher le platine, et pas qu'un peu.
T'as le look, Coco
Vous en voulez encore un peu ? Cela tombe bien : loin de se cantonner au duo Crash/Coco, le roster s'enrichit au fur et à mesure de la progression, avec l'entrée en scène de têtes bien connues, Neo Cortex en tête, qui profitent de leurs stages dédiées, et de leurs propres mécaniques. Avec son blaster multifonctions, l'ancien ennemi transforme les ennemis en plate-formes, Tawna distribue high kicks et cups de grappins à tout va, tandis que Dingoldile aspire et recrache les caisses avec son aspirateur maison. Optionnels à souhait, ces variantes de gameplay ne se valent pas toutes, loin s'en faut, mais apportent parfois un éclairage sur les événements parfois étranges auxquelles sont confrontés Crash et Coco, à travers des niveaux "flashback".
Ces derniers n'auraient sans doute pas été aussi dispensables s'ils ne se contentaient pas de reprendre le cheminement classique du stage en question une fois arrivés à la moitié. Au final, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur cette débauche de contenu, qui aurait gagné à se recentrer sur quelques éléments, plutôt que de s'éparpiller autant. La réponse arrive avec le déblocage du mode inversé, qui nous propose de revisiter chaque environnement comme reflété dans un miroir, mais avec une visibilité extrêmement réduite, tout comme la palette de couleurs. Hormis la possibilité d'y dénicher quelques gemmes plus facilement, et ainsi profiter des skins thématiques et toujours aussi colorés, on se demande bien ce qu'ils font là.