Tsubasa Ozora et le jeu vidéo, ce n'est pas une histoire qui date d'hier. Héraut du football-RPG (et ancêtre du Blitzball de Final Fantasy X) dans les années 80 et 90, le rejeton de Yoichi Takahashi a, pour sa dernière incursion sur consoles de salon et PC, opté pour un jeu plus direct. Captain Tsubasa : Rise of New Champions signe une nouvelle tentative dans un style arcade, qui ne lui a pas trop réussi par le passé. Mais il est comme ça, il s'entête. Et il a, dans ses aventures lues et visionnées par des millions de personnes depuis près de quarante ans, prouvé à plusieurs reprises qu'il avait raison.
Difficile pour un connaisseur de ne pas s'enthousiasmer - que l'on soit un adepte du manga ou des différentes versions de l'anime, qu'on ait suivi Olive et Tom sur feu La Cinq ou pas - lorsque l'on agite sous son nez une nouvelle adaptation vidéoludique de Captain Tsubasa. Depuis janvier dernier et l'annonce de Rise of New Champions par Bandai Namco, qui s'était accompagnée d'une première prise en mains amusante, nous étions, comme beaucoup, dans l'attente de cette proposition. Tout en restant sur nos gardes et en VOUS mettant en garde.
Parce que si vous espérez que l'on parle à un moment d'animations contextuelles, de collisions, de joueurs à l'I.A. particulière, de physique de balle ou de placement stratégique, bref, tous ces éléments qui aident à apprécier un jeu de football en 3D moderne, vous allez déchanter. Comme son modèle, qui fait fi des lois de la physique et du concept de collectif, Captain Tsubasa : Rise of New Champions ne propose en rien du football "classique". En termes de sensations, on peut dire qu'il nous ramène quelque chose comme vingt-cinq ans en arrière. Ouch !
Du fun pour les fans
Aïe, quel suspense : ce cliffhanger en fin de paragraphe, c'est cruel. Trace-t-il une route vers la victoire ou une cuisante humiliación ? Disons que c'est assez compliqué, car ceci dépend beaucoup de votre affect avec Tsubasa en lui-même, de votre exigence et de ce qui propose pour nous divertir au-delà du terrain. Pour faire simple, on pourra présenter ce jeu de football rappelant par sa simplicité et sa balle qui colle au pied les hits des années 90, Super Sidekicks en tête, comme un Captain Tsubasa J (PSone, 1995) qui a réussi. Et pourquoi ? Parce que grâce à la technique moderne, on peut bénéficier d'un rendu global assez proche d'un anime et l'emploi de techniques spéciales n'occasionne aucun temps mort.
Car là réside la force du jeu : son sens du spectacle et du grand n'importe quoi venu tout droit de l'oeuvre originale. Des jeunes gens même pas sortis de l'adolescence sont en mesure de décocher des frappes pouvant faire décoller du sol quiconque tente de s'interposer, de prendre appui sur les poteaux ou un camarade pour s'élever plus haut que Sergeï Bubka (ou Duplantis de nos jours) avec une perche pour exécuter un retourné acrobatique de fou-furieux, de tacler debout avec la force d'un 33 tonnes, et tout ça dans un déluge d'effets spéciaux complètement délirants. Le grand spectacle avant tout. L'intégration en jeu, via des cinématiques instantanées, et de courtes phases de button mashing, est idéale. Elle peut faire sourire, sursauter, génère une tension, car il y a un facteur chance important lié aux compétences propres de chaque joueur (Morisaki, goalkeeper moyen mais déterminé, qui arrête plusieurs tirs du Tigre à la suite, ça peut rendre fou). Elle se présente comme un bon moyen de se marrer, d'autant qu'à la manière d'un Nintendo World Cup l'arbitre n'intervient jamais malgré un engagement très limite, mais aussi de faire diversion.
Mi Casa es Tsubasa
Car sur le terrain, on peut le dire, ce n'est pas forcément des plus réjouissants. Entre les déplacements un peu laborieux, des contacts gérés de façon aléatoire, des balles perdues dont personne ne veut, des corners donnés pour rien et autres trous béants et cafouillages incompréhensibles... Cela fait un peu "vieux jeu". Pas forcément pour le meilleur, puisque le sentiment de redondance aurait, alors que l'on commence à comprendre à qui passer le cuir pour qu'il file au fond des filets opposés, tendance à s'installer aussi vite que les bagarres au milieu de terrain. Même l'ambiance sonore, musiques épiques et commentaires enflammés, en japonais, finit par tourner en boucle.
Alors oui, il y a bien une dimension stratégique dans la gestion de l'enclenchement des tirs, qui ont besoin d'un temps de pression important rendant vulnérable et lent, dans celui de l'endurance, nécessaire pour dribbler son vis-à-vis, pour peu qu'il n'ait pas bien timé son tacle ou qu'il n'ait pas des statistiques assez élevées. On peut aussi changer la formation ou l'orientation du bloc, pour favoriser certaines dispositions et affinités menant à des combos. Et avant de marquer, il sera nécessaire de bien épuiser le gardien adverse en l'arrosant au maximum. Sans oublier, enfin, qu'une jauge se remplissant avec les actions réussies donnera accès à la V-Zone, sorte de moment de grâce temporaire qui réduit tous les délais (récupération, passe, tir), dont il faudra user au bon moment pour en profiter. Ces éléments apportent du rythme et un peu de réflexion. Mais pas une profondeur qui aiderait à envisager qu'on saigne Captain Tsubasa : Rise of New Champions pendant des jours et des jours. C'est le prix de l'accessibilité, qui passe par peu de touches et un téléguidage possible pour les interceptions : un manque de richesse qui peut se révéler pénalisant. Maintenant, comme nous vous le disions plus haut, cela n'empêchera pas ceux qui ont simplement envie de se détendre - et entre potes, jusqu'à quatre, c'est encore mieux - de prendre leur pied. Le fun est là. La fidélité aussi. On se dira juste qu'il y avait peut-être la place pour un fond de jeu plus solide, et qui ne montre pas ses limites aussi vite.
En route pour l'Aventure
Si l'on accroche, comme c'est notre cas, on ne va pas le cacher : les modes de jeu font le boulot. Pour se faire la main en solo, en dehors des affrontements en match unique, séances de tirs au but, et organisations de championnats ou tournoi de quatre à seize équipes, il y a ce qu'il faut. Les entraînements, par exemple, s'ils font preuve d'une certaine aridité, permettent tout de même d'apprendre les bases et de s'exercer convenablement. L'Aventure prolonge assez bien cette quête de la maîtrise des bases, en étant acteur (et spectateur) de deux campagnes qui donneront la banane aux fans pendant près d'une quinzaine d'heures, malgré des chargements nombreux et bien présents et une tendance à l'immobilisme durant les dialogues.
Episode Tsubasa nous ramènera au temps du tournoi National des Collèges et permettra de revivre l'ascension de la Nankatsu avec bonheur, jusqu'à la finale contre la Toho. Des moments-clés surgiront en match, faisant monter par le biais de cinématiques indolores la dramaturgie de certaines situations face à des ennemis valeureux. Toujours bon pour les nostalgiques, même si l'on sent l'emprise de certains scripts pour que des extraits de l'anime se débloquent.
Episode New Hero, lui, va dans le sens de nombreux titres de Bandai Namco : création de son avatar de la tête aux pieds, choix du poste puis d'une école à représenter (Furano, Musasho ou Toho) et en route pour le tournoi des Collèges puis la compétition internationale Junior aux États-Unis en étant intégré au scénario global, avec quelques répliques qui peuvent l'influencer. Dans ce scénario semi-original, on essaiera de faire de son mieux selon les défis proposés par la star de son club, engranger l'expérience pour faire gonfler ses stats, tenter de gratter de l'amitié grâce à un système de cartes pas forcément très clair de prime abord en vue d'acquérir des talents et compétences, et utiliser des objets de la boutique procurant divers bonus. Toujours utile.
Garder la ligne
Oui, il y a un store in-game dans Captain Tsubasa : Rise of New Champions. Mais rassurez-vous, ce moyen de débloquer des packs de cartes d'amis et objets bonus ou de personnalisation passe uniquement par des challenges à relever, et pas trop compliqués de manière générale. On trouve même, et cela parlera encore une fois aux amoureux de la licence, la Collection, où sont enfermés des cinématiques, musiques et infos sur les personnages. Toujours il faut jouer.
On parle de customisation, alors dirigeons-nous vers le jeu en ligne. Quel rapport ? Dans ce mode qui propose du matchmaking pour le classement, des rencontres en salles privées (jusqu'à deux contre deux), vous aurez à créer votre Dream Team, sur une base existante, avec un maximum de points de talent pour éviter les déséquilibres profonds. Comme avec l'Éditeur Ultime, qui permet de trifouiller clubs (Nankatsu, Minamiuwa, Meiwa Higashi, Otomo, Azumaichi, Hanawa, Hirado, Musashi, FuranoToho) et nations (Japon, Sénégal, Uruguay, Argentine, Angleterre, Italie, Pays-Bas, France, Allemagne, États-Unis, Brésil), il ne faut pas avoir peur de tremper ses mains dans ces menus qui rappellent volontiers les heures les plus sombres de PES online. Et d'y intégrer son talent personnel, qui pourra être transféré dès la fin de sa campagne. Une fois de plus, si l'on adhère, cela peut vite devenir un passe-temps chronophage.