Mieux vaut se méfier des promesses de vacances idylliques, car le paradis évidemment présenté sous son meilleur jour s'avère souvent un enfer scabreux une fois arrivé sur place. La splendide cinématique d'introduction de Luigi's Mansion 3 illustre hélas ce genre d'écueil, puisque les frangins moustachus, Peach, et quelques Toads ne tardent pas à faire les frais de la fourberie de leur hôte, plus prompte à les encadrer dans le sens littéral que figuré du terme. Et c'est toujours au plus vert de peur d'entre eux qu'appartient la tâche de les sortir de ce tableau cauchemardesque, cet épisode lui permettant d'étaler une palette d'expressions encore plus effarantes. Le foisonnement sidérant de détails, les effets atmosphériques changeants, les judicieux jeux de lumières et de caméra rapprochent davantage cet opus d'un film d'animation, au rendu légèrement plus fin sur la station d'accueil qu'en mode portable d'ailleurs. D'autant que la mise en scène enchaîne les péripéties pour la plupart très surprenantes, de sorte que chaque étage constitue une petite pièce de théâtre en soi.

Boo !

La visite de cet hôtel scénarisé "à la découpe" plutôt qu'en chapitres se révèle moins linéaire que supposée, avec de nombreux allers et retours délibérément longuets en ascenseur. Une manière d'entretenir l'ambiance gentiment inquiétante grâce à l'espièglerie de la bande-son aux tonalités burlesques, et d'impulser à l'aventure son rythme tantôt posé, tantôt trépidant, à l'affût de toute créature susceptible de surgir de l'ombre. Il y a de quoi rester bouche bée devant l'inventivité déployée par Next Level Games pour varier les situations, qu'il s'agisse de façonner des mécanismes ingénieux ou de susciter des affrontements dantesques avec les poltergeists, notamment les Boss plus épatants que jamais. Aspirer les lieux de fond en comble avec l'Ectoblast n'en demeure pas moins plaisant, voire obsédant chez les esthètes. L'ajout du lance-ventouses, un excellent gimmick pour déplacer des éléments ou désarmer certains ennemis, enrichit naturellement cette occupation. Idem pour la bourrasque, qui faute de servir véritablement de saut (à l'exception de quelques obstacles à éviter), aide fortement à faire le ménage.

Faux jumeau

Le plus grand tour de force de Luigi's Mansion 3 réside pourtant dans la conjugaison de ces concepts en duo, qui fonctionnent aussi brillamment, sinon mieux avec un second joueur (éventuellement débutant) aux commandes de Gluigi, simultanéité des actions oblige. Doté d'une énergie réduite mais régénérative, ce double verdâtre a notamment la faculté de se glisser à travers les grilles et autres conduits, sans craindre d'être transpercé par certains projectiles, contrairement à l'eau au contact de laquelle il se liquéfie illico. Sa substance visqueuse autorise ainsi l'émergence de principes collaboratifs rafraîchissants en matière de réflexion et de combat, malgré de rares anicroches de lisibilité quand un élément occultant se situe au premier plan ou que le point de vue devient trop éloigné, Luigi et son acolyte se ressemblant alors comme deux gouttes de glu. Ce compagnon complémentaire, immortel par nature, facilite en tout cas beaucoup l'exploration de cet édifice, aux allures de parc d'attractions inspiré des thématiques traditionnelles du cinéma d'épouvante. En un mot : fantastique !

Train fantôme

Une visite captivante que guident les objectifs plus ou moins optionnels, la recherche des gemmes et la sempiternelle traque des Boos à l'aide du radar vibrant ou de la carte affichée sur le VB. Des détecteurs vendus dans la boutique du professeur K. Tastroff - très chichement achalandée - viennent carrément mâcher le travail, à l'instar des os dorés pour se remettre d'aplomb, surtout pratiques en solo (l'alarme d'évanouissement imminent est malheureusement conservée). Dommage que les montagnes d'argent amassées n'aient guère d'intérêt question évolutivité, les pseudo power-ups acquis au cours de la progression se révélant peu nombreux et trop restreints quant à leur spectre d'application. Leur intégration organique dans l'environnement aurait insufflé un surcroît de profondeur dans cette épopée d'une quinzaine d'heures, par conséquent en-deçà du précédent volet sur ce plan. L'envers d'un décor aussi somptueux sans doute, et le prix à payer pour disposer d'un gameplay si cohérent, qui exprime tout son potentiel à travers la dimension multijoueur, nettement étoffée, au point d'écrabouiller son prédécesseur vraiment à plate couture (nos impressions paranormales pour mémoire).

Doppelgängers

Les parties à plusieurs consistent en effet à faire de la purée d'ectoplasme, en les projetant idéalement les uns contre les autres, l'argument massue de cette itération. Si les (mini) jeux de l'étrange s'apparentent à ceux d'un Mario Party capables d'accueillir jusqu'à huit participants sur une seule console, leur vocation se résume essentiellement à maîtriser l'attirail du chasseur de fantôme pour se risquer à nouveau dans la Tour hantée. Cette bâtisse renferme nombre de pièges inédits souvent désopilants (mention spéciale aux pannes de courant), dans un espace désormais élargi aux couloirs, balcons ou sanitaires entre autres. De quoi loger plus de monde, en l'occurrence jusqu'à deux quatuors à la maison ou en ligne (moyennant quatre exemplaires du jeu), l'usage de divers objets transformant cette facette conviviale en blockbuster - pour ne pas dire Ghostbuster - indémodable pour réchauffer les soirées d'effroi entre amis. Certes l'aspect compétitif subsiste par l'intermédiaire des scores distincts lors des missions d'élimination de revenants, de collecte d'or ou de sauvetages de Toads, mais la formule collégiale encourage l'esprit d'équipe, et même l'abonnement au Nintendo Online en raison d'un challenge non proportionnel à l'effectif. En attendant l'arrivée de DLC (payant) pour consolider les choses, Luigi's Mansion 3 rappelle que l'on voyage tellement mieux en bonne compagnie.