Il est de ces jeux qui vous accrochent au premier regard, à la faveur d'un échange subreptice et incongru, qui laisse dans votre esprit une marque indélébile. Untitled Goose Game est assurément de ceux-là : découvert par une belle journée d'été grâce à un premier trailer, le titre barré des australiens de House House est parvenu à immédiatement s'attirer les sympathies de la rédaction de Gameblog.
Une bonne année plus tard, nous voici donc avec celui que nous qualifions de "potentiel GOTY" entre les mains, non sans avoir largement salivé devant les quelques nouvelles que nous recevions de ce jeu de l'oie du XXIème siècle. Mais après avoir autant fantasmé sur cet animal de malheur qui aura pourtant contribué à sauver la République romaine, pouvait-on être déçu par ce visiteur venu d'ailleurs ? L'oie rieuse peut parfois être aussi cendrée...
Où qu'ils soient ils font la l'oie
Comme l'indique assez clairement son titre que l'on croirait temporaire, Untitled Goose Game vous place dans la peau de ce palmipède passablement agaçant, qui décidé par une belle journée ensoleillée de quitter sa mare aux canards pour aller non pas chanter la vie, mais bien la pourrir. Sans raison apparente, notre bécasse délaisse le confort de son nid pour partir à l'aventure, au grand dam de cette drôle de bête que les scientifiques appellent homo sapiens. Et ce grand singe va devoir faire preuve de beaucoup de sagesse, car pour progresser dans sa mystérieuse quête, votre oie n'aura en effet d'autre choix que d'emmerder le monde. Pour votre plus grand bonheur, cela va de soi. Les passants, jardiniers du dimanche et autres brocanteurs que vous croiserez sur votre route n'avaient franchement pas mérité ça. Courir, se baisser, battre des ailes et ramasser un objet : votre palette d'action a beau être des plus restreintes, elle vous suffira néanmoins à vous frayer un chemin à travers les quelques environnements d'Untitled Goose Game, puisque telle est votre mission : avancer, en cacardant d'un air éternellement satisfait.
Je fais très mal la poule, maître
Chacun des quartiers visités s'accompagne d'une liste d'objectifs plus ou moins évidents à remplir au regard ce qui vous entoure, et nous ne nous attarderons pas véritablement sur les énigmes du jeu, afin de conserver la surprise intacte. Une fois la quasi-totalité des énigmes résolues, le jeu votre proposera un ultime défi, qui sera quant à lui obligatoire pour progresser jusqu'à la zone suivante. Comme dans un vieux jeu d'aventure, il faudra nécessairement tester, se tromper, gamberger, et parfois comprendre sur un coup de chance ce que l'on attend de vous. Les humains pourront parfois vous aider à leur insu, et certains objectifs nécessitent donc forcément quelques tentatives pour trouver le bon timing, quand d'autres se complètent sur un coup de chance. Chaque zone propose son lot d'objets et de règles implicites qu'il vous faudra décoder, et bon nombre d'items ne seront là que pour volontairement vous égarer, ou au contraire vous offrir une parenthèse récréative, puisqu'à l'instar d'un certain Octodad : Dadliest Catch, tout dans Untitled Goose Game est prétexte à l'amusement. Histoire de tout de même vous donner quelques tuyaux, des phylactères viendront exprimer les besoins, envies, ou destinations de ces humains décidément bien patients avec vous.
Couac Shot
Malheureusement, le jeu souffre parfois de sa lisibilité flottante : au fur et à mesure de votre avancée, l'élargissement des zones nécessite un dé-zoom (avec la gâchette droite) qui ne fonctionne pas toujours de façon optimale. Les différentes parties d'un même environnement ne se démarquent pas assez spontanément, ce qui vous oblige parfois à devoir avancer plus que de raison pour obtenir le bon point de vue. Lorsque l'on sait qu'il faut souvent faire preuve de discrétion pour dérober les innombrables objets nécessaires à votre progression, on mesure parfois la cruauté de ce choix. Heureusement, les manières de parvenir à vos fins sont suffisamment poilantes pour que l'on pardonne (à moitié) à ce jeu d'aventure d'un nouveau genre. Chaque homo sapiens lancé à vos trousses s'accompagnera en plus d'une succession d'accords de piano désordonnés et désopilants, qui confèrent au jeu une dimension délicieusement grotesque. Sur le plan technique, il souffre en revanche de collisions plus ou moins hasardeuses, qui s'avèrent en soi anecdotiques, sauf lorsqu'elles finissent par vous induire en erreur sur l'impossibilité d'effectuer une action précise. Il faudra donc pardonner à Untitled Goose Game ses errements techniques pour rester sur une note positive. Les pauvres victimes de ce microcosme pourront eux aussi voir leurs déplacements compliqués par vos actions : entre la pagaille étalée sur le sol et les objets planqués qu'ils tenteront par tous les moyens de ramasser, les scripts ont parfois du mal à trouver leur chemin.
Plumer l'oie sans la faire crier
En revanche,Untitled Goose Game réussit malgré des humains sans visage, à parfaitement rendre compte de l'agacement de ces pauvres hominidés, à travers leur seul attitude corporelle : constamment interrompus dans leurs actions par la vôtre, ils useront de tout leur langage non-verbal pour manifester leur exaspération. Ajoutez à cela une oie à l'attitude débonnaire et constamment satisfaite, et vous obtenez un cocktail souvent poilant, qui fonctionne très bien. Du moins... jusqu'à voir arriver sans crier gare le générique de fin ! Si l'on se gardera bien de vous préciser combien d'environnements de cette paisible bourgade anglaise feront office de décors à vos aventures palmées, précisons qu'il est possible de les compter sur les doigts d'une seule main... L'aventure tourne donc court, trop tôt, trop vite, et les objectifs annexes qui forcent à expérimenter un peu plus laissent tout de même un goût amer en bouche, puisqu'il faudra au final reparcourir les mêmes lieux. On pensait l'aventure à peine entamée, elle quitte la table après une salade. Comme quoi, les blagues les plus courtes ne sont pas toujours les meilleures...