Alors que la petite musique d'ennui du Tour de France sert de berceuse à nos longues après-midis caniculaires, le titre officiel de la Grande Boucle revient sous l'égide des doux dingues de Cyanide Studio mais chaperonné cette fois-ci par Bigben. Un changement d'éditeur annonciateur d'un vent de fraîcheur pour une licence qui peine chaque été à se renouveler ?
A peine entamée, cette 106ème édition de la Grande Boucle aura bien du mal à échapper à l'un des scénarii écrits d'avance : une course cadenassée de A à Z par l'armada Sky, nouvellement Inéos, et remportée par son leader Geraint Thomas avec le consentement de ses lieutenants. Peine perdue pour ceux qui voyaient un successeur à Bernard Hinault, dernier tricolore à parader sur les Champs-Elysées. Plutôt que de perdre des heures précieuses et de poser des RTT pour constater la suprématie de l'écurie britannique, on vous conseillerait plutôt de dynamiter cette épreuve avec la simulation officielle du Tour de France proposée chaque été par Cyanide. Une aventure aussi complète que la vraie, que certains surveillent comme leur pote bagarreur en boîte de nuit.
Vraie attaque ou pétard mouillé ?
Toutes les émotions inhérentes à cet événement mythique, tout ce qui pousse les plus férus à établir pronostics et mémoriser les dossards des coureurs, sont concentrées dans cette licence. Et ce, à quelques exceptions près que les développeurs peinent à retranscrire d'une année sur l'autre. Cette édition ne déroge pas à cette règle, tant Tour de France : Saison 2019 joue la carte de l'attentisme au lieu de se porter à l'attaque dès le kilomètre zéro. Car si l'on retrouve toutes les étapes officielles recrées avec soin, les licences habituelles et tous les temps forts d'une course (échappées, ravitos, sprint, gestion de l'effort...), Cyanide aurait pu porter le curseur sur l'intelligence artificielle des coureurs. Le cyclisme demeure un sport beaucoup plus complexe qu'on ne peut le croire, avec un lot de stratégies monstres en fonction des objectifs, de la forme du jour et de celle des coéquipiers. Il est donc difficile de calquer cette dimension tactique dans un volet aussi "frais" que Tour de France 2019.
L'I.A. doit en effet gérer un nombre de paramètres hallucinant (tracé de l'étape, forme, fatigue générale, placement des coéquipiers, stratégies), or elle se contente ici de prendre en compte la distance qui reste à parcourir pour placer des attaques ou mettre en place des plans. Les notions d'écrémage et de panache des adversaires sont ainsi mal abordées à cause d'une jauge d'endurance (barre bleue) suspecte. Demeure alors cette impression désagréable de se battre contre le reste du monde. Cela dit, les résultats restent fidèles à la réalité et plutôt cohérents au vu des forces en présence dans le peloton.
Cyanide en garde sous la pédale
Le gameplay n'a lui aussi pas bougé d'un iota par rapport à l'itération précédente et reste d'une simplicité désarmante pour les nouveaux venus. Seul l'angle de trajectoire a été pris en compte dans ce TDF 2019, un beau virage nous permettant de bien nous placer en vue d'une arrivée au sprint. Sinon, il faudra compter sur la gestion du vent, des oreillettes et surtout de son énergie (via deux jauges de sprint et d'endurance) pour effectuer des différences sur la route. Sans atteindre l'opulence d'un Pro Cycling Manager 2019, nous avons ici affaire à un vrai jeu de gestion/stratégie plutôt qu'à une simulation de cyclisme demandant un sens du pilotage aiguë. C'est votre science de la course qui sera récompensée ! Cette authenticité se révèle aussi dans le moteur graphique, fluide mais plutôt basique dans son aspect et loin des standards actuels. On note l'apparition de décors supplémentaires, de détails d'interface plutôt bienvenus, mais les équipes de Cyanide restent en roue libre et ne semblent pas enclins à changer de braquet. Dommage pour le côté immersif car un réel plaisir se dégage aux sommets des plus grands cols ou sur les pavés du Nord.
4 grandes "classiques" du vélo
Dans la musette de cette cuvée, viennent se mêler deux nouveaux modes de jeu : un multijoueur en ligne pouvant accueillir 4 joueurs sur des courses rapides et un championnat du monde qui offre l'opportunité de représenter son pays pour décrocher le maillot arc-en-ciel. Un contenu qui ne se limite donc plus à l'épreuve chère à Christian Prudhomme et qui s'enrichit de la présence de quatre autres monuments du vélo : le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Paris-Nice et le Critérium du Dauphiné. De quoi se faire la main avant de prendre le départ de Bruxelles dans les parties Pro Leader (carrière d'un coureur personnalisé) et Pro Team (manager d'une équipe) qui n'offrent que peu de différences entre elles. Là où l'on pouvait s'attendre à une immersion dans la vie d'un jeune talent ou d'un groupe, ce volet ne laisse d'autre alternative qu'un enchaînement de courses sans interaction, ni profondeur.
Pour ceux qui n'auraient pas la patience de se plonger dans une telle aventure, de nouveaux défis assez courts font leur apparition pour des parties plus fun. On peut désormais se challenger en écran splitté sur des sprints massifs, des descentes ou des côtes. Une feature agréable qui vient se greffer à un contenu XXL mais qui manque clairement d'ambition. A l'image de ce Tour de France 2019 agréable mais truffé de bugs recensés par une communauté certes exigeante mais passionnée. Un patch viendra sans doute corriger ces tares, en espérant que cela ne soit pas trop tard et que Geraint Thomas n'aura pas déjà ramené le maillot jaune à la maison.