Il y a longtemps, bien longtemps, Nintendo se gardait bien de laisser qui que ce soit toucher ne serait-ce qu'avec les yeux (même de l'amour) à ses licences chéries. Mais ça , c'était avant. Avant que Capcom n'entre dans la danse et ne parvienne à développer deux épisodes de The Legend of Zelda sur Game Boy Color et ne brise définitivement le plafond de verre.
Dès lors, les fantasmes les plus inavouables ne relevaient plus de l'interdit, et la première rencontre avec Sonic, l'ennemi de toujours, laissait espérer de nombreux crossovers, et pas seulement au sein de la pléthorique série des Smash Bros. Ainsi, lorsque le Nintendo Direct de mars dernier s'achevait sur l'officialisation d'un mélange des genres entre The Legend of Zelda et le très dansant Crypt of the NecroDancer, nous étions à vrai dire plus excités que véritablement étonnés.
La Comtesse de la Crypte
Avec Cadence of Hyrule, dont nous ne citerons qu'une seule et unique fois le long sous-titre Crypt of the NecroDancer featuring The Legend of Zelda, tout est dans le titre. Prenez les mécaniques rythmiques mâtinées d'éléments rogue-like du premier et ajoutez-y les environnements, mécaniques et autres personnages iconiques du second : vous obtenez un spin-off original qui parlera à tous les fans de la licence bercés de longue date par les compositions entraînantes de Koji Kondo. Et parce que dans ce genre de mariage, rien ne sert de se prendre le chou plus que de raison, Brace Yourself Games joue la carte de la simplicité. Aux commandes de Cadence, l'héroïne de leur précédent jeu, le joueur est rapidement amené à croiser la route du mystérieux Octavio, dont les desseins ne sont évidemment guère reluisants. Après avoir fait son choix entre Link ou Zelda (l'un et l'autre étant ensuite déblocables dans l'aventure), voici le joueur propulsé en terre d'Hyrule.
Dès lors, votre seul objectif est de défaire en rythme les monstres qui peuplent chaque écran, en vous déplaçant de case en case au son de thèmes remixés des meilleurs épisodes de la saga, même si certains manquent tristement à l'appel. Bien que la dimension stratégique soit belle et bien présente, ne vous attendez pas pour autant à pouvoir planifier votre stratégie en sirotant tranquillou votre potion rouge maison : en effet, comme sur le dancefloor des samedis de notre adolescence, vos adversaires n'hésiteront pas à vous griller la politesse si vous vous montrez trop hésitants. Quitte à prendre le temps de la réflexion, il conviendra de toujours bouger vos fesses d'Hylien, bien calées sur la pulsation.
So Cadence
Constamment matérialisée au bas de l'écran par une Triforce qui pulse sans discontinuer, la mesure accompagnera donc dans Cadence of Hyrule chacun de vos pas, et gare aux arythmiques qui ne joueraient pas le jeu : comme dans tout bon rhythm game qui se respecte, les bonus multiplicateurs ne tomberont qu'à condition de comboter encore et encore. Passé un certain seuil, les dégâts infligés seront ainsi bien plus importants si vous ne lâchez rien, et certains coffres ne s'ouvriront d'ailleurs qu'à condition de le tenir, ce fichu tempo, faute de quoi il faudra retourner travailler ses gammes.
A l'instar du jeu auquel il emprunte bon nombre de mécaniques, chaque ennemi de Cadence of Hyrule possède ses propres patterns à comprendre pour ensuite être contrés. D'abord relativement simples avant de se complexifier, sans non plus nous jouer du Kasparov, ces routines obligent à comprendre son environnement pour ne pas finir à terre en deux temps, trois mouvements. Tout comme dans un Zelda canonique, les débuts se révèlent d'ailleurs bien retors, puisqu'il faudra se contenter des trois coeurs réglementaires. Mais la mort n'est heureusement pas une si grande punition : une fois vaincu, Link ou Zelda pourront dépenser des diamants précédemment glanés pour s'équiper, parfois définitivement, avec de meilleures armes et autres bottes et pelles passablement cheatées.
Like A Boss ?
L'autre bonne idée de Cadence of Hyrule est d'opter pour une exploration relativement libre, introduite en 2013 avec A Link Between Worlds : à l'exception de quelques zones séparées par des eaux profondes, il vous sera possible (à condition de résister aux assauts adverses) de parcourir la quasi-totalité de la world map, qui reste toutefois assez modeste pour la série. Les environnements chéris des fans sont évidemment tous là, du Lac Hylia au Désert Gerudo en passant par les Bois Perdus, le jeu de Brace Yourself pioche allègrement dans la mythologie hylienne. Il en va de même pour les objets à récupérer, dont les upgrades tomberont parfois sans crier gare en vidant une cave de tous ses occupants. La carte conserve d'ailleurs astucieusement la trace des endroits visités et/ou conquis, histoire de faire bon usage de la mécanique de téléportation qui s'offre à vous dès les premières minutes.
Seuls les donjons conservent l'héritage Rogue-like de Crypt of the NecroDancer : au nombre de quatre, ils se parcourent également dans n'importe quel ordre, et se génèrent aléatoirement à chacune de vos entrées. Rapides, souterrains et pas franchement mémorables, ils consistent généralement à trouver la sortie d'une zone après avoir récupéré les traditionnelles cartes, boussoles et clés de boss. Vous pourrez toujours ressortir une fois l'une des étapes franchies, mais l'agencement des lieux sera à votre retour bien différent. Les boss au design sublimes et aux noms franchement très inspirés en VF ne réservent pas forcément le climax d'intensité que l'on était en droit d'attendre, puisque rapidement bourrinables à souhait. Dommage.
The Indigo-Go's
À ce stade de votre lecture, je pressens comme une certaine forme d'impatience... Aurait-on oublié de mentionner un sujet en particulier ? Mais oui, on y arrive : la bande-son de Cadence of Hyrule tient-elle la route ?
Avec une saga aussi reprise que The Legend of Zelda, l'exercice n'était pas des plus aisés. Et pourtant, Danny Baranowsky s'en sort avec les honneurs, en nous abreuvant de reprises riches et inspirées, en s'autorisant des risques que Nintendo n'aurait sans doute jamais osé prendre. Piochant allègrement dans le chiptune, le rock, l'électro, la bossa nova, le baroque, j'en passe et des meilleures, le compositeur rend un vibrant hommage aux compositions de Koji Kondo, même si les épisodes estimés comme A Link to the Past ou Ocarina of Time s'avèrent un tantinet surreprésentés, au détriment des autres. Au final, on se rapproche bien plus d'un album de reprises éclectique à la Threshold of a Dream que d'un sage Anniversary Symphony, et c'est franchement tant mieux.
Pléthorique, la bande-son de ce crossover se paye également le luxe de proposer plusieurs versions d'un même thème qui tient compte de l'action : après avoir liquidé tous les ennemis présents à l'écran, une version plus douce et un brin filtrée vient vous apaiser, un souci du détail que l'on appréciera jusqu'au dernier tableau. Le seul bémol réside sans aucun doute dans la validation des inputs, qui se révèlent par moments tatillons, surtout dans les thèmes syncopés où l'on aurait naturellement tendance à battre la mesure sur l'afterbeat, mais ceci n'entache que rarement le plaisir de jeu. Un petit tour dans les options de calibrage devrait rapidement remédier au problème, que l'on rencontrera évidemment beaucoup moins en mode nomade.