Certes, une semaine après sa sortie, Left Alive est déjà soldé sur les étales japonaises, conséquence de la volée de bois vert reçue par Square Enix de la part de nombreux acquéreurs déçus et mécontents. Mais avec Toshifumi Nabeshima (Armored Core) à la réalisation, Shinji Hashimoto (Final Fantasy, Kingdom Hearts) à la production, ainsi que Yoji Shinkawa (Metal Gear) et Takayuki Yanase (Xenoblade Chronicles X) à la direction artistique, le "pourquoi pas ?" semblait tout de même permis. Malheureusement, après avoir inséré le disque dans la console, la question devient rapidement, simplement, "pourquoi ?".
Left Alive est un spin-off de la série Front Mission censé se dérouler entre les événements des épisodes sortis en 2005 sur PS2 et en 2010 sur PS3 et Xbox 360. Mais les faits d'armes de ce tactical RPG, c'est évidemment sur PlayStation qu'ils ont eu lieu. En 2019, si le récit de Left Alive est toujours fait de science-fiction géopolitique et de guerres de méchas, on a cette fois affaire à un jeu d'infiltration à la Metal Gear, centré sur la survie de trois protagonistes humains, au milieu de l'affrontement qui oppose deux pays fictifs dans la ville frontière de Novo Slava. Mais à part ce contexte de conflits entre super-nations, les méchas bipèdes et la belle jaquette de Yoji Shinkawa, la comparaison s'arrête là et on a même un peu honte de l'avoir osé. Car on s'interroge, encore, sur la volonté de proposer un nouveau jeu d'infiltration, genre largement exploré, amélioré, réinventé ces dernières années, de le confier à Silicon Studios et Ilinx, sans proposer quelque chose de nouveau, ne serait-ce qu'un gimmick. Pour un résultat qui donne l'impression que le titre a une, voire deux générations de retard, sur des aspects impardonnables pour le genre.
Caution ! The enemy is approaching ! (x10)
Un constat qui s'impose d'emblée comme une évidence par l'aspect graphique du jeu. Avec en tête la sainte maxime qui veut qu'on ne juge pas le plumage de l'habit du moine et de la couverture du livre sans évaluer sa beauté intérieure, tout le reste indique que Left Alive a un problème, à commencer par sa difficulté aberrante, non pas pourvoyeuse de défis et de sentiment d'accomplissement, mais gonflée artificiellement, comme une rustine sur ce jeu qui fuit de toutes parts. Car si on s'interroge constamment sur l'existence d'un tel titre, on finit peut-être par comprendre au fur à mesure des situations, pourquoi celui-ci nous invite à éviter les ennemis... Dans Left Alive, on ne peut pas prendre un ennemi à revers dans une ruelle et l'éliminer discrètement. Cet aspect immuable du genre n'est simplement pas proposé. On ne peut pas non plus se défaire au corps-à-corps d'un ennemi, d'abord du fait d'une gestion de caméra désastreuse, mais également car pour se défaire des soldats en armure, il faudra au minimum vider deux chargeurs et balancer une bombe artisanale, si l'on est chanceux. Pourtant, au regard des capacités limitées des adversaires, on aimerait pouvoir abréger ce qui semble être une souffrance (bien réelle pour celle ou celui qui joue), les ennemis étant incapables de nous repérer alors qu'on passe à deux mètres d'eux, quand dans le même temps, planqué en silence derrière un mur ou une caisse, ceux-ci nous repèrent sans qu'on comprenne pourquoi. L'indigence de l'ensemble fait d'animations sclérosées, de bugs divers, d'un système de sauvegarde qui privilégie celle automatique à celle manuelle, de la voix robotique qui nous rappelle sans cesse la présence d'ennemis à proximité, permet tout de même de vite capter à quoi on a affaire avec Left Alive : une catastrophe de bout en bout.
Let it die
On s'évertue tout de même à fabriquer des objets avec les composants que l'on amasse en chemin, la survie étant au coeur du concept de Left Alive, avec l'espoir que les cocktails Molotov, les mines, les grenades fumigènes offrent plus d'efficacité que les armes de poing et quelques situations inédites, mais rien ne semble pouvoir être sauvé, chaque offensive ou presque donnant lieu à des combats gaguesques, transformant bien vite l'expérience en un die & retry consternant. Car au final, quelque soit la diversion, même censément conscient de la position du joueur, l'ennemi reviendra immanquablement à son poste comme si rien ne s'était passé une fois l'alerte passée, et alors qu'une fois repéré, la débauche de rafale venue de toutes parts sans qu'on puisse appréhender grand chose ne laisse que rarement l'opportunité de fuir, avec ce trio de héros aussi souples qu'un fer à repasser. Reste alors les phases de méchas, qu'on pourrait imaginer cathartiques car elles permettent de dézinguer les soldats jusque-là quasi invincibles. Las, leur exécution est comme tout le reste : désastreuse.