"Ne jugez pas un livre à sa couverture" : voilà un dicton qui s'appliquerait particulièrement bien à Necrosphere. Car sous ses airs bien sages de platformer 2D somme toute classique, le retour en grâce de ce petit jeu indépendant nous rappelle avec surprise les vertus parfois euphorisantes des prises de risque du genre. Et tant pis pour les poncifs.
"Un platformer hardcore en pixelart", voilà de quoi donner du grain à moudre aux détracteurs du sujet, et un peu de baume au coeur à votre serviteur. Découvert sur un stand ô combien bruyant lors de Gamescom, le jeu du studio Cat Nigiri revient seul dans une version Deluxe taillée pour la Switch, et agrémentée de quelques bonus histoire de justifier un tel suffixe. Voilà une occasion toute trouvée de vérifier si c'est toujours meilleur quand c'est dur...
Men in Black Death
Sur le papier, Necrosphere Deluxe pourrait presque paraître banal : basé sur un mécanisme d'une simplicité à première vue enfantine, le jeu vous place dans la peau d'un agent tombé lors d'une embuscade. Sale histoire. Et si cette mission avortée aurait pu permettre à l'homme en noir de profiter un peu avant l'heure du doux repos de la tombe, il n'en est malheureusement rien : une fois passé de vie à trépas, vous vous retrouvez en effet dans la fameuse Necrosphere, une zone aussi vaste que notre belle planète, nous dit-on, et de laquelle il est a priori impossible de s'échapper.
Vous voici donc contraint et forcé de trouver une hypothétique sortie, faute de quoi vous passerez une éternité à vous tourner les pouces. Une éternité, ce n'est heureusement pas le temps qu'il vous faudra pour vous échapper de ce triste et morne destin. Vos frères d'armes restés dans le monde réel parviendront tout de même à maintenir le contact, en tentant comme ils peuvent de vous guider à travers l'impitoyable labyrinthe que constitue Necrosphere. Prétexte scénaristique s'il en est, le scénario du jeu de Cat Nigiri est expédié manu militari, pour mieux faire place à son essence de gameplay qui ne semble pas vouloir s'encombrer d'un récit alambiqué. Tout juste apprendra-t-on au détour d'un couloir que les soviets sont une nouvelle fois à la manoeuvre, histoire de maintenir une certaine forme de paranoïa chez le vénérable Camille...
Tutu l'prends pas mal ?
Tentaculaire, le level design l'est gentiment. Heureusement, l'aventure commence en douceur, histoire de ne pas vous décourager d'entrée de jeu : c'est qu'avec sa drôle de prise en main, Necrosphere s'avère bien plus complexe à manier qu'un platformer lambda, pixelart ou pas. Basées sur les gâchettes de votre manette ou les deux boutons les plus opposés (flèche de gauche et rond, par exemple), le plus aguerri des joueurs devra nécessairement oublier ses réflexes pour réapprendre à manier avec précision cet amas de pixel qui vous sert de personnage. Quel que soit la situation présentée, tout se jouera donc sur deux malheureux boutons : d'abord limités aux déplacements droite/gauche, leur utilisation s'élargit avec le dash en tutu (double-pression), le coup de poing et finalement le jetpack (en maintenant les deux), ce qui ouvre à chaque fois de nouvelles perspectives.
D'abord linéaire, le level design dévoile des chemins alternatifs au fur et à mesure que l'on développe sa palette d'actions, une montée en gamme qui s'accorde parfaitement avec les portails vous ramenant systématiquement à la case départ. En revisitant les premiers écrans, les nouveaux passages sautent aux yeux, même si l'exploration de ce labyrinthe dépourvu de carte (c'eut été visiblement trop facile dans ce cas) obligera à être méticuleux, et tant pis pour les joueurs souffrant d'Alzheimer. Vu de loin, les défis proposés par Cat Nigiri paraissent pourtant simples, mais c'est bien son maniement relativement peu orthodoxe qui fait de Necrosphere Deluxe un véritable défi. Requérant un sens fin du timing, le jeu s'amusera de faire grimper la difficulté en flèche lors de passages particulièrement ardus, obligeant le joueur a user de toutes ses capacités pour franchir des fossés de lave ou à rebondir d'une bulle à une autre pour échapper à un zombi un peu trop collant, le tout se jouant bien souvent au pixel. Miam.
Tu as tué mon frère aux stats...
Que les aventuriers hésitants se rassurent : même en l'absence de repères, la brièveté de Necrosphere joue en sa faveur : plié en à peine plus de trois heures, le jeu prend un malin plaisir à vous envoyer les statistiques de votre partie à la figure, ce qui aura permis à votre serviteur de calculer une moyenne de 6 morts à la minute (soit une toutes les 10 secondes), de quoi vous donner une idée de ce qui vous attend. Mais malgré une difficulté relativement corsée, le rythme soutenu et le respawn emplit de mansuétude vous poussera sans mal à recommencer durant une demi-heure entière la même séquence, poussé par une certaine rage de vaincre.
Les derniers tableaux prennent d'ailleurs un malin plaisir à rehausser de quelques crans une difficulté déjà méchamment sadique, tout en raccrochant les wagons d'un embryon de scénario que l'on recollera ici et là en récupérant quelques documents. Et parce que l'homo sapiens que nous sommes finalement tous est toujours capable de prouesses qui dépassent l'entendement, cette version Deluxe justifie son suffixe en proposant en sus un sympathique bonus du nom de "Terry's Dream", une version supra-hardcore des mécaniques de Necrosphere, qui rendra immédiatement fou le plus skillé des joueurs de Celeste, c'est dire. Déblocable en récupérant 5 des 20 collectibles cachés ici et là, il nous rappelle malheureusement l'absence d'un New Game + qui aurait permis de tous les récolter tranquilou, plutôt que de devoir recommencer, la larme à l'oeil, une nouvelle partie...