The Legend of Zelda : Breath of Wild déjà au panthéon du jeu vidéo, Super Mario Odyssey dans les pas de Super Mario 64, Mario Kart 8 Deluxe qui tourne toujours à plein régime sur toutes les Switch, et Pokémon désormais aussi dans les salons avec Évoli ou Pikachu comme compagnons... Il était temps en cette fin d'année 2018, dans la pure tradition du calendrier séculaire et cyclique de Nintendo, et en attendant les prochains Metroid, Donkey Kong et cie, d'accueillir Super Smash Bros. Ultimate, dernière itération d'une série qui n'a fait que grandir depuis son premier épisode en 1999 sur Nintendo 64. Dans des proportions d'ailleurs si grandes qu'on ne se demande plus quel personnage manque à l'appel de la baston façon Nintendo, mais s'il ne faudrait pas déjà en inventer de nouveaux pour que le prochain Smash s'étoffe comme il se doit.
Bien sûr, il y a encore aujourd'hui des joueuses et des joueurs, des passionnés de jeu vidéo, qui passeront totalement à côté de ce jeu hybride, entre plateformes, party game, combat où il faut faire grimper des pourcentages plutôt que de faire baisser une barre de vie. Et quoi de plus normal quand on n'a pas forcément envie de voir le Roi Dadidou affronter Snake de Metal Gear à coups de curry trop épicé, pendant qu'une armée de Yoshi multicolore se prend une dégelée par Cloud de Final Fantasy et une entraîneuse Wii Fit qui enchaîne les poses de yoga ? Cette description (pourtant formidablement vendeuse) peut en effet déplaire, provoquer de l'incompréhension, du rejet, mais que chacune et chacun soit assuré d'une chose : ce grand bazar est façonné avec le plus grand sérieux, incarné par son producteur historique Masahiro Sakurai, et ce nouvel épisode sur Switch qui regroupe tout ce qui a fait le succès de la série, le démontre encore une fois avec brio. Et trio. Au carré. Jusqu'à huit !
Le Mario Kart de la bagarre
Super Smash Bros. Ultimate regroupe en effet tous les personnages apparus dans la série depuis le début, ainsi que toutes les arènes de combat (DLC Wii U inclus) pour un total une fois débloqués, en ajoutant les nouveaux et les personnages Echo (exemple : Ken de Street Fighter, variante de Ryu plus rapide mais similaire dans sa prise en mains) de soixante-quatorze personnages jouables et de cent trois arènes où s'affronter. Dans toutes les conditions, des plus austères aux plus folles avec pistolets, bombes, boomerangs et Pokéball à foison et à disposition.
De fait, la réunion de tout ce qui a fait Smash jusqu'à aujourd'hui peut donner à Ultimate des faux airs de compilation améliorée du dernier jeu en date, à la manière d'un Mario Kart 8 Deluxe, version ultime mais similaire dans le fond à sa version Wii U. Il n'en est rien : si Super Smash Bros. Ultimate ne semble pas marquer une étape franche comme Brawl par rapport à Melee (huit ans séparent ces deux jeux contre quatre pour Smash 3DS / Wii U et Ultimate), il n'en demeure pas moins un vrai nouveau jeu. On y redécouvre les personnages, leurs mimiques et leurs attaques inédites, toujours épaté par le soin constant du détail. Ce qui bien entendu constitue l'un des charmes de la série en général et de Super Smash Bros. Ultimate en particulier, et le hisse au-dessus de son statut de jeu vidéo pour en faire une encyclopédie amoureuse du jeu vidéo japonais, de ses mascottes, de ses genres, de ses musiques (des centaines, dans leurs versions originales ou réorchestrées, remixées, et à écouter partout, Switch oblige) mais aussi de ses personnages plus anecdotiques ou de ses séries plus discrètes.
Esprit, atout là ?
La principale nouveauté de ce Smash Switch, c'est justement l'importance qu'il offre à des personnages secondaires, à travers l'apparition des Esprits, qui pour certains sont également des Trophées et qui apparaissent en combat. Désormais, toutes les créatures, méchants, héroïnes, qui n'ont pas décroché une place dans le roster final démontrent tout de même leur valeur à travers un artwork affublé d'une barre de défense, d'attaque, d'un type (qui répond aux règles du pierre-feuille-ciseaux à la Fire Emblem) et qu'on associe avec un personnage jouable pour le rendre plus costaud mais aussi pour le faire démarrer avec un avantage, un objet ou encore palier à un désagrément, par exemple le brouillard ou le feu qui recouvre une arène. Ces Esprits sont tirés de toutes les séries dont sont issues les personnages jouables et au-delà : Mach Rider ? Glory of Heracles ? Ça vous dit quelque chose ? Eh bien, c'est présent !
Avec plus de six cents esprits à collecter, leur chasse s'apparente aux plaisirs de la complétion d'un album Panini, mais est également révélatrice des seuls défauts qu'on peut attribuer à ce Smash. D'abord, les amiibo ont définitivement remplacés les modèles 3D des Trophées que l'on pouvait contempler dans les épisodes précédents, mais surtout, le mode principal pour obtenir ces Esprits, l'aventure La Lueur du monde est assez décevante sur un point bien précis : l'absence de scénario. En effet, si le précédent mode scénarisé que proposait Smash Bros., celui de la version Wii, n'a pas offert une histoire dont on se rappelle encore, cette dernière avait le mérite de donner du corps, à travers de belles cinématiques, aux péripéties de Ness, Fox, Captain Falcon et toute la bande. Il était également jouable à deux, ce qui n'est pas le cas ici.
Alors que lors des Nintendo Direct dédiés, l'introduction de nouveaux combattants se faisait bien souvent à travers une cinématique, il est dommage de n'avoir que celle d'introduction avec tous les protagonistes au bord de la falaise, effacés par la lumière de Kilaire, le grand méchant, avant de partir à la chasse aux Esprits sur une mappemonde qui, certes, s'amuse à regrouper à la façon des zones d'un parc d'attractions les différents univers des très nombreux personnages du jeu. Les interactions relatives aux victoires en combat pour progresser sur cette mappemonde (un portail qui s'ouvre, un pont qu'on construit...) n'en deviennent que plus pénibles, surtout quand dans le même temps, le mode Tableau des Esprits permet de les obtenir avec plus de simplicité, sans ce jeu d'action réaction sur carte, façon RPG à l'ancienne. Mais c'est justement ce choix accordé et toujours multiples dans tous les modes du jeu, qui fait qu'on passe sur cet aspect qu'on aurait aimé plus... épique ?
Complet double Kirby Tomate Mario (supplément Samus)
Car s'il manque une tranche de cornichon (et il y en a qui n'aiment pas) dans ce sandwich géant, pour le reste, c'est à dire tout le contenu qui déborde, il y a de quoi être rassasié pendant des mois. Entre la collection des Esprits bien sûr, au sein de l'aventure ou non, mais aussi le mode Classique jouable à plusieurs, avec cette bonne idée de proposer des adversaires et un boss final en adéquation avec le récit qu'on pourrait faire autour du personnage choisi, le mode Entraînement, 1 contre 100, le mode Smash et toutes ses variantes où tous les paramètres sont personnalisables, du combat en équipes, en survie ou en tournoi, le jukebox, les anecdotes en pagaille au détour d'un écran de chargement et bien sûr, le multi qui offre des possibilités infinies, le jeu est toujours plus généreux.
Malheureusement, les fonctionnalités en ligne ne seront pas testées à l'heure de la rédaction de cette critique, simplement indisponibles pour l'exercice de cette dernière. Enfin, un mot sur les sensations de Super Smash Bros. Ultimate : si moult spécialistes sur YouTube offrent l'occasion de se familiariser aux techniques les plus sophistiqués et de décortiquer les mécaniques du jeu en profondeur, n'importe quel amateur de la série constatera que cette version Switch propose des affrontements plus vifs, plus précis, et que le nouvel équilibrage des combattants rebat les cartes, les champions d'hier ne l'étant plus forcément aujourd'hui. Une refonte qui comme d'habitude plaira ou non, mais qui rappelle une évidence propre à Smash : expert, collectionneur, débutant : tout le monde s'y retrouve et c'est aussi ce qui en fait un objet culturel à part entière, singulier. Pas seulement un jeu de baston, ni un fantasme de fanboys, Super Smash Bros. Ultimate a cette qualité de pouvoir être aimé de bien des façons..