Passés par bien des péripéties en 2017, les danois de IO Interactive y seront bien parvenus, à boucler les nouvelles aventures de l'Agent 47. Désormais sous le giron de Warner, le studio a abandonné le fractionnement en plusieurs épisodes. Si bien qu'en lieu et place d'une saison, nous voici face à une nouvelle expérience proposée d'un seul bloc. Un retour à une approche commerciale plus conventionnelle... Pour un Hitman 2 qui lui aussi joue la carte de la sécurité ?
Bonne nouvelle : là où Hitman Absolution avait débouché sur une impasse en de nombreux points, Hitman voit sa trame, logiquement, se poursuivre avec Hitman 2. L'étrange client de l'ombre est toujours là, avec ses cachotteries. Et l'organisation qu'il cherchait à embêter n'a pas l'air d'apprécier. Au milieu se trouvent encore l'Agent 47 et Diana Burnwood, son contact à l'International Contract Agency. Le passé va être fouillé, avec plus d'une référence à de précédents volets, pour les fans, les enjeux expliqués avec davantage de clarté. Ne vous attendez pas toutefois à être transportés par une écriture survoltée et des cinématiques pleines d'une tension subtile digne d'un film d'espionnage. Abandonnant les cut-scenes cinématographiques, immersives, mais probablement un peu plus coûteuses, au profit de scènes en images semi-fixes - mais toujours doublées avec application, Hitman 2 signe le formulaire de renoncement à vouloir faire du scénario du mode Histoire quelque chose d'essentiel. On apprécie qu'il donne des motivations derrière chaque mission. Mais l'intérêt d'un Hitman réside dans son gameplay.
Le grosse mission
Du côté purement ludique, aucune déception à éprouver si la formule telle qu'elle était proposée dans le jeu de 2016 nous plaît. Lâché dans une poignée d'environnements plutôt variés, dans des circonstances assez diverses, l'Agent 47 a toujours pour objectif d'occire, de la façon qui vous sied, une ou plusieurs cibles plus ou moins accessibles. D'un chef d'entreprise high-tech et sa fille pilote au beau milieu d'une course de voitures à Miami à des barons de la drogue dans un village colombien qui a beaucoup à cacher en passant par un réalisateur de film à Mumbai et de sacrés VIP dans un très traditionnel quartier résidentiel américain, on aura de quoi s'amuser.
Les différents stages, dans lesquels on peut se balader presque comme on le souhaite, font montre d'une ampleur surprenante. En dehors du tout premier contrat avec une "simple" maison où l'on trouvera finalement peu d'humains, tout se révèle follement gigantesque, tentaculaire. La ville la plus peuplée d'Inde figure peut-être comme le terrain le plus impressionnant, très étendu et jouant aussi sur la verticalité, avec une foule en nombre ahurissant dans ses rues et ses arcades. N'allez pas croire que les autres fassent preuve de faiblesse, cependant. Le traitement visuel est toujours différent et la façon dont sont gérées et éparpillées les foules donnent à chacune des aires une identité suffisamment forte, oblige toujours à se plonger un peu plus dans la peau d'un tueur froid et calculateur.
Furtivité conseillée
Une fois de plus, donc, attendez-vous à devoir trouver la ou les failles qui vous laisseront accomplir votre quête. Pendant plusieurs heures, vous allez vous faufiler, escalader, assommer, traîner, planquer, faire diversion, maquiller en accident, prendre garde de ne rien faire qui soit capté par une caméra ou le reflet d'un miroir (nouveauté assez sympathique)... Obligeant à l'exploration mesurée, l'observation attentive et l'écoute méticuleuse, Hitman 2 regorge d'objets, d'armes plus ou moins conventionnelles et de déguisements qui pourront vous ouvrir des chemins et en fermer d'autres - le principe de reconnaissance de certaines unités par des supérieurs étant encore de mise. Avec une clé anglaise, une canette de soda, une brique, un tournevis, de la mort aux rats, un mètre ruban ou une aiguille à tatouage et j'en passe, qui ont la possibilité d'être lancés en pleine tronche, on peut faire des miracles.
Bien sûr, dans le plus faible des trois niveaux de difficulté, vraiment très miséricordieux, vous serez moins sous pression en logeant une balle de silencieux dans le crâne de votre cible devant témoins et avec des vigiles aux fesses. Il s'avère d'ailleurs assez simple de se faire oublier, en se fondant dans des groupes de PNJ ou en s'accroupissant dans les herbes hautes. Sauf que l'estimation de votre performance pâtit du moindre écart. Et l'immersion aussi, les fusillades et corps-à-corps ne s'avérant pas très convaincants - surtout quand toutes les intelligences artificielles vous repèrent et se mettent à tirer dans votre direction sans chercher à contourner votre couverture ou, encore, foncent vers vous pour du zigouillage à la chaîne.
A man got to have a code
Tout l'intérêt demeure dans le concept de mettre en place une mécanique de l'assassinat parfaitement huilée, qui se passerait d'une sauvegarde de sécurité fréquente. Dès lors que l'on reste dans le cadre fixé (avec force rigidités, malheureusement, pour une simple escalade, ainsi que quelques murs invisibles rageants), cela fonctionne du tonnerre. La part de l'improvisation peut devenir assez réjouissante à la découverte inopinée d'un nouvel élément ou si l'on tient compte des intrigues - ex-opportunités - se dévoilant à l'approche de certaines pièces d'informations ou conversations. Optionnelles, comme la plupart des assistances, et assez nombreuses (au point qu'on vous propose celles que vous auriez manquées à la fin d'un run), elles permettent d'avoir un aperçu de ce qu'il est possible d'accomplir avec un minimum de scénarisation.
Pour donner envie de revenir expérimenter, en commençant ailleurs avec du nouveau matos, s'assurer de ne faire aucune victime innocente, relever tous les défis et viser si ce n'est la lune au moins le 100% ? Pour un joueur qui voit une mission achevée comme une finalité et ne regoûte jamais deux fois à la même chose, peut-être pas. Pour les amateurs de la philosophie de la série, qui trouveront une production qui se présente comme une sublime assomption formelle et se refuse, en dehors de quelques aménagements pratiques, à bouleverser quoi que ce soit, aucun doute. Il y a tant à essayer. Et tant en dehors même des stages du mode Histoire. Les différents bacs-à-sable vont accueillir les contrats imaginés par les programmeurs et la communauté. Les cibles éphémères ne vont pas manquer. Et si vous possédez le Hitman de 2016, vous aurez même droit de retourner à Paris, Sapienza, Marrakech, Bangkok, dans le Colorado et au Japon.
Et n'oublions pas que, enfin, malgré un goût de Hitman 1.5 préférant l'ataraxie avec des évolutions principalement visuelles, on peut toujours varier les plaisirs. Le Sniper Assassin, où l'on doit canarder à distance en tenant compte du délai avant impact avec projectile, se montre divertissant. Le mode Fantôme, affrontement 1 contre 1 online où la précipitation ne doit pas prendre le pas sur la méthode, a de beaux atouts. Le fait de jouer simultanément pour enchaîner 5 assassinats sans se faire remarquer et en gardant un oeil sur "l'univers parallèle" de son opposant a un certain potentiel.