Tout comme la scène musicale française, le petit monde du jeu vidéo semble prendre un certain plaisir à voir de temps à autres une superstar d'hier achever sa traversée du désert pour goûter le temps d'un album ou d'un plateau TV la douce saveur des projecteurs. Rares sont alors ceux qui réussissent à transformer l'essai, ce qui rend sans doute leur victoire encore plus belle. Et pourtant.
Et en matière de désert, le pauvre Mega Man a eu le temps de voir les dunes se déplacer au gré des vents : ressuscité une première fois en 2008 à la faveur d'un excellent Mega Man 9 délicieusement rétro, le Blue Bomber avait à nouveau disparu des radars depuis 2010, se contentant à travers quelques Best-Of de se rappeler au bon souvenir de ses fans. C'est pourquoi l'officialisation d'un onzième épisode fin 2017 avait remplit les coeurs d'espoir. Mega Man 11 est il à l'heure au rendez-vous de nos promesses ? Réponse dans quelques paragraphes.
Les Huit Salopards
Ceux qui avaient apprécié le look rétro des deux dernières aventures de "Rock" en seront pour leurs frais : c'est avec un tout nouveau moteur et une direction artistique inédite que le héros de Capcom revient, surtout pour le meilleur. Le look cartoonesque de Mega Man et de sa troupe rompt peut-être avec une certaine approche, mais il permet à la série de proposer une narration un peu plus développée, quitte à lui accorder un peu trop d'importance. Inutile de jouer les vierges effarouchées : il faudra une fois de plus affronter une huitaine réglementaire de robots rendus fous par l'intervention du machiavélique Dr. Wily en jouant sur les faiblesses de chacun d'entre eux.
Mais là où Mega Man 11 prend quelques libertés avec la formule quasi-inchangée des débuts, c'est grâce à l'ajout d'un mécanisme baptisé Double Gear System, que la (trop) longue introduction du jeu fait remonter au temps où Light et Wily étaient encore étudiants et chevelus. Refusée par le Dr Light et ses confrères doctorants, l'invention qui devait permettre aux robots de dépasser l'être humain sur tous les plans avait été détruite, du moins le pensait-on. C'était sans compter sur l'incroyable capacité de rebond du Dr. Wily, qui ressort ainsi de son chapeau cette arme à double-tranchant, semant ainsi pour la onzième fois consécutive la pagaille dans ce futur plus si lointain.
Rise of the Robots
Et puisqu'absolument tous les fondamentaux de la série ont répondu présent, c'est bien sur la présence de ce Double Gear System que Mega Man 11 mise tout. Disponible dès le début de l'aventure, cette mécanique devra vite s'apprivoiser pour réussir à défaire les huit robots peu au fait des trois lois d'Asimov. La gâchette de gauche permet de décupler les dégâts occasionnés par votre Buster (mais pas que), tandis que celle de droite ralenti le temps, histoire d'esquiver avec une classe certaine tous les tirs ennemis, ou de vivre assez différemment le retour du Yellow Devil. C'est peut-être un détail pour vous, mais pour la série, l'apport est de taille, car ces mécaniques de base s'enrichissent continuellement au fur et à mesure de votre progression.
En effet, le multiplicateur de dégâts se combine intelligemment à toutes les armes que vous déroberez aux différents boss, modifiant ainsi leurs tirs ou leurs trajectoires. Si la maîtrise de ce couplage demande un tout petit temps d'adaptation, l'aventure n'en devient que plus jouissive au fuir et à mesure que l'on s'émerveille des nombreuses possibilités qui s'offrent à nous. Les nouvelles armes ont été pensées pour exploiter intelligemment ce système, et l'on prend un réel plaisir à expérimenter sur la bleusaille ennemie chaque nouveau joujou. Le ralentissement du temps n'est quant à lui pas en reste, puisque la boutique du Dr. Light propose d'acquérir des améliorations qui permettront par exemple de se déplacer tout à fait normalement pendant que vos adversaires restent dans le zeph le plus total.
Tu veux un ballon ?
Il faut dire que les nouveaux niveaux font preuve de pas mal d'ingéniosité, et ne sacrifient en rien à la difficulté parfois légendaire de certains épisodes sur lesquels il est encore possible de s'arracher les cheveux. Retors, plus long qu'à l'accoutumée et parfois carrément surprenant (coucou Bounce Man), les différents environnements profitent de la nouvelle direction artistique qui les enrichit de backgrounds assez détaillés, et profitent pour disséminer ici et là quelques clins d'oeils aux fans de la première heure. Et si l'on ne s'étonnera pas de constater que chaque thématique est évidemment raccord avec le maître des lieux, les combats de boss se révèlent assez surprenants, puisque chacun d'entre eux profite d'une transformation modifiant les patterns et parfois leur apparence. Un vrai régal.
Mais que les nouveaux venus ou les chasseurs de boîtes de conserve sur le retour se rassurent : avec quatre niveaux de difficulté intelligemment pensés, tout le monde y trouvera son compte. Passée la blague du mode "Débutant", l'option "Facile" demandera un peu de doigté (les pics et les gouffres qui one-shotent sont toujours là) mais se débarrasse des ennemis les plus vicelards tout en multipliant les vies et les checkpoints. Le mode "Normal" sera paradoxalement à réserver aux joueurs aguerris dont les réflexes et la patience demeurent intacts, puisque le challenge n'a rien à envier aux premiers opus sortis sur NES. Heureusement, la boutique du Dr. Light permet dans tous les cas de s'équiper en vies et autres Energy Tanks, mais surtout de débloquer de nombreuses améliorations qui s'avèrent indispensables pour tenir la distance. De quoi refaire quelques stages avant de partir défaire le Dr. Wily dans sa forteresse ? Assurément. Et pour ceux qui n'en ont décidément jamais assez, le mode Défi et ses épreuves chronométrées devraient vous occuper plus que de raison.