Des Visual Novels, il en sort des tonnes au Japon, depuis longtemps et sans que cela ne fasse particulièrement parler en occident. Lorsque 428 : Shibuya Scramble est sorti sur les Wii japonaises en 2008, il a réussi à faire du bruit jusque dans nos contrées. Pourquoi ? Parce qu'il avait reçu 40/40 dans le magazine japonais Famitsu à l'époque où ce dernier ne distribuait pas encore la note parfaite comme Bud Spencer distribue des baffes. En effet, il s'agissait alors de la neuvième note parfaite en 22 ans d'existence du magazine. Dix ans plus tard, le jeu a enfin droit à une version traduite (en Anglais). L'attente valait-elle le coup ? C'est ce que nous allons avoir.
428 : Shibuya Scramble raconte donc la journée de cinq personnes qu'a priori tout oppose mais que le destin va réunir : un jeune chômeur ancien membre de gang, un jeune policier idéaliste, un journaliste freelance ambitieux, un scientifique concentré sur son travail et... une jeune femme jouant le rôle de la mascotte d'un produit amincissant coincée dans son costume. Une "simple" histoire de kidnapping va rapidement se compliquer et se transformer en affaire aux conséquences potentiellement catastrophiques et mondiales. Et tous vont avoir un rôle capital à jouer dans cette aventure. L'histoire se déroule de 10h à 20h et progresse heure par heure pour chaque personnage en parallèle. Le joueur doit arriver à la fin de l'heure de chaque personnage pour passer à l'heure suivante. Comme un épisode d'une série, chaque chapitre, et donc chaque heure, se termine sur un cliffhanger. Et plus le temps avance plus le joueur s'attache à ce casting pour le moins éclectique, qu'il s'agisse des personnages principaux ou des seconds rôles.
Shibuya, ses quartiers, ses habitants
L'interface du jeu prend la forme d'une timeline sur laquelle s'ajoutent progressivement les moments importants tels des checkpoints. Le jeu permet de passer d'un personnage à l'autre n'importe quand mais nécessite parfois d'avoir atteint un certain point avec un protagoniste pour pouvoir continuer la progression d'un autre. Visual Novel oblige, les phases de jeu correspondent à des photos (et quelques rares vidéos) sur lesquelles sont apposés les textes, qu'il s'agisse de textes décrivant la situation ou de dialogues. En plus des traditionnels choix à effectuer, le joueur a également à certains moment la possibilité d'interagir avec le texte. Ces interactions servent dans certains cas de passage d'un personnage à un autre et dans d'autres à obtenir des informations sur l'univers du jeu/des éléments de la vie réelle (les informations de culture générale sont par ailleurs très intéressantes).
Même s'il serait possible de penser que le format du jeu ne facilite pas l'immersion, l'écriture de 428 et le fait que les photos représentent des lieux réels permettent de se plonger totalement dans le Shibuya du jeu. Malgré son affichage relativement statique, l'action parvient à être palpitante et à accrocher véritablement le joueur. Et grâce à la qualité de son scénario, les rebondissements sont pour la grande majorité vraiment surprenants. Dans les dernières heures de cette longue (dans le bon sens du terme) aventure, il y a vraiment de quoi être suspendu à sa manette en se demandant où l'intrigue va bien se terminer. Il paraît cependant essentiel de souligner que les textes de 428 : Shibuya Scramble sont uniquement disponibles en Anglais. Le gameplay du jeu reposant essentiellement sur la compréhension de ces textes, il est obligatoire de bien comprendre la langue de Shakespeare pour profiter de ce que le jeu a à offrir.
Les cinq protagonistes de 428 : Shibuya Scramble n'ayant pas le même âge, la même vie ou encore le même caractère, les scénarios de chacun d'entre eux ne proposent pas les mêmes situations ou les mêmes ambiances. Si certains scénarios sont très sérieux d'emblée, d'autres sont initialement plus légers et humoristiques. Mais là où les auteurs de ce Visual Novel ont bien fait les choses, c'est qu'ils n'ont pas abusé de l'humour. Plus la journée avance, moins la situation donne à rire. Ce qui se manifeste dans l'écriture du jeu. L'humour disparaît progressivement ce qui permet au joueur de bien prendre conscience de la gravité et de l'urgence de la situation. De par les situations, les ambiances, les dialogues ou même les comportements des personnages, ce roman photo interactif plonge le joueur dans un Japon contemporain et authentique (malgré l'aspect romancé lié à l'intrigue). Étonnamment, 428 contribue à sa manière au tourisme virtuel.
La mauvaise fin justifie les moyens
Un des défauts qui peut être fréquemment reproché aux jeux narratifs à choix multiples est l'absence apparente d'impact sur le long terme des choix effectués. Dans de nombreux cas, un choix bouleverse la scène qui vient juste après ou un détail qui n'a pas réellement d'incidence sur le personnage principal, avant de revenir sur l'axe majeur de l'intrigue tel qu'il a été prévu par le scénariste. De par le nombre d'embranchements et de mauvaises fins qu'il contient, 428 : Shibuya Scramble propose une aventure dans laquelle chaque décision compte véritablement. Et il le fait de manière originale.
Dans les jeux narratifs disposant de plusieurs fins, l'obtention d'une bonne ou d'une mauvaise fin est généralement découvert une fois la fin du jeu atteinte. 428 : Shibuya Scramble dispose bel et bien de plusieurs fins que le joueur découvre lorsque son aventure arrive à son terme. Mais c'est loin d'être tout. Pendant toute la durée de l'aventure, c'est-à-dire du premier chapitre jusqu'au dernier, le jeu peut à tout moment se retrouver face à une mauvaise fin. Au total, le jeu en compte plus de 80. Et c'est là un des points forts du titre de Spike Chunsoft. Plutôt que de signaler un Game Over définitif, ces mauvaises fins invitent le joueur à revenir sur ses pas et à modifier certaines de ces décisions prises précédemment. Un choix à première vue anodin effectué par un personnage peut avoir des conséquences désastreuses pour un autre plus loin.
Il paraît d'ailleurs impossible de traverser l'aventure de 428 sans jamais tomber sur la moindre mauvaise fin. Pour avancer dans l'intrigue, il est même nécessaire de tomber sur les mauvaises fins. Et à part deux ou trois cas dans lesquels la "bonne solution" est totalement tordue et difficile à trouver par simple logique, la progression dans l'aventure se fait plutôt naturellement malgré ces voyages dans le temps répétés. Et pour les joueurs qui ont un peu de mal à trouver la bonne solution pour progresser, le jeu propose de manière facultative une explication à chaque mauvaise fin. Ces textes indiquent plus ou moins explicitement là où les choses ont pris un mauvais tournant et aident à changer le cours des choses.
Toujours à propos des mauvaises fins, les joueurs un poil complétionnistes ne manqueront pas d'avoir envie de voir toutes les mauvaises fins. Allant du tragique au comique, elles contribuent à étoffer encore plus l'univers de 428 : Shibuya Scramble et de donner l'impression que les choix effectués par le joueur pèsent. Ces mauvaises fins sont d'autant bien pensées que le joueur ne sait pas toujours immédiatement qu'il a fait des choix qui vont mener à l'une d'entre elles. Il faut parfois attendre plusieurs scènes, plusieurs dialogues, ou même de passer à un autre personnage avant de découvrir que les choses vont mal se terminer. Et pour ceux qui veulent prolonger l'expérience une fois le jeu terminé, plusieurs scénarios-bonus peuvent être débloqués une fois le jeu terminé une première fois. Histoire de ne pas vous gâcher la surprise, nous ne vous dirons pas comment faire pour les obtenir...
Photos de voyage
Comme indiqué plus haut, la réalisation de 428 : Shibuya Scramble repose essentiellement sur des photos. Ces dernières ayant été prises alors que les comédiens jouaient véritablement leurs scènes, elles ne montrent pas des acteurs en train de surjouer alors qu'ils sont figés depuis plusieurs minutes. De plus, la qualité des clichés des environnements et les choix des décors permettent d'avoir une bonne idée en tête de ce à quoi ressemble Shibuya et de s'immerger dans l'univers du jeu. 428 étant un jeu initialement sorti il y a dix ans, l'interface a pris un petit coup de vieux. Mais cela ne nuit absolument pas à la qualité de l'expérience.
Du côté du son, les dialogues ne sont pas parlés. Le jeu accorde cependant une grande place au son via l'utilisation des bruitages et des musiques. Ces deux éléments sont parfaitement utilisés et contribuent réellement à l'expérience. Et il faut bien admettre que plusieurs des thèmes de personnages restent en tête bien après avoir éteint la PS4. Le seul véritable bémol technique du jeu réside dans quelques rares soucis d'affichage des textes. Au cours du test, un d'entre eux a même nécessité de relancer le jeu. Heureusement, les doigts d'une main étaient plus que suffisants pour compter les problèmes de ce genre.
Adieu et merci
Un bon moyen de savoir si un univers a accroché votre serviteur est d'étudier son comportement une fois le jeu terminé. S'il se met dans la foulée à chercher des informations supplémentaires sur la création du jeu et sur ses comédiens, c'est que c'est plutôt bon signe. Et force est de constater qu'une fois 428 : Shibuya Scramble terminé, l'envie de prolonger par n'importe quel moyen l'immersion dans le Shibuya du jeu a été extrêmement forte. En fin de compte, si l'on est un peu triste une fois le jeu de Spike Chunsoft terminé, c'est uniquement parce que l'on sait qu'on ne reverra plus jamais Achi, Kano, Tama, Minorikawa, Osawa et tous les autres. Et c'est bien dommage.