Comment réussir à succéder à un jeu ayant généré autant d'enthousiasme et de sympathie que Life is Strange ? La question s'est posée pour Deck Nine lorsque Before the Storm a été proposé. Elle se pose à nouveau avec ce nouvel épisode numéroté, Life is Strange 2, derrière lequel on retrouve le studio d'origine, DONTNOD, qui n'aura pas mis trop longtemps à apporter la bonne réponse. Un chapitre, et l'on peut déjà sentir que tout va bien se passer.
C'est encore une histoire d'ado débutant sur un morceau qui aurait sa place en intro de n'importe quel film labellisé Sundance (du Phoenix, si ça vous intéresse). Mais Arcadia Bay et Maxine sont loin. 2016. La banlieue de Seattle, le soleil commençant à plonger dans le Pacifique. Le bus vient de déposer Sean Diaz et sa meilleure amie, Lyla. Ils font un bout de chemin ensemble, comme tous les jours. Ca papote, ça rigole. La discussion tourne autour de trucs de leur âge : les amourettes, les clopes, les joints, l'alcool, le sexe. Ce soir, il devrait y avoir un peu de tout ça pour Sean. Une soirée chez un pote. Tout le monde y va. Et lui veut pécho Jenn. Toute une organisation se met en place. Rentré chez lui, Sean doit faire son paquetage, amener de quoi se sustenter et se divertir. On rencontre un père aimant et cool, un petit frère, Daniel, 9 ans, qui veut attirer son attention. Et alors que la suite semble écrite dans la sérénité, c'est le drame. Un événement tragique, inattendu, inexplicable, fait que Sean et Daniel doivent partir. Tout quitter. Désormais, leur nouvelle vie, c'est la route.
C'est le feu, les frérots
Des deux fugitifs, on incarne le grand, Sean. Petite surprise par rapport à Life is Strange, s'il a lui aussi une âme d'artiste, capable de réaliser des dessins lorsqu'il prend le temps de mémoriser son environnement (mais avec une interaction très limitée où l'on fait gigoter le stick pour crayonner), il ne dispose d'aucun pouvoir spécial. Après Max la maîtresse du temps, nous voilà dans la peau d'un gamin normal - et capable de se défendre. Ce sont les circonstances qui sont extraordinaires. Oh, rassurez-vous : il reste un filet de surnaturel. Mais l'on se contentera de dire que l'on n'a pas toutes les données et qu'on ignore si l'on aura la main. Et que ce n'est pas le plus important.
L'important, c'est de protéger Daniel. Un exercice qui s'avère d'une complexité traumatisante. Difficile d'imposer cette fuite à un môme de 9 ans, surtout sans lui donner d'explications et en étant forcé de mentir. Difficile de réussir à se nourrir lorsqu'on a pas un rond. Difficile de dormir dans la forêt avec juste une couverture sale. Difficile d'éviter les maladresses avec un tel écart d'âge, de parvenir à rester dans l'insouciance du plus jeune. Difficile de résister à cette petite tête brune lorsqu'elle réclame quelque chose. Difficile, si l'on vole ou casse quelque chose pour sa survie, de ne pas voir que cela donne le mauvais exemple. Difficile, enfin, de ne pas attirer l'attention. Cela en fait des dilemmes à gérer... Le changement d'enjeux, de tonalité, les possibilités de faire intervenir ou non le petit frère sur certains éléments interactifs permettent d'éviter efficacement la redite d'Arcadia Bay.
Road trip fraternel
Débordant de moments complices, tendres et contemplatifs (la direction artistique s'entiche d'ailleurs d'une réalisation plus honorable), Roads n'a pas peur de taper immédiatement au niveau du coeur. À plus d'une reprise. Déjà avec son ouverture qui dérape brutalement. Ensuite par ces situations qui font réfléchir sur le poids de nos décisions, toujours importantes à des moments précis et pouvant jouer sur des détails (sans grande incidence pour le moment) de la trame. Enfin, avec des rencontres pas toujours heureuses, qui aiment nous rappeler que les États-Unis, ce sont aussi des tensions ravivées par un fou aujourd'hui à la Maison Blanche, un beau lot de racistes et de personnes violentes, à la morale douteuse. On ne s'y attendait pas vraiment pour cette histoire à la mise en scène très soignée sur laquelle flotte un parfum de Midnight Special, mais le fait que nos héros soient d'origine mexicaine est pris en compte. Ce qui donnera lieu à une séquence violente, pleine de détresse, injuste, dans laquelle l'entente entre les deux frangins, même si on ne ressentira pas un grand bouleversement ludique (au moins n'a-t-on pas de tesson de bouteille à débusquer), sera primordiale. Et si en plus on peut répliquer...
Affaire à suivre
Après cela, grâce à une belle rencontre qui méritera que l'on s'attarde un peu sur l'inventaire pour découvrir une autre histoire foutrement triste, on pourra continuer à apprécier le magnifique lien qui unit les protagonistes pour lesquels on peut dire que le casting a été un franc succès. Gonzalo Martin et Roman Dean George se révèlent épatants dans les rôles de Sean et Daniel - audio en anglais, sous-titres en français, si vous vous demandez. Ils donnent la même substance aux dialogues et aux différentes scènes traversées que Hannah Telle et Ashly Burch. Un petit plus, ce qu'est indéniablement l'irrésistible Champignon, qu'on vous laissera le soin de découvrir. Il y a comme une sorte d'évidence qui passe par les intonations durant leurs échanges, un naturel qui ne s'invente pas. Une magie, pourrait-on dire, pour ce premier chapitre qui n'en manque pas. En tout cas, ces garçons nous donnent envie de continuer et voir si l'on continuera à ressentir une large gamme d'émotion dans la suite de Life is Strange 2 , à travers les quatre épisodes à venir, qu'on a forcément hâte de dévorer.