Nous vous avons chanté ses louanges à plus d'une reprise et espéré que les espoirs nourris par la version preview ne se voient pas rembarrés au moment de la rencontre finale. The Messenger, premier jeu au goût rétro du studio indépendant Sabotage, a franchi le pas de la porte de la rédaction et plus besoin pour lui d'avancer masqué. On a reconnu sa valeur.
Des jeux d'action et de plate-forme 2D rétro, on en voit passer sous nos fenêtres. Beaucoup. Trop peut-être. Car rares sont ceux qui ne reviennent pas couverts d'ecchymoses, lynchés par les critiques et les joueurs comprenant qu'il y a erreur sur la marchandise. C'est que la nostalgie, ça ne concerne pas que l'esthétique. Présenter de bonnes dispositions en termes ludiques, c'est indispensable. Sinon, on se retrouve au fond des gogues de Shovel Knight. La particularité de The Messenger, c'est qu'il tape précisément dans le style du Ninja Gaiden paru sur NES, offre une approche modernisée. Il aurait pu chuter lourdement. Mais comme nous allons le voir, s'il arrive à cette histoire d'apprenti ninja chargé de transmettre un rouleau sacré pour sauver son clan de trébucher, elle passe surtout le plus clair de son temps à survoler les pièges avec agilité et classe.
Panoplie complète
Premières minutes. L'objectif est de progresser vers la droite, toujours vers la droite, parfois à la verticale, dans un déluge de sauts et de frappes sèches de son sabre. Le feeling est sensationnel, tout répond comme dans un rêve, immédiatement, et l'on commence à se faire à la manipulation particulière qui s'est inséré à la place d'un double bond basique comme on peut en voir partout -sauf dans notre réalité. Le Saut de Nuage, puisqu'elle s'appelle ainsi, c'est la possibilité de sauter à nouveau, quand on le désire, après avoir frappé un élément de décor comme une lanterne, ou des projectiles ennemis, voire les monstres eux-mêmes. Grâce à cette mécanique aussi déroutante et exigeante question timing que bien amenée, on pourra faire face aux piques, aux fosses, aux balanciers mortels.... Traverser des moments de plate-forme parfois bien pervers et qui peuvent mener à un décès ne dépendant que de nous et à une résurrection avec taxe sur la monnaie locale. Mais il ne s'agit pas de la seule capacité dont on pourra user.
A mesure que les niveaux défilent, que l'on frappe des chandeliers et culbute des créatures infernales (qui ne font malheureusement pas preuve d'un grande variété), on engrange des diamants qui serviront de monnaie d'échange chez un marchand planqué derrière une bonne partie des checkpoints proposés. L'arbre de compétences s'étoffe alors, des découvertes se font, et la possibilité de grimper aux murs, de lancer un grappin qui propulse le héros, de marcher sur les surfaces liquides, de planer, de lancer des shuriken, ou encore de se rattraper après avoir été percuté, viennent vous ouvrir des chemins inaccessibles. Et ils vont être plus nombreux qu'escompté.
Never miss a Bit
À partir du moment où vous aurez atteint la montagne qui était désignée comme objectif principal, les événements vont prendre une autre tournure. Tant dans l'articulation du gameplay que...visuellement. Arborant d'abord une robe 8 bits à la palette de couleurs plutôt limitée et aux pixels qu'on appréciera aussi pour leur grossièreté, The Messenger se mue en jeu invoquant les spectres de classiques Super Nintendo ou Mega Drive. Et c'est assez somptueux visuellement, avec des arrières-plans aux détails étonnant - comme sur le plan sonore. Les compositions punchy de rainbowdrgoneyes bénéficient aussi de ce dédoublement pour employer des sonorités qui nous ramènent là encore aux machines reines du début des années 90.
Expliquant cette manipulation par un voyage temporel nécessaire à l'accomplissement de la quête, le jeu va alors vous forcer à valser entre les deux époques dans un style plus proche d'un Metroidvania... Avec néanmoins une tendance à nous envoyer dans des allers-retours parfois trop longs, dépendants d'un placement pas toujours évident des télé-porteurs - parfois carrément absents de certaines zones. Les nombreux stages dévoileront toujours plus de routes, certaines exigeant l'alternance entre les époques ou des items spécifiques - comme une bougie qui éclairera ou un coquillage qui vous guidera dans une réminiscence sous-marine du Bois Perdu d'Ocarina of Time. Toujours agréable.
Et Mécène ou à l'OL en un instant ?
La disparition d'une progression rectiligne signifiera donc un passage par le backtracking obligatoire et la recherche d'objets très spécifiques en vue de parvenir au boss de fin - beaucoup trop prévisible et ne présentant pas une grande opposition, soit dit en passant. Le rythme global s'en trouvera bouleversé, la durée un peu sur-gonflée (à ce sujet, comptez une bonne quinzaine d'heures pour voir le bout sans dévier). Et l'on pourra bien pester de devoir interroger un PNJ livrant une charade cryptique pour connaître la marche à suivre puis lâcher son argent, distribué un peu trop généreusement, pour connaître un emplacement exact.
Mais si l'on tournera parfois en rond, en étant un peu navré de voir que le bestiaire démoniaque manque vraiment de variété, on pourra toujours mettre à profit une exploration nouvelle pour dénicher des petits secrets, tenter de réunir 45 pierres vertes pas toujours simples à réclamer. En tout cas, on ne peut que constater que le level design, sans se montrer aussi vicieux que ce que les hardcore gamers pourraient espérer, recèle de bonnes idées, de séquences demandant une bonne coordination.
Et que le scénario comme les personnages qu'on imagine d'une grande banalité sont souvent des plus intéressants. Le sens de l'humour et de la référence (sans oublier les remerciements touchants du créateur du jeu) bien sentis transpirent du marchand, de certains ennemis engageant le dialogue (en français) ou de la bestiole vous ressuscitant et vous taxant dans la foulée. Quelques situations décalées permettent de dédramatiser. Cela confère une atmosphère très plaisante à The Messenger et lui permet d'entretenir son capital sympathie de bout en bout. Et d'espérer une suite qui rectifiera ses quelques faiblesses.