Il y a longtemps, très longtemps, dans une galaxie lointaine où l'on n'achetait pas encore un PC pour aller sur Internet, mais simplement pour profiter de ses incroyables fonctionnalités bureautiques, de jeunes joueurs tuaient le temps en s'adonnant à l'un des jeux Windows les plus mémorables qui soit : 3D Pinball Space Cadet...
Mais ce temps est désormais révolu, comme la perspective de revoir un jour un bon film estampillé Star Wars (n'importe quoi, NDPlume). Et si ce bon vieux flipper n'a pas opéré le retour fulgurant auquel il aurait pu prétendre en tant qu'icône de décennies passées, il se négocie tout de même une petite fortune dans les boutiques spécialisées. Pour ceux qui n'aurait pas la place ou surtout les moyens de renouer avec l'excitation procurée par une simple bille d'acier, il y a Yoku's Island Express.
Dans la grande majorité des cas, l'épisode du flipper sonne pour bon nombre de licences celui de l'impasse, des temps moins joyeux, à l'instar de Metroid Pinball, Pokémon Pinball, ou le très Davilesque Sonic Spinball, car rares sont les épisodes à avoir véritablement marqué les esprits. Mais, alors comment fait-on lorsque l'on est à la base un vrai jeu de flipper ? En croisant son concept de boules avec un autre genre, tiens ! Quelque part entre le jeu de flipper et le Metroidvania cher à votre serviteur, voici donc Yoku's Island Express.
Jour de fête
Partir à l'aventure en jouant des flippers en toute circonstance, d'autres l'avaient déjà tenté, sans jamais parvenir à dépasser les quelques tableaux reliés entre eux. Le titre de Villa Gorilla voit un petit peut plus loin que le bout de son nez, en proposant un univers vraiment ouvert, et de l'exploration ponctuée d'upgrades qui lorgne bien plus sur n'importe quel épisode 2D de Castlevania nouvelle formule que cette bonne vieille machine de boules. Aux commandes du bien nommé Yoku, un bousier affichant en toutes circonstances un sourire ultra bright qui contraste avec les émanations infectes de sa précieuse sphère fécale, vous allez très vite enfiler sans que l'on vous demande véritablement votre avis une casquette de facteur, et partir sans votre vélo (ni votre sous-marin) jaune apporter en mains propres les missives aux trois barons locaux.
Avec ces objectifs clairement identifiés d'entrée de jeu, on pourrait se méprendre sur ce que Yoku's Island Express a dans sa besace. Car avant de parvenir à bon port, il va falloir traverser à toute vitesse les nombreux environnements, souvent optionnels, de cette aventure qui réussi sous ses airs un brin naïf à enrichir sans discontinuer ses mécaniques jusqu'au générique de fin - tout en gardant quelques surprises et défis de taille sous le coude pour ceux qui en veulent toujours plus. Car cette aventure originale fait le pari d'une progression libre, mais joue en plus la carte des améliorations optionnelles à gogo, tant et si bien que l'on ne sait pas toujours si l'on poursuit véritablement un objectif. Mais à la manière d'un Super Mario Odyssey, on trouve toujours ce que l'on ne cherchait pas.
Uplift Yoku Party Plan
Le level design de Yoku's Island fait en effet preuve de beaucoup d'ingéniosité, en incorporant à merveille de véritables tableaux de flippers à des environnements bardés de leviers bleus et jaunes qui se contrôlent avec les deux gâchettes, bien que l'absence de nuancier puisse apparaître comme un défaut, du moins au départ. Car si l'on aurait bien voulu pouvoir repositionner pile-poil sa bille d'un léger à-coup comme cela se faisait à l'époque, la perspective de déplacer librement le petit coléoptère pallie bien vite à cette fonctionnalité binaire. Les galeries sont ainsi stratégiquement placées et intelligemment disséminées pour offrir une progression qui s'effectue souvent à toute berzingue, mais de manière fluide. La récolte des fruits qui servent de monnaie d'échange permet en plus de débloquer au fur et à mesure de nouveaux flippers plus ou moins coûteux, ce qui vous obligera, tel un elfe aux oreilles pointues, à chercher encore et encore de quoi faire grossir votre bourse.
L'exploration en tant que telle voit s'enchaîner des zones épurées où vous déplacerez votre personnage à la manière d'un jeu de plate-forme tout ce qu'il y a de plus classique avec des billards électriques plus ou moins barrés, où les objectifs à accomplir pourront parfois devenir de véritables énigmes à tiroir, qui permettent au fur et à mesure de comprendre ce que le jeu attend de vous. Zones cachées, défis à trois boules ou boss à étages : il y en aura vraiment pour tous les goûts, même si nous n'aurions pas craché sur plus d'intensité au global, car les phases mémorables qui explosent le genre restent trop rares. Heureusement, la pléthore d'améliorations offre toujours de nouvelles possibilités tout en raccourcissant les distances, et propose toujours plus d'outils pour viser l'alléchant 100% teasé de temps à autres...
La cadet de l'espèce
Entre deux saltos, il faudra aller à la rencontre d'une multitude de personnages qui vous confieront assez systématiquement des quêtes et joueront le rôle d'autant d'indicateurs qui vous permettront une progression relativement fluide. Car les allers-retours qui vous seront demandés tracent en pointillé un trajet assez optimal, bien que les tentations de s'en écarter soient nombreuses. La carte imposante qui se dévoile au fur et à mesure réserve de très nombreuses surprises, zones cachées et bonus en tous genres, si bien qu'on a du mal à savoir où donner de la bille. Heureusement, le rythme de Yoku's Island Express se révèle rapidement optimal, laissant s'enchaîner défis et loot comme sur une partition. Un système de canons bien fichu permet par la suite de relier les trois zones principales aux PTT de ce petit monde coloré.
Mais il ne faudrait surtout pas juger un livre à sa couverture : sous son aspect bon enfant, le jeu de Bonus Level réserve parfois quelques moments sortis de nulle part, notamment lorsque vous vous réjouirez de voir déféquer une pauvre chauve-souris, où que la conquête spatiale s'invitera sous les cocotiers de ce chaleureux caillou. Mais avec autant de quidams et très peu d'éléments narratifs véritables, le jeu bénéficie quand même d'une durée de vie plus qu'honnête, sans parvenir à échapper au traditionnel "Mouahaha, c'était moi depuis le début !" du grand méchant qui tirait les ficelles dans l'ombre.. Qu'importe, car même après avoir défait le (trop) court boss de fin, il reste encore suffisamment de missives à colporter pour passer sur Yoku's Island Express bien plus qu'un RTT.