Le studio Obsidian et les RPG de qualité, c'est une longue et belle histoire d'amour. L'épopée Pillars of Eternity naquit en 2012 via Kickstarter, avec une jolie levée de fond à la clef. Mais c'est en 2015 que le public a vraiment pu découvrir cet univers riche et profond, au point d'en faire un must have en termes de RPG old-school. Ce deuxième épisode suit-il la même voie, sachant qu'entre temps la claque Divinity : Original Sin 2 de chez Larian est passée par là ? C'est justement ce que nous allons vérifier ensemble dans ce test.
Obsidian Entertainment n'a jamais caché son goût pour ce que l'on appelle communément le "RPG old-school", puisant ainsi son inspiration dans les grands noms de l'âge d'or du jeu de rôle occidental, à la Baldur's Gate. Car le studio est parti de ce postulat de départ très simple : non seulement le RPG occidental traditionnel n'est pas mort, mais il a en plus une communauté vivante et très demandeuse. Pillars of Eternity 2, même s'il peut être un bon point de départ pour un neophyte souhaitant se plonger dans un RPG digne de ce nom, vise en effet avant tout une communauté bien particulière. Celle-là même qui fut charmée par le récent Divinity : Original Sin 2 et qui garde fraîchement à l'esprit des souvenirs émus sur Baldur's Gate, Iwewind Dale ou encore Torment. Nous irons encore plus loin en affirmant qu'à l'heure actuelle, Larian et Obsidian se partagent d'égal à égal le genre du RPG dans ce qu'il a de plus traditionnel.
Une affaire de dieux
Pillars of Eternity 2 porte le sous-titre "Deadfire", en référence à l'archipel de Feu Éteint, une vaste région de la géographie fictive de l'univers de PoE. Il fait directement suite au premier jeu, sans pour autant qu'il y ait nécessité absolue d'y avoir joué. En effet, le scénario se charge via la mise en scène d'un habile dialogue de vous rappeler les faits. À la toute fin du premier jeu, votre personnage décide de prendre un repos bien mérité et de se retirer dans la forteresse de Caed Nua. Mais l'ancien dieu Eothas ne l'entend pas de cette oreille et profite du calme pour reprendre vie et tout détruire sur son passage... dont vous. L'aventure de PoE II commence donc après votre mort. Les Dieux vous proposent de vous ramener à la vie en échange de votre aide terrestre pour contrer Eothas. Oui, encore une histoire de dieux, mais rudement bien amenée il faut l'avouer. Cela permet de laisser au joueur l'opportunité de repartir de zéro (ou d'importer sa sauvegarde du premier jeu) en choisissant à nouveau sa race, ses origines, sa classe, etc.
Contrairement au premier jeu, qui avait tendance à vous étouffer avec son background, rendant parfois des situations totalement énigmatiques, Obsidian a rendu les choses plus limpides pour ce deuxièmes opus, en faisant le choix de synthétiser. Certes vous pouvez toujours d'un survol de curseur sur des mots-clés apprendre des tonnes et des tonnes de choses, mais la noyade sous un torrent d'informations ne guète plus. L'aventure est plus fluide, plus abordable. Le jeu n'en reste pas moins très écrit cela dit, et c'est ce qui fait une partie de son charme, alors si vous n'aimez pas lire, fuyez pauvres fous !
Entre roman et jeu vidéo
PoE II se savoure souvent à la manière d'un bon roman, où le verbe et les logos sont souvent subtiles. D'autant que l'ensemble du jeu est appuyé par une traduction française de qualité (uniquement à l'écrit), du genre à faire pâlir les plus ambitieux titres AAA. Comme toujours, vous avez la possibilité de piocher vos dialogues dans une multitude de choix, qui dépendent de la personnalité de votre protagoniste ainsi que de ses caractéristiques. C'est toujours bigrement intelligent et d'une grande finesse intellectuelle, PoE II est une véritable caresse pour l'esprit, une joie que seul ce type de RPG a le pouvoir de procurer.
Contrairement à de nombreux RPG qui poussent au choix spontané, à l'image d'un Skyrim, ici tout est question de discernement et de prudence. Car un choix trop brutal pourrait bien être fatal à vous-même et à votre groupe. Il est par exemple possible, en y prenant soin, d'échapper à bon nombre de combats et d'être le plus pacifique possible, même si certains conflits seront évidemment nécessaires pour le bon déroulement de l'histoire.
Un système de combat qui ne fait pas mouche
Le combat n'a jamais été le fort de Pillars of Eternity et, hélas, ça ne l'est toujours pas vraiment dans ce deuxième épisode, malgré un gros mieux. Une escarmouche fonctionne toujours sur le même principe : du temps réel avec pause pour préparer ses combos et ses coups. Sur le papier, ça parait simple, mais c'est en fait très brouillon une fois dans le vif du sujet. Cette partie du gameplay aurait gagné en clarté avec du tour par tour comme dans Divinity. C'est le plus gros regret qu'on peut avoir concernant le jeu... pourquoi diable persévérer avec ce système de semi-temps réel ? Ce n'est définitivement pas adapté au jeu et au reste de l'architecture du gameplay.
Fort heureusement, l'extrêmement bon système de classes et de multi-classes vient sauver la mise. Il est possible de faire de véritables hybrides et de sortir du carcan traditionnel "mage-paladin-guerrier". En choisissant un personnage multi-classes, ce sont des centaines d'opportunités qui s'offrent à vous, même si cela empêche bien évidemment d'accéder aux meilleurs compétences que l'on retrouve en cas de spécialisation. Enfin, le loot étant particulièrement soigné, le combat apportera toujours une certaine forme de jouissance. Car le jeu propose de quoi satisfaire en termes d'objets légendaires et autres loots colorés. Dommage que le pathfinding et le menu rendent le tout si peu convivial.
Et la prise de risques ?
La bonne nouvelle, c'est que la micro-gestion lourdingue a disparue, qu'il est désormais possible de programmer à l'avance ses attaques et de prioritiser les cibles pour que cela ne devienne pas un immense capharnaüm. Old-school donc, mais avec une prise de conscience de ce que font désormais les meilleurs jeux du moment, comme Divinity II pour le citer une nouvelle fois. L'autre avancée par rapport au jeu précédent tient évidemment dans la présence d'un monde ouvert. Alors qu'auparavant tout fonctionnait via un système d'acte narratif séparant les lieux géographiques, tout est désormais explorable à souhait. S'agissant d'un archipel, il est même possible via son navire de naviguer d'une île à l'autre, ce qui introduit un système naval profond mais qui manque toutefois d'intérêt sur la longueur.
Votre bateau est votre base, c'est là que vous allez pouvoir stocker vos loots, recruter un équipage et équiper en armement ce qu'il faut pour se défendre. Il est aussi possible de personnaliser sa coque et ses voiles et de gérer les rôles des différents membres de l'équipage. Le problème, c'est que les batailles navales manquent de punch, car tout se déroule via un menu textuel (comme les cinématiques), vous n'aurez ainsi pas l'opportunité d'admirer une cannonade au milieu des flots, car vous ne contrôlez rien manuellement. Certes les événements textuels sont intéressant, mais on aurait aimé quelque chose de plus nerveux pour les phases maritimes. L'ensemble du jeu manque cruellement de prises de risques et c'est globalement le défaut principal qui en ressort.
Un délice pour les yeux et l'esprit
Il n'y a pas cette touche d'aléatoire et de cause à effet, tout reste très classique dans la déroulement d'une quête. Tout se termine sur une longue (et bien écrite) discussion, sans vous mettre une claque de surprise comme dans Divinity II (décidément). Le scénario est parfois trop binaire et ne laisse pas place à ce que l'on pourrait appeler la théorie du chaos, certains choix n'ont finalement que peu d'influences sur la finalité du jeu et le dénouement de la trame... Bref : ça manque de fins possibles.
Mais difficile d'en vouloir à Obsidian, car inévitablement on ressort de Pillars of Eternity 2 totalement bousculé. L'écriture est dantesque et n'a pas son pareil, l'exotisme de l'aventure est un véritable voyage intellectuel. Le multiculturalisme du jeu et la minutie du détail dans la représentation des différentes races fictives nous donne l'impression d'avoir assisté à une odyssée crédible et criante de vérité. Surtout que le tout est soutenu par une direction artistique à tomber par terre, pleine de couleurs et d'enchantements visuels. Nous sommes bien loin de l'heroic-fantasy classique du premier opus, mais plutôt à mi-chemin entre des inspirations asiatiques, arabisantes et européennes. En d'autre termes, un travail avec le pinceau (ou la palette graphique) d'une grande majesté. Merci Obsidian.