Voilà des années que nous n'avons pas vu Rare atteindre son meilleur niveau. On parle bien sûr de sa grande période, lorsqu'il appartenait encore à Nintendo et nous livral'avit perle sur perle. Depuis cette ère bénie pour le développeur britannique, le studio a été racheté par Microsoft et a produit des jeux qui avaient toujours une patte particulière et appréciable, mais à qui il manquait toujours quelque chose - et parfois l'essentiel - pour pleinement être à la hauteur de sa propre légende.

Tout ça pour vous dire que lorsque nous avons commencé à jouer à Sea of Thieves, que ce soit pendant sa phase de bêta ou sur cette version finale, nous en étions persuadés : il s'agissait là du grand retour du studio britannique. Un retour au haut niveau, dans une production léchée, on ne peut plus originale, marquante et sacrément réjouissante. Il ne faut pas plus qu'une première bonne session de jeu à un joueur normalement constitué pour se rendre compte que Rare a créé là une base absolument géniale, qui est à la fois un délice pour les yeux (sans oublier les oreilles) et une très efficace usine à rigolades entre potes. Ce n'est pas pour rien que le jeu s'est régulièrement hissé dans le haut du classement des titres les plus streamés, pendant sa bêta mais aussi depuis son lancement définitif, et parfois même devant l'indétrônable Fortnite.

L'autre évidence, pour le joueur qui découvre avec bonheur Sea of Thieves, n'arrive que quelques longues heures de jeu plus tard, lorsque les premiers moments de franche rigolade, durant lesquels il apprend également toutes les bases du jeu, sont derrière lui. Au moment où il commence à vouloir concrètement en faire plus, à se frotter au système de progression et à découvrir toutes les nouveautés qui lui seront livrées peu à peu avant de déboucher sur le end game. Cette évidence, donc, c'est que le contenu de lancement est pour le moins limité, et que le jeu, malgré toute sa classe, devient vite redondant et a de plus en plus de mal à motiver, même le joueur le plus enthousiaste, à attraper une carotte dissimulée bien trop loin devant lui.

Mais avant de développer tout cela, vous n'avez peut-être pas tous bien saisi ne serait-ce que le concept de Sea of Thieves, et plus généralement les immenses qualités qui sont les siennes, alors passons aux explications, moussaillons !

Bac à sable fin

Sea of Thieves est un grand monde ouvert marin dans lequel on incarne un pirate pouvant voguer d'île en île, seul ou en groupe (de 2 à 4 joueurs selon la taille de bateau choisie), pour chasser des trésors, des crânes mystiques ou des biens commerciaux. Pour son lancement, le jeu propose en effet trois guildes dans lesquelles vous pourrez individuellement grimper de niveau en niveau, en acceptant l'un de ces trois types de quêtes.

Lorsque vous lancez une mission de chasse au trésor, un ou plusieurs parchemins viennent s'ajouter à votre inventaire. Il peut s'agir d'une carte représentant une île, sur laquelle une petite croix rouge indique le lieu où creuser, ou bien d'une énigme, qui se dévoile petit à petit pour vous guider jusqu'au coffre convoité. Si vous avez opté pour une mission commerciale, on vous donne cette fois une ou plusieurs cages qui vous permettront de capturer le ou les animaux dont on vous demande livraison, avant une certaine heure, dans un comptoir spécifique. Les quêtes mystiques, enfin, vous donnent pour objectif d'aller en découdre avec des hordes de squelettes sur une île précise, pour en ramener le crâne du défunt chef pirate local.

En avant les histoires

Pas de fil rouge scénaristique à suivre : c'est vous qui allez écrire votre propre histoire dans Sea of Thieves, avec vos compagnons de jeu et avec tous les autres groupes de joueurs que vous allez croiser et qui pourront selon les situations soit vous ignorer, soit vous saluer amicalement ou carrément tirer les premiers pour vous voler votre cargaison. Ce jeu massivement multijoueur est en effet un pur bac à sable, dans lequel vous allez faire mumuse avec les différents objets de votre inventaire, avec votre environnement et avec les autres pirates qui croiseront votre chemin.

Les premières heures qu'on passe dans cet univers sont ainsi un pur délice de découvertes, qui sera forcément l'objet de multiples crises de rire. On peut sortir son accordéon pour jouer des airs typiques, se saouler au rhum jusqu'à ne plus pouvoir marcher droit, utiliser son seau pour asperger les autres de notre vomi, regarder une carte au trésor ou la montrer à ses amis... Et lorsqu'on a fini de faire les imbéciles et qu'on monte enfin sur le bateau avec un véritable objectif, toute la petite troupe se rend compte qu'il faut que chacun y mette du sien pour manipuler l'ancre, les voiles, la barre... Il faut même réparer la coque avec des planches, depuis la cale, après avoir heurté un récif ou subi un coup de canon, puis user du seau pour écoper l'eau qui a eu le temps de s'infiltrer. Toute la dimension coopérative du jeu se fait jour au moment où il faut naviguer, car le larron qui est au gouvernail n'a pas de visibilité et doit écouter les directives de l'observateur situé devant (ou à la vigie), tandis que les indications sur le cap à suivre sont données par un troisième moussaillon qui regarde la carte depuis le bureau de la cabine, ou qu'un autre encore s'occupe de recharger les canons ou d'incliner correctement les voiles pour qu'elle soient bien gonflées selon le sens du vent.

Hissez haut !

Ces séquences de navigation sont à elles seules une réjouissance de tous les instants, d'autant que la mer peut évidemment être plus ou moins agitée (attention au mal de mer), que la météo peut faire des siennes (sous l'orage votre gouvernail devient incontrôlable, vos instruments de navigation déconnent et la cale se remplit d'eau) et qu'un cycle jour/nuit vient rapidement faire augmenter ou baisser la visibilité. Pensez d'ailleurs à éteindre toutes les lampes à bord pendant la nuit, si vous voulez éviter d'attirer l'attention d'autres pirates à l'affût de trésors faciles ! Si vous êtes attaqués par d'autres joueurs en pleine nuit pendant une tempête, que leurs boulets de canon transpercent votre coque, je vous laisse imaginer tout ce qu'il faut gérer en même temps et donc l'organisation qu'il faut avoir, même à 4, pour tirer son épingle du jeu et se sortir de certaines situations ! À ce propos, le système de quêtes veut que vous rameniez tous vos coffres-crânes-marchandises dans une île "avant-poste", pour valider vos missions et en tirer tout bénéfice... Je vous laisse une fois de plus imaginer les stratagèmes mis en place par ces même pirates en quête d'argent facile, qui plutôt que de faire des quêtes eux-mêmes et donc prendre les risques qui vont avec, attendent patiemment, le sabre entre les dents, que vous arriviez avec votre butin pour vous dépouiller et donc l'encaisser à votre place.

Ce mélange entre situations rigolardes, sens de l'aventure et séquences de stress au moment de croiser d'autres groupes de pirates font de Sea of Thieves un jeu non seulement unique, mais aussi totalement savoureux à découvrir et à pratiquer de longues heures durant avec des potes. À ce compte, il est impossible de ne pas aborder la qualité tout à fait remarquable de la réalisation, qui ne fait qu'améliorer le spectacle.

Beau comme un galion

Durant les dizaines et dizaines d'heures que nous avons joué à Sea of Thieves, il ne s'est pas déroulé une partie sans que, tour à tour, les différents membres de l'équipage s'arrêtent un instant et, contemplant un coucher de soleil ou toute autre situation, lâchent un petit "waaah, c'est beau quand même...". Sous ses faux airs de petit jeu cartoonesque, Sea of Thieves est en effet un pur régal pour les yeux, un jeu d'une beauté à couper le souffle.

Le premier élément bluffant tient dans la gestion de l'eau et de ses mouvements (à bien y penser c'est peut-être ce qu'on a fait de mieux dans le genre), mais c'est bien tout l'ensemble qui est à la hauteur de nos espérances, avec notamment des effets d'ombres et de lumières très, très réussis et mille autres détails fourmillant ici et là. La direction artistique, très soignée et "très Rare", est une réussite totale qui nous fait volontiers plonger dans cet univers et nous ferait presque sentir le sel des embruns se poser sur notre peau brunie par le soleil. Il est en tout cas difficile de ne pas céder à de purs moments de contemplation et à l'envie de faire un screenshot toutes les cinq minutes. Du très beau boulot que vous pouvez constater dans notre galerie d'images en bas d'article.

Il ne faut surtout pas oublier de saluer l'ambiance sonore de Sea of Thieves, elle aussi très travaillée et réussie. Les sons ambiants tout d'abord (craquement du bois et des cordes dans le navire, vagues qui s'écrasent contre sa coque, râle du Kraken à distance, gonflement des voiles pleines de vent...) participent habilement au relatif "réalisme" de cette plongée au coeur d'un charmant univers pirate. Et les musiques ne sont pas en reste, loin de là. Passons rapidement sur la possibilité qu'a chaque joueur de sortir son accordéon pour lancer quelques morceaux, ce qui est ma foi fort sympathique et permet de s'amuser un peu, pour évoquer les thèmes qui s'enclenchent dans certaines conditions. Des musiques d'ambiance accompagnent en effet des passages précis, comme à l'approche d'un fort, à l'arrivée d'une nouvelle vague d'ennemis, lorsqu'on résout une partie de l'énigme menant à un trésor, quand un boss squelette se pointe... Toutes ces petites ambiances musicales rythment à merveille nos pérégrinations lorsqu'elles font leur apparition.

Capitaine, c'est moi ou on tourne en rond ?

Malheureusement, après disons la première dizaine d'heures de jeu, le joueur enchanté par tout ce qu'il a vécu jusqu'ici, mais toujours avide de nouvelles aventures, se heurte au mur de la progression pour le moins frustrante qui est proposée dans cette phase de lancement de Sea of Thieves.

En plus des missions de trois types (chasses aux trésors / aux crânes / aux marchandises) qu'il enchaîne de manière de plus en plus répétée, il peut bien sûr avoir le bonheur de tomber sur le fameux "combat de boss" contre le Kraken, qui attaque aléatoirement certains navires (il peut bizarrement vous snober aussi, même après des dizaines d'heures de jeu, comme ça a été notre cas... pas de bol !), mais il pourra surtout participer, sur une base plus régulière, à des assauts de forts occupés par des hordes de squelettes. Ces derniers apparaissent aléatoirement et se signalent à longue distance grâce à un immense nuage en forme de crâne. En allant sur ces îles, il faudra donc prendre d'assaut un fort en éliminant des hordes successives de squelettes. Après une dizaine de vagues, un boss se pointe et laisse tomber la clef d'une caverne remplie de trésors. Si vous y allez à 4, il vous faudra facilement plus d'une heure pour en venir à bout, mais la récompense est conséquente.

Côté contenu, c'est à peu près tout ce à quoi vous aurez affaire pendant les 3 mois qui viennent, avant que la fameuse première mise à jour pointe le bout de son nouveau contenu, et c'est donc malheureusement très maigre. D'abord parce que tout cela devient vite répétitif, même lorsqu'on monte en niveaux et que les quêtes deviennent un peu plus difficiles. Ces dernières évoluent en effet d'une catégorie tous les 5 niveaux, mais fonctionnent peu ou prou toujours de la même manière. C'est d'autant plus frustrant que les level-up s'enchaînent beaucoup moins vite passé le niveau 15, et qu'on sait que le contenu end game, à savoir une nouvelle zone de jeu mystérieuse dont on ne sait vraiment rien de plus, n'est atteignable qu'à partir du moment où l'on aura atteint le niveau 50... dans chacune des trois guildes ! C'est tout simplement énorme, et c'est loin, très loin. Les développeurs comptaient certainement sur nous pour répéter à l'infini des missions plus ou moins identiques pendant des semaines voire des mois, histoire d'attraper cette carotte.

On lui souhaite bon vent

Sur des bases absolument géniales, qui auraient pu faire de lui un grand jeu, Sea of Thieves paye donc cher son ambition de nous livrer du contenu tout au long de l'année. Les développeurs ont-ils "retenu" du contenu pour plus tard ? On n'en sait rien, mais c'est un peu l'impression que ça donne. Dans tous les cas, les joueurs qu'ils pensaient voir jouer sans cesse avec ce contenu de lancement pendant trois mois ne tiendront à notre humble avis jamais plus de trois semaines. Pour éviter un tel gâchis, il nous apparaît évident que Rare devrait revoir à la fois le niveau requis pour atteindre le rang de Pirate Légendaire, histoire qu'il paraisse au moins atteignable, et surtout qu'il avance rapidement l'arrivée de la première mise à jour de contenus.

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L'AVIS DE CAMILLE

Incontestablement, Sea of Thieves est un jeu très fun. Il a de quoi offrir de nombreuses soirées endiablées avec quelques amis. Univers fort bien travaillé, direction artistique et technique au poil... De ce point de vue, il s'agit sûrement de la meilleure représentation maritime qu'il m'ait été donné de voir dans un jeu vidéo. L'océan est vivant, et l'atmosphère transpire le sel marin et l'écume mousseuse. Le problème c'est que l'on finit par très vite tourner en rond sur notre coquille de noix, car les quêtes ne sont pas suffisamment variées et l'océan, aussi beau soit t-il, manque cruellement de biodiversité. Car à part quelques requins, petits poissons et un Kraken... Il n'y a pas grand chose à admirer.

Idem du coté des missions : vous n'aurez finalement rien d'autre à faire de plus que de trouver des coffres et massacrer à la chaîne des squelettes. Pourtant la « mythologie maritime » regorge d'êtres qui n'attendent qu'à peupler le monde de Sea of Thieves. Mais visiblement, Rare n'a pas jugé bon de s'y intéresser à la sortie. C'est fort dommage, et même regrettable, car en l'état le jeu n'a pas suffisamment de choses à proposer pour combler les 3 mois d'attente prévus avant la fameuse mise à jour de contenu. Il n'y a plus qu'à espérer que le studio britannique mette un bon coup de collier pour remédier à tout cela au plus vite. Rare a de l'or entre les doigts, mais se contente pour l'instant d'une jolie sculpture en bois.

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L'AVIS DE POUFY

Bon, je l'avoue, j'ai pris quatre jours de congés pour me plonger dans Sea of Thieves. Mais qui n'a pas fait ça au moins une fois dans sa vie, hein ? Je préfère le concept de partir virtuellement en vacances dans une grande aventure, que voulez-vous... Enfin bref, voici mon avis qui est globalement le même que Julo : Sea of Thieves est absolument génial. Mais génial seulement quelques jours (pendant quatre jours par exemple, j'ai eu du nez sur ce coup), le temps de se rendre compte qu'il y a un gros problème de contenu qui rend le jeu rapidement ultra répétitif, couplé à une progression poussive à un point tel qu'au niveau 20, j'ai tout d'un coup eu une prise de conscience grâce à cette petite voix qui est venue me raisonner : "Poufy, stop, tu ne vas certainement pas passer 300 heures à faire tout le temps la même chose pour atteindre le niveau 50 dans les trois factions, afin d'accéder à la fin du jeu et devenir un pirate légendaire, alors lâche-moi cette manette tout de suite".

Du coup, en l'état, il me semble que Rare doit revoir impérativement le calendrier de sorties de ses patchs, le premier étant dans... trois mois ! PTDR (excusez-moi du terme, mais il fallait que ça sorte). Il doit revoir aussi son système de progression, complètement démotivant même pour les joueurs acharnés, sous peine de voir une désertification massive des joueurs d'ici 2 à 3 semaines. Bref, pour ma part, si rien ne change, je n'y jouerais plus qu'occasionnellement, à GRAND regret...

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