Jusqu'à présent, les quelques développeurs de l'Hexagone s'étant essayé à l'aventure narrative ne s'en sont pas trop mal tirés, en témoignent le succès retentissant des oeuvres de David Cage ou de Life is Strange. Les Bordelais de Big Bad Wolf Studio entendent bien perpétuer cet héritage avec leur premier essai, The Council, qui fait la part belle à l'investigation et aux joutes verbales. Ce premier épisode intitulé The Mad Ones donne déjà le ton.
Le titre prend place à la toute fin du XVIIIème siècle, en 1793 très exactement, alors que plusieurs personnalités illustres de la planète se retrouvent conviées par un certain Lord Mortimer sur son île privée au large des côtes britanniques. Nous prenons le contrôle de Louis de Richet, invité par le propriétaire des lieux sur son île car celui-ci s'inquiète de la disparition de sa mère, Sarah de Richet.
Council à bulles
C'est donc sur fond de mystère et de suspicion que démarre The Council, qui fait se cotoyer des personnages fictifs et des personnalités bien réelles de notre Histoire. Ainsi, ne vous étonnez pas de croiser au détour d'un corridor le président des États-Unis George Washington, ou bien un jeune Napoléon Bonaparte encore vierge de tout Empire. De même, les références culturelles sont légion, qu'il s'agisse de la littérature (Dante, Descartes, Goethe) ou de la peinture (Le Caravage, Goya, Ingres, Vélasquez...). Ainsi, Big Bad Wolf a coeur d'inscrire l'univers du titre dans un cadre réaliste et crédible.
Dès les premières rencontres, les personnages dénotent de traits de caractère marqués et s'affinant au fil de l'épisode, qu'il s'agisse de l'obséquieux cardinal Piaggi, de la tourmentée Elizabeth ou de l'excentrique Sir Holm. Le doublage anglais s'avère toutefois inégal, monocorde parfois, de même que les animations faciales, tantôt réussies (Louis de Richet), tantôt complètement figées (la duchesse Emily). Fort heureusement, la patte visuelle particulière, semi-réaliste, donne du cachet à l'ensemble et la partition d'Olivier Derivière accompagne avec volupté chaque situation du jeu.
Un mot sur la technique à proprement parler, qui se révèle correcte dans la plupart des cas malgré quelques saccades. On est tout de même loin des aberrations de certaines productions estampillées Telltale Games (oui, c'est de toi que je parle, Bat). Sans compter que les sous-titres français sont de qualité dans le jeu de Big Bad Wolf.
Ready ? Talk !
S'il est une chose que l'on fait abondamment dans The Council, c'est bien papoter. Notre héros ne rencontrant que pour la première fois les autres convives de Lord Mortimer, il faut faire montre de perspicacité s'il souhaite briser leur masque et percer à jour leurs secrets. C'est ainsi qu'apparaissent au cours des dialogues les "Opportunités", qui figent le temps quelques instants et permettent à notre bon Louis de remarquer un geste à la dérobée ou un sourire révélateur.
Les dialogues du jeu confrontent le joueur à de multiples choix, qui l'amènent tous à emprunter des voies différentes dans l'intrigue. Ainsi, choisissez de suivre untel plutôt qu'un autre et les informations qui vous seront révélées ne seront pas les mêmes. Il est intéressant de noter que les conséquences de nos choix sont perceptibles dès ce premier épisode, contrairement à la plupart des titres du genre.
Les plus décisifs d'entre ces dialogues mènent alors à des Confrontations. Celles-ci s'apparentent à de véritables joutes verbales au cours desquelles le protagoniste doit se montrer particulièrement convaincant dans ses choix. Ces Confrontations se déroulent en plusieurs étapes et le joueur dispose d'un nombre limité de maladresses (comprendre : erreurs possibles) afin de réaliser une Confrontation réussie et de mener l'échange à son terme. À cela s'ajoute un ensemble d'immunités et de vulnérabilités propres à chaque interlocuteur et qu'il conviendra d'exploiter. Ainsi, si un personnage s'avère faible psychologiquement, autant y aller à fond sur ce terrain-là ; inversement, si vous avez affaire à un dur à cuire, celui-ci fera valoir son immunité et vous octroiera un malus.
Choix de carrière
Vous l'aurez saisi : les échanges verbaux dans ce titre empruntent beaucoup aux mécanismes traditionnels du RPG. Chaque action spécifique exige de ce fait l'utilisation d'un certain nombre de points d'effort, qu'il est possible de récupérer à l'aide de gelée royale. Le malus précédemment évoqué contraint le personnage à déployer davantage de points d'effort, sauf si celui-ci "soigne" son altération négative... Tout amateur de jeu de rôle se retrouve en terrain familier et l'application de ces éléments de gameplay à un jeu d'aventure narrative a du sens ici.
Après les premières minutes, le joueur doit opérer un choix crucial entre trois classes qu'il décidera d'embrasser : celle de diplomate, celle d'occultiste ou celle de détective. À chacune de ces classes est associé un ensemble de compétences à débloquer en fonction des points obtenus à la fin du chapitre (ce premier épisode en comporte cinq, en incluant le prologue), selon les réussites dans les Confrontations ou les quelques énigmes du jeu. Mais pas de panique, les facultés associées aux deux autres classes peuvent être également débloquées ; seulement, elles requièrent davantage de points de compétence.
Ces compétences trouvent leur utilité à plusieurs moments dans le jeu. Lors des Confrontations, celles de diplomatie par exemple permettent d'accéder à des répliques davantage à même de convaincre l'interlocuteur. Mais elles s'avèrent également exploitables au cours de l'exploration : pour la lecture d'une lettre en langue étrangère, pour le crochetage d'une cassette, etc. À cela s'ajoute un système de talents passifs s'acquérant par l'obtention de compétences ou selon les actions effectuées en jeu.
Compte tenu des nombreux éléments de gameplay à assimiler, les trois heures passés sur ce premier épisode servent avant tout à les introduire ainsi qu'à présenter la galerie de personnages auxquels notre Sieur de Richet sera confronté par la suite.