Jeune structure basée à Berlin, Phantom 8 Studio 8 s'est avancé avec les mêmes ambitions que Ninja Theory et son (excellent) Hellblade : proposer un thriller psychologique qui aurait les attributs d'un AAA, mais avec un statut indépendant et, forcément, l'effectif réduit et le budget que ça implique. Prometteur et plein de bonne volonté, Past Cure a-t-il les reins solides ? Pour vous, nous avons joué les 36 17 Verif. Et c'est pas joli joli.
Les premières minutes ont, si ce n'est quelque chose de profondément accrocheur, au moins de quoi susciter un minimum d'intérêt. Ian - juste Ian - se trouve prisonnier d' une maison d'inspiration Silent Hill, et se retrouve poursuivi par des mannequins menaçants - accessoirement champions du jeu de l'Épervier grâce à un champ d'action étendu à 3 mètres. Après avoir vidé ses chargeurs, il succombe. Et se réveille. Ce genre de mauvais rêve, Ian en fait régulièrement. Ex-soldat, il a le cerveau en compote. La faute à une organisation inconnue qui l'a enlevé et procédé à des expériences pas très sympathiques avant de le relâcher. Depuis, Ian, a des maux de tête mais aussi des pouvoirs. Mais ça ne lui convient pas. Aidé par son frère Marcus, toujours en accompagnement vocal, il a trouvé une piste qui pourrait l'amener à assouvir sa vengeance et obtenir des réponses.
Expérience végétative
À partir de là, la dégringolade est franche, absolue, spectaculaire. Ce scénario qui veut s'installer au croisement entre Limitless, Matrix, Abre Los Ojos, Inception et John Wick, fait exactement ce que l'on peut reprocher aux pires des direct-to-video : caractérisation inexistante de personnages sans fond dont on ignore tout, enchaînement d'événements sans queue ni tête, prétexte à l'exploration d'environnements génériques (manquant cruellement de lore) et dialogues, interprétés en anglais sans aucune conviction, complètement à la masse. On pourra toujours souligner les efforts sur la mise en scène des cinématiques, avec force changements d'angle et ralentis qui vont bien.
Mais celles-ci nous invitent à nous focaliser sur des modélisations effrayantes, celles d'un héros immonde et d'ennemis qui se ressemblent à peu près tous - ainsi que le rendu, bizarrement réussi, des godasses du héros. Oui parce que vous n'imaginiez pas non plus que techniquement tout allait bien se passer. Les textures dégueulasses (©Joniwan) pour cinq environnements différents, très fades et répétitifs, les animations de pantins désarticulés et l'absence de physique digne de ce nom ressemblent à un hommage aux productions Davilex dans les années 2000.
The Disaster Game
On dit toujours qu'on ne juge pas un livre à sa couverture. Alors voyons au-delà de la réalisation et de la tristesse de la trame principale. Et qu'aperçoit-on ? Un protagoniste lourd comme un 33 tonnes qu'on doit transporter dans des niveaux alternant à un rythme non-calculé les phases de shoot, d'infiltration et, vers la fin, de puzzles enfantins. L'idée est qu'on profite, de façon ultra-limitée de deux pouvoirs : le voyage astral, pour partir en éclaireur et éventuellement désactiver silencieusement des caméras, et le ralentissement du temps.
Deux pouvoirs qui restent en l'état et ne permettent aucun renouvellement dans un gameplay dont on abusera (mais pas trop, car cela brouille un peu l'image) une fois le cooldown passé. Deux pouvoirs qui ne rendent pas les gunfights (sans vraie possibilité de couverture ou même de cascades face à des I.A. pourries), les corps-à-corps aux collisions douteuses et les mises à mort furtives et les "bosses" ne serait-ce qu'un peu agréables. Le tout, n'offrant aucune sensation satisfaisante, fait terriblement vieillot, les mécaniques et leur exécution évoquant surtout les suiveurs de hits les plus médiocres parus sur PlayStation et Nintendo 64 - sans parler des checkpoints qui ne vous renvoient jamais là où il faudrait. Ou comment tomber pendant environ 4 heures (Dieu merci, il ne dure pas trop longtemps) dans le rétrogaming sans le savoir. Et sans en procurer le moindre plaisir...