Game Freak a pris l'habitude de revisiter les précédents épisodes de Pokémon, qu'il s'agisse de compilations ou de remakes. Pourtant on ne s'attendait pas à retourner sous le soleil et la lune d'Alola de sitôt. La Pokémon Company voudrait-elle clore rapidement le chapitre 3DS de la série, ou capitaliser encore davantage sur son regain de popularité ? Et surtout, ces crus Ultra méritent-t-il de repartir en voyage, en particulier pour les vacanciers de l'année dernière ?
Quitte à gâcher le suspense, le duo Pokémon Ultra-Soleil et Ultra-Lune s'impose sans nul doute comme l'épisode le plus complet de la série. Ceux qui ne s'y seraient pas essayés depuis longtemps, voire jamais, n'ont donc qu'une seule question à se poser : quelle version choisir ? Dans ce cas, à part l'horloge toujours avancée de douze heures pour Ultra-Lune, afin de faciliter la capture de Pokémon nocturnes en journée, la décision dépend uniquement des créatures exclusives à chacune des déclinaisons, sachant que les échanges de l'une à l'autre restent évidemment de mise. Le dilemme se révèle toutefois plus épineux parmi les possesseurs de Pokémon Soleil et Lune, pour peu qu'ils aient eu le temps de les terminer. Impossible en effet de reprendre là où on en était, ni de récupérer le cheptel de Pokémon propre à l'autre version en cumulant ces épopées, puisqu'elles s'avèrent tout simplement différentes. En somme ce volet Ultra n'est pas une extension, mais un remake à part entière. L'aventure débute cependant de manière fort similaire, d'autant qu'il faut encore s'astreindre à moult tutoriaux durant les premières heures, linéaires à souhait.
Alola bis
Une impression de déjà-vu justifiée dans la mesure où le cheminement global se montre quasiment identique, en l'occurrence un tour des îles d'Alola pour accomplir des épreuves relativement originales et affronter leurs doyens respectifs. Pourtant Ultra-Soleil et Ultra-Lune se distinguent nettement de leurs prédécesseurs dès que l'on s'attarde sur les détails, car ils comportent une myriade de modifications plus ou moins subtiles, en particulier des clins d'oeil à destination des anciens visiteurs de l'archipel, afin de les prendre malicieusement à contre-pied. Au delà de dialogues retouchés et de séquences mises en scène différemment, les changements les plus significatifs se situent néanmoins dans les incursions récurrentes des émissaires de l'Ultra-Commando, de mystérieux personnages venus d'une dimension alternative qui permettent de présenter l'histoire sous un autre angle parfois révélateur, et avec plus de recul dans l'ensemble. Dommage que cet approfondissement du scénario s'exprime si tardivement, les variations narratives entre les deux versions engendrées par leurs escouades de binômes distincts étant anecdotiques.
Super club de vacances
Il y a en revanche d'intéressantes d'activités supplémentaires à découvrir tout au long de l'avancée, à commencer par les clichés montés au Studio Photo, qui renforcent les liens avec ses Pokémon, au demeurant plus utiles que les cadeaux potentiels octroyés par leur partage avec la communauté. En outre, la collecte des Emblèmes (plus ou moins bien) cachés dans les recoins de ces contrées afin de récupérer de nouveaux Pokémon dominants encourage à faire davantage de tourisme. Un bon prétexte pour profiter de l'ambiance paradisiaque d'Alola, grâce à une bande son décidément excellente qui transpire le farniente, en dépit de certains remixes moins inspirés. Dans le même registre, le surf à dos de Démanta constitue non seulement un moyen de locomotion rafraîchissant, mais aussi une occupation plutôt prenante dans l'optique de décrocher les records sur chaque plage et des capacités spéciales. A l'image du Surf Pikachu dans Pokémon Jaune, le gameplay de ces séances de glisse virevoltantes avec le pad circulaire est étonnamment efficace, contrairement aux phases de transit hasardeuses dans les Ultra-Brèches qui s'appuient par défaut - dans tous les sens du terme - sur le gyroscope.
Failles dimensionnelles
Il y a certes un moyen de sélectionner une méthode de contrôle digitale, hélas celui-ci ne figure pas dans le menu des options. Son accès résolument dissimulé suppose que Game Freak a voulu restreindre son usage, ou du moins le retarder pour privilégier le côté aléatoire. C'est d'autant plus regrettable que ces excursions inter dimensionnelles représentent l'une des particularités fondamentales d'Ultra-Soleil et Ultra-Lune, avec un copieux lot d'Ultra-Chimères et de Pokémon Légendaires à la clé. Or leur rencontre repose beaucoup sur la chance, un écueil qui s'ajoute à la teneur creuse de ces mondes parallèles, réduits à quelques zones génériques. Si leur datation lointaine donne le tournis, il n'y a guère de risque de se perdre en les explorant. Idem pour l'Ultra-Mégalopole, dont le décor sert uniquement de théâtre aux événements inédits les plus cruciaux rassemblés à la fin donc, et a fortiori ensuite. Bien que le remplacement de la principale antagoniste de Soleil et Lune tende à laisser son background dans l'ombre, cette conclusion s'inscrit harmonieusement dans la continuité du récit, en propulsant sa descendance et son Pokémon vedette au premier plan.
Retour vers le passé
L'élargissement de cet univers autorise également le retour de la Team (Rainbow) Rocket, une vague de nostalgie générée par le casting de célèbres vilains hauts en couleur issus des précédentes générations parmi ses rangs. Mais en raison du lieu confiné où s'établit logiquement l'organisation maléfique, cette mission se résume essentiellement à une succession de batailles dans le sillage des opus du temps jadis, rappelant par la même occasion les soucis de fluidité que suscitent les combats à plusieurs. Et si la nature de l'adversité vise à rehausser le challenge, les objets bonus et pouvoirs surpuissants du très bavard - pour ne pas dire inquisiteur - Motisma-Dex mâchent inexorablement le travail, à mesure que notre dresseur l'apprivoise. Les tacticiens devront par conséquent se tourner vers l'emprunt de Pokémon à l'Agence de Combat, une sorte de rénovation de l'usine d'antan pour appréhender des situations vraiment compliquées, en guise de préparation aux compétitions en ligne sur la Place Festival, à peine différentiable ici. Game Freak a indiscutablement eu recours au recyclage, compte tenu du faible nombre de nouvelles formes et de la majorité de revenants parmi les plus de 400 espèces au programme. Pour leur défense, les attaques-Z additionnelles et l'introduction de quelques bestioles au beau milieu d'une génération témoignent d'un certain zèle doublé d'une volonté de rompre avec les habitudes, que l'on espère plus affirmée pour le futur.