Après Yooka-Laylee il y a quelques mois, voilà qu'un autre titre au concept évoquant les meilleures heures de Rare sur Nintendo 64. Passé par Kickstarter et financé avant le jeu de Playtonic, aidé par Humble Bundle, A Hat in Time a pris bien plus de temps... pour qu'on lui tire, au final, notre chapeau.
Cela aurait dû être une journée normale pour la jeune fille au chapeau. Un réveil tranquille, une petite balade dans son vaisseau spatial, un arrêt devant la télé, une vérification du compte de sabliers, faisant office de carburant, nécessaires pour un retour sans encombres à maison... Tout allait bien jusqu'à ce qu'un mafieux ne vienne frapper à sa vitre (?) pour réclamer le paiement d'un droit de passage. Et patatras, la fenêtre se pète. La voilà aspirée et échouée sur une planète inconnue, obligée de retrouver les précieuses clepsydres pour finir son voyage. Celles-ci ont eu la bonne idée de se voir éparpillées dans cinq lieux différents. Entre les endroits inaccessibles et les personnes mal intentionnées, comme le parrain de tous ces crânes chauves aux accents chantants ou encore cette "Moustache Girl" aux airs de Chaperon Rouge habitée par des pulsions meurtrières, la tâche s'annonce rude.
Caméra cassée
Voilà un pitch parfait pour un jeu qu'on pourrait croire tout droit sorti des années 90. Non par sa réalisation, aux couleurs chatoyantes, riantes, mais il est vrai carrément simplette en termes de textures et d'effets, même lorsque l'on pousse les options graphiques à fond (quand bien même on reste impressionné par la distance d'affichage des stages les plus vastes). On parle surtout de son principe, qui fera plaisir aux fans de Super Mario 64, Banjo-Kazooie ou encore Conker : explorer des environnements plutôt ouverts dans lesquels il va être question de crapahuter dans la peau d'une protagoniste pleine de ressources. Saut, double-saut, rebond sur les murs, possibilité de s'accroupir, s'accrocher aux corniches et de dasher horizontalement, coup de parapluie, attaque en piqué... La petite est une sacrée acrobate. Et encore mieux : chaque action qu'on lui commande du bout de nos doigts boudinés répond sans faux-pas, sauf peut-être sur certains rattrapages hasardeux, la faute à des hitboxes pas toujours claires. Ou lorsque la caméra, véritable calamité qu'on a peine à manoeuvrer sans hausser le sourcil, décide qu'il est temps de vous empêcher de suivre l'action correctement ou de grimper facilement à une échelle. C'est bien le seul élément qui vient noircir le tableau d'un titre malin et accrocheur.
I need some Hat Stuff
Mais où en étais-je ? Ah oui, la raison pour laquelle on en vient à se balader, c'est pour... récolter. Tout ceci n'est qu'un prétexte à la "collectionnite" d'objets en tout genre. En premier lieu les 40 fragments de temps, qui, s'accumulant, débloqueront de nouveaux mondes dans le hub central (le total est de 5 pour le moment, 2 autres arriveront plus tard en DLC gratuits, comme le jeu en coopération online et en écran partagé). Mais pas que. Il y a aussi ces pelotes de laine, parfois planquées juste ce qu'il faut pour que vous grattiez la tête ou songiez à dérouiller vos habitudes dans le domaine de la plate-forme, qui vont, en nombre suffisant, permettre à la taciturne et si mignonne héroïne de se fabriquer de nouveaux couvre-chefs.
Et qu'est-ce que cela peut bien changer qu'elle puisse mettre d'autres chapeaux à l'aide d'un menu radial ? Tout. Comme dans les classiques de la plate-forme 3D cités plus haut, de nombreux espaces et items seront hors de portée tant que vous ne disposez pas d'un pouvoir précis, obligeant souvent à revenir plus tard. Et c'est justement les diverses coiffes qui vous autoriseront à lancer des fioles explosives, courir super vite, ou encore matérialiser ou effacer temporairement des morceaux de décor pendant une durée limitée. En outre, des orbes verts disposés un peu partout, enfermés dans des coffres ou relâchés par les ennemis, se dépensent du côté d'un étrange marchand itinérant. Ils permettent de se procurer des badges qui eux aussi vont conférer des facultés intéressantes, comme l'usage d'un grappin fort utile pour franchir des précipices. Tout est parfaitement pensé pour que l'on puisse errer et relever tous les défis, jamais insurmontables pour vos 4 points de vie, avec le sourire.
Mondes et merveilles
Les thématiques bien marquées et plutôt originales de chaque univers (d'une île de mafieux, donc, jusqu'à des plateaux cinéma en passant par une forêt hantée), le comique absurde - mais cohérent à sa manière - de l'ensemble, ainsi que le découpage proposé par chaque challenge constituent les meilleurs atouts de A Hat in Time. Plutôt que de s'en tenir au même schéma, il offre une variété de situations jouissive, avec des séquences longues et d'autres, placées dans des failles temporelles à dénicher, durant une poignée de minutes au pire - à noter qu'une option permet d'activer un timer pour les speedrunner, histoire de gonfler la rejouabilité.
Vous allez bondir et taper, mais aussi devoir vous planquer dans des phases d'infiltration flippantes, essayer de composer avec un orchestre qui vous suit à la trace et peut vous faire bobo, fuir à toute jambes... Et le tout en côtoyant des personnages rigolos et bien doublés, dans des situations et avec des enrobages toujours adaptés et qui prêtent à rire, comme lorsqu'il sera question, après récupération de dossiers, de désigner le coupable d'un meurtre dans un train, où certains figurants sont des panneaux en bois.
La construction intelligente, le plaisir manette en mains et l'humour omniprésent - que seuls les anglophones comprendront, dommage - font qu'on n'a pas le temps de s'ennuyer ou de pester dans le titre de Gears for Breakfast. En 8-10 heures passées pour en voir le bout (ajoutez-en 5 ou 6 pour du 100%), sans difficulté insurmontable, bercé par une bande-son qui s'imprime sans peine dans la tête et rappelle les meilleurs tubes de Grant Kirkhope, heureux de certains easter-eggs, on a la douce impression de rajeunir. Si ce n'est pas la preuve d'une réussite...