Bien que le personnage de Jason Voorhees ait disparu des salles de cinéma depuis son remake de 2009, le tueur mythique de Vendredi 13 reste dans le panthéon des films d'horreur et garde une énorme aura parmi les amateurs du genre. C'est sans aucun doute pour cette raison que les américains de Gun Media ont pu obtenir le financement via Kickstarter de une nouvelle adaptation. Cette fois, on n'est plus dans le beat'em all des Splatterhouse, mais dans l'action/survival exclusivement multijoueur, où il ne sera pas seulement question d'échapper au tueur, mais aussi de l'incarner pour trucider du moniteur de colo dépravé.
Nous devons vous avouer que le test de Friday The 13th n'a pas été des plus simples. En effet, après un lancement chaotique avec ses problèmes de serveurs qui ont purement et simplement empêché les joueurs de trouver une partie pendant de nombreux jours, il a fallu que les développeurs sortent un patch en urgence pour améliorer le processus d'accès à une session (sans lui, il était fréquent d'attendre plus de 40 minutes avant de pouvoir jouer). Autant dire que cela n'a pas bien commencé... Néanmoins, maintenant que cet aspect vital a été corrigé et que l'on a enfin pu jouer dans des conditions acceptables, il nous est possible d'en parler avec une meilleure vision.
Friday the 13th se présente comme un jeu multijoueur au gameplay que les spécialistes qualifieront d'asymétrique. Pour vulgariser ce terme un peu pompeux, cela signifie que deux types de gameplay bien distincts sont proposés pour deux types de joueurs. Autrement dit : une salle, deux ambiances. Plus précisément, d'un côté on nous propose d'incarner un des sept moniteurs qui doivent échapper à Jason, tandis que de l'autre, un joueur unique sera choisi aléatoirement pour incarner le tueur au masque de hockey, qui devra tuer par tous les moyens tous les autres. Une sorte de jeu du chat et de la souris extrême, le tout se déroulant sur l'une des trois maps disponibles (dont le célébrissime camp de Crystal Lake).
Les jolies colonies de vacances
Concernant ce premier aspect du gameplay, plusieurs moniteurs sont proposés, de tout sexe et surtout avec des compétences différentes. Certains sont plus endurants lorsqu'ils courent, d'autres moins bruyants lorsqu'il faut se la jouer discret, d'autres encore sont plus habiles dans le maniement des armes que l'on trouve ici et là, et ainsi de suite, vous voyez l'idée. Une fois au coeur de la partie, l'objectif est rudimentaire : échapper à Jason. Pour cela, plusieurs moyens sont proposés : s'évader du camp à l'aide d'une voiture ou d'un bateau (il faut au préalable retrouver les éléments qui permettront de démarrer les engins et qui sont éparpillé un peu partout dans la map), rejoindre la police aux abords du camp (après les avoir averti en utilisant le téléphone), ou plus simplement rester vivant durant les vingt minutes maximum que dure une partie. À noter qu'il est aussi possible de tuer Jason, mais la combinaison d'objets à collecter et la coordination entre personnages bien spécifiques rend la manipulation quasiment inenvisageable.
Sur le papier, le gameplay a de quoi tenir la route, et pendant les premières parties, il faut dire que la tension est là. On rentre dans le jeu de la proie, qui malgré sa faiblesse essaye désespérément de s'en sortir. On fouille tous les bungalows à la recherche des différents objets qui nous permettront de partir (placés aléatoirement dans des endroits différents à chaque partie) avec la trouille au ventre dès que retentit la musique emblématique, signifiant que Jason n'est pas loin. Car si on a le malheur de le croiser sur notre route, les pouvoirs et la force brute du personnage font que nos chances de survie sont minces. Malheureusement, au fil des parties, ce sentiment d'anxiété s'estompe. On fait rapidement le tour de la chose et la tension redescend pour qu'on se retrouve au final dans un simple jeu de cache-cache où la licence de Vendredi 13 n'a plus beaucoup de poids... avec en sus l'impression que, malgré tout le talent du monde, tout ne tient qu'à la chance de trouver le bon objet, celui qui nous permettra de partir, puis à la chance d'avoir le temps de l'exploiter sans se prendre un coup de machette dans le crâne. Et pour ne rien gâcher, ou si justement, plusieurs problèmes techniques rendent régulièrement le jeu frustrant, mais nous y reviendrons plus bas.
L'homme derrière le masque
Il faut dire que ce qui est : le principal attrait du titre, ce qui a motivé le financement du Kickstarter, c'est bien sûr la possibilité d'incarner Jason, le prédateur ultime. Et effectivement, dans la pratique, c'est de très loin ce qu'il y a de plus intéressant dans le jeu. En plus de sa surpuissance physique, qui le rend impossible (ou presque) à tuer, les développeurs l'ont doté de plusieurs pouvoir qui mettent les autres joueurs, ceux qui incarnent les pauvres moniteurs, en très nette infériorité. Tout d'abord, Jason peut accéder à n'importe quel endroit de la carte instantanément, via téléportation, ce qui complique toute possibilité de fuite pour les victimes. Il peut aussi stalker sans déclencher d'alerte, mettre en évidence les moniteurs qui se seraient cachés dans un bungalow ou dans la nature via une sorte de vision thermique, et enfin activer un super sprint (dont le travelling à la première personne qui se déclenche rend hommage à The Evil Dead). Autant de possibilités qui, couplées aux compétences physiques surnaturelles de Jason, donne le sentiment d'avoir activé un "God Mode" officiel. Cette puissance provoque une réelle jouissance lorsqu'on arrive à débusquer un joueur qui, malgré toute sa malice et toute son inventivité, n'a quasiment aucune chance face à vous. Ce mode est bien plus intéressant et original, mais surtout beaucoup moins lassant que celui des moniteurs, c'est indéniable. Du coup, tout le monde cherche à l'incarner, mais malheureusement, les sessions étant composées de huit joueurs, vous n'aurez mathématiquement qu'une chance sur huit de porter le masque. Pour être l'heureux élu, il faudra soit être chanceux, soit faire preuve de patience, car les parties durent quand même 20 minutes, il est donc assez fréquent de jouer toute une soirée sans avoir eu l'honneur de trucider qui que ce soit.
C'est extrêmement dommage, d'autant plus que le titre n'offre pas le moindre mode offline, qui pourrait servir d'entraînement au maniement de Jason. À vrai dire, il n'y a même pas de tutoriel, juste un rapide texte descriptif des possibilités de gameplay qui nous sont offertes, illustré par un screenshot. Autant dire que lors de vos premières parties avec Jason, qui serviront avant tout à prendre en main le personnage, vous ne serez pas très performant. Cette absence de mode offline et de tutoriel contribue à mettre en évidence le manque de contenu et de finitions du titre. En effet, une fois que l'on entre dans le vif du sujet, on s'aperçoit qu'en termes de contenu, c'est bien pauvre. Côté maps par exemple, le titre n'en offre que trois, qui en plus proposent toutes la même base graphique et partagent des décors identiques... du coup on ne voit pas franchement de différences entre elles, et le dépaysement d'une map à l'autre est loin d'être assuré. Idem pour les méthodes échappatoires, on aurait aimé qu'il y ait un minimum de différences sur les manières de s'échapper d'une map à l'autre.
Des pitchs, des patchs et des putchs
Mais c'est surtout techniquement qu'il y a de grosses lacunes. Si la modélisation des différents Jasons issus des films est de qualité, celle des moniteurs en revanche laisse à désirer. C'est au mieux grossier. Tout comme leurs animations, qui jonglent entre le cartoon et la rigidité dite du balai dans le fondement. Et c'est la même donne concernant les décors et véhicules, composés de textures qui semblent taillés à la hache.
Là dessus, viennent se greffer de nombreux bugs plus ou moins critiques, tels la gestion des collisions des personnages sur les portes, les fenêtres et même Jason, sans parler des éléments qui s'envolent dans les airs. La liste est longue, mais heureusement les développeurs sont actuellement en train de régler tout ça via des patchs qui sortent régulièrement (avec plus ou moins de succès, notamment sur Xbox One, avec une mise à jour qui n'a pas été validée par Microsoft à l'heure où j'écris ces lignes). Au final, on a la désagréable sensation de payer pour participer au beta testing à grande échelle d'un jeu en cours d'équilibrage dont il manque encore des fonctionnalités. Et le pire, c'est qu'il reste du boulot ! Les développeurs ont annoncé il y a quelques mois des modes solo, avec la possibilité d'incarner Jason contre des moniteurs contrôlés par IA (pour cet été), mais vu la quantité de travail qu'il leur reste à faire en termes de support, je ne pense pas que ce patch soit près d'arriver. Et quand bien même : si la sortie de chaque nouvelle fonction doit être accompagnée d'une vague de patchs pour le rendre jouable de manière optimale, on n'est pas rendu...