Longtemps vue comme la petite soeur sans génie mais besogneuse de Pro Cycling Manager, la licence Tour de France se dresse à nouveau sur ses pédales pour tordre le cou à cette réputation usurpée. Encore fallait-il avec cette septième édition rendre l'expérience suffisamment immersive pour contenter les aficionados de la petite reine sans laisser au bord de la route le grand public estival. Un défi à la hauteur de l'ascension du Ventoux en pleine canicule estivale sur la bicyclette de tes grands-parents.
Tel un jeune coureur en devenir, le jeu officiel de la Grande Boucle progresse. Doucement mais sûrement. Sans brûler les étapes. Peut-être trop lentement pour certains. Notamment pour ceux qui n'ont pas à mettre une cinquantaine d'euros pour acquérir une version à peine dopée de l'épisode précédent. Mais l'on ne façonne pas un champion comme NBA 2K en un claquement de doigts et sans puissance financière, même avec des gourous de leur discipline comme le sont les petits gars de Cyanide. Encore faut-il savoir où placer le curseur pendant la préparation hivernale : valoriser les points forts de sa graine de star ou alors améliorer ses faiblesses.
Plus tactique que technique
Cela fait maintenant trente deux ans que la France attend le successeur de Bernard Hinault, dernier vainqueur du Tour. Les espoirs tricolores reposent sur le seul Romain Bardet, qui a le caractère et le potentiel d'un maillot jaune en puissance. On parle ici d'un pur grimpeur au tempérament offensif, bien obligé de prendre des risques pour compenser sa légèreté dans les contres-la-montre. Conscient de ses déficiences, le deuxième du TDF 2016 a pourtant travaillé tout le printemps sur ses qualités naturelles, délaissant volontairement l'exercice solitaire. C'est un peu ce à quoi se sont essayés les équipes de Cyanide en rendant l'expérience toujours plus immersive grâce à des ajouts de gameplay sympathiques. Pour la révolution graphique, on attendra le prochain opus, les nouvelles technologies ou le rachat du studio par un généreux mécène.
Malgré le changement de parcours, les habitués de la série partiront en effet en terrain connu. Menus, compétitions et modes de jeux n'ont pas bougé d'une oreille pendant l'intersaison, restant bien sagement à l'abri dans le peloton. Et pas question de changer un principe qui marche, surtout après s'être longtemps cherché : incarner une équipe, et plus particulièrement un cycliste, pour le parer de jaune sur les Champs-Elysées et/ou le mener au sommet du classement Pro Tour. Une épopée qui se veut plus stratégique que ce que son gameplay, hyper accessible, laisse entrevoir. Car vos notions tactiques et votre science de la course prennent rapidement le dessus sur vos skills manette en main. Le succès se joue dans la voiture du manager et non pas dans votre dextérité sur le bitume, même si l'on doit maîtriser le régulateur d'effort ou le sens des trajectoires, apparus l'an dernier.
Quoi de neuf Docteur Ferrari ?
Chaque nouvelle édition du jeu débarque avec sa farandole de nouveautés, et Tour de France 2017 ne déroge pas à la règle. Le but avoué des développeurs étant de proposer l'expérience la plus réaliste possible, ils se sont évertués à retranscrire du mieux possible les aspérités qui font le sel de la course. Ainsi, les pentes et les dénivelés sont désormais pris en compte pour être exploités par les coureurs à l'aise dans les forts pourcentages ou les efforts longs. Logique, me direz-vous ? Mais pas si facile à mettre en place. Il existe d'ailleurs encore une montagne de scories regrettables dans l'intelligence artificielle, qui gâchent le plaisir des suiveurs les plus acharnés. Cette recherche de crédibilité faisait partie des demandes de la communauté, comme l'était la gestion du tempo, également peaufinée pour essayer de déstabiliser vos adversaires. Un sprinteur pourra désormais exploser dans une montée courte mais sèche si vous ou l'un de vos partenaires lui impose un train d'enfer en tête du peloton.
Il existe donc désormais une dizaine de façons de larguer vos concurrents directs sans attendre la dernière ligne droite, comme celle par exemple de créer des bordures en se servant du vent. Par bordure, il faut comprendre séparation du peloton en plusieurs petits groupes sous l'effet d'Eole. À vous de repérer et d'exploiter ces zones stratégiques, décortiquées dans un briefing d'avant-course, pour décrocher l'arapègue qui tient à votre roue comme à son premier autographe de Raymond Poulidor. Ou à contrario, puisque vous êtes prévenus, d'éviter de se faire piéger et de se retrouver hors-délai. Et donc disqualifié. Bon, dans les faits, cette nouveauté figure plus dans la liste des gadgets inutiles comme l'est le hand spinner ou Jean-François Placé chez les écolos. Toutes ces variables de course sont nées de recherches scientifiques (nombre de watts, courbes de puissance,...) dans lesquelles sont allègrement allés piocher les développeurs pour les intégrer dans le moteur de jeu.
Panique dans l'oreillette
Un moteur qui ne rend ni honneur à la puissance des consoles actuelles, ni à la beauté de l'Hexagone, autant d'un point de vue esthétique que sonore (bugs techniques, paysages homogènes, commentaires redondants), mais là n'est pas l'essentiel pour les habitués, biberonnés à la voix monocorde de Jean-Paul Ollivier et aux envolées lyriques de Gégé Holtz. En revanche, ils se montreront beaucoup plus tatillons sur l'absence de données importantes comme le changement de météo, les abandons à cause des chutes, les ordres sommaires dans les oreillettes ou le fonctionnement des sprints. La liste est sans fin, connue de tous, certaines choses étant réalisables avec les moyens disponibles, d'autres beaucoup plus compliquées. Cyanide y va donc piano, réglant les défauts au compte-gouttes, selon les priorités établies par leurs fans. Dans ce Tour de France 2017, elles se sont concentrées sur les vitesses de course dans leur globalité et notamment dans les ascensions.
Les étapes de plaine sont donc plus rapides que dans la réalité pour éviter le côté "sieste allongée du début d'aprem'" alors que la vitesse moyenne sur les étapes de montagne a été réajustée de sorte à se rapprocher des données factuelles et de ressentir toute l'adrénaline et la pression de la compétition. Cela a pour mérite de rallonger la durée de ces moments décisifs et de prendre le temps de la réflexion. Mais ceux qui le souhaitent peuvent toujours jouer ces étapes en vitesse accélérée, ou alors se focaliser uniquement sur les zones clefs, ou bien carrément simuler l'étape pour se retrouver devant le tableau des résultats. Un panel de choix qui ne dénature pas l'esprit endurant du vélo, qui rend l'exercice plus attractif pour les plus pressés/moins assidus et qui s'imbrique de façon cohérente dans la gestion de votre saison.
Il y aurait tant de choses à dire, à regretter, à réclamer aux équipes de Cyanide pour bonifier l'expérience. L'éditeur de la base de données reste une excellente idée dans l'absolu mais pourquoi se contenter de changer le nom des coureurs et leurs statistiques dans le seul mode "MyTour" et pas dans le "Pro Team", de loin le plus intéressant. Un exemple parmi tant d'autres qui souligne la bonne volonté du studio, soucieux de donner satisfaction à un public pointu, mais également son incapacité à changer de braquet pour se rapprocher des meilleurs. Même dans sa communication, en proposant seulement un trailer de Pro Cycling Manager pour promouvoir ses deux jeux, Focus Interactive montre sa priorité : celle de défendre sa place au classement général sans coup de folie. Certains membres avouent déjà avoir planché sur la version 2018, à commencer par l'apparition d'un mode Online. Mais à ce rythme-là, Bernard Hinault pourrait ne jamais poser avec son héritier...