Dans le petit monde merveilleux du jeu vidéo, il existe une vieille tradition qui veut que toute tentative de faire d'une licence bien connue en jeu vidéo est par avance vouée à l'échec. Transmise de génération en génération au coin du feu, la légende dit aussi qu'il fut un temps jadis où l'on confiait sagement ses mascottes génératrices de cash à des professionnels, des vrais. Avec The Disney Afternoon Collection, Capcom voudrait nous rappeler qu'à l'époque, ils étaient de ceux-là. Mais cette vieille comptine se vérifie-t-elle encore en cette année pleine d'incertitudes ?
Entamée dans un sombre bureau de Kansas City, la carrière de Walt Disney l'amena à donner vie à bon nombre de personnages iconiques et toujours présents dans nos coeurs. Mais le temps qui passe vide également les caisses autrefois remplies, et au milieu des années 1980, l'entreprise est bien inspirée de sortir du placard quelques gloires des cartoons des décennies passées pour refaire sonner le tiroir-caisse. Affublées de quelques guenilles d'époque et de sidekicks tellement 90's, les anciens figurants du Livre de la Jungle ou de courts métrages à succès deviennent les héros des aventures qui marqueront de leur empreinte toute une génération de kids. Alors qu'en France Jean-Pierre Foucault (mais seulement lui) gagne déjà des millions en présentant Disney Parade, lesdits dessins-animés se déclinent eux aussi en flamboyantes cartouches NES, reine vidéoludique de l'époque.
Cette étroite collaboration avec Capcom, The Disney Afternoon Collection tente d'en faire la rétrospective : ce ne sont pas moins de six classiques (enfin presque) de la 8 bits qui viennent aujourd'hui gratter la nostalgie. On y retrouvera les archi-connus (car archi-vendus) Duck Tales, Chip 'n Dale : Rescue Rangers et Talespin, mais aussi le tardif Darkwing Duck et les inabordables suites Duck Tales 2 et Chip 'n Dale 2. Si la perspective de pouvoir jouer légalement à ces deux derniers opus (qui ne cote pas en-dessous de 100€ en boîte pour le dernier cité) ne suffit pas forcément, sachez que cette compilation embarque comme il se doit son lot de bonus justifiitant de repasser à la caisse. Pour le reste, on tient donc là un concentré du genre roi de l'époque, avec ses avantages... et ses travers ! Pour tenir la monotonie à distance, rien de tel qu'un changement de décor complet d'un stage à l'autre : passer des cascades en altitude au stade de Baseball remplit à bloc ? No problemo, Super Baloo est là, et il s'en bat les steaks (d'autruche) !
Be Kind Rewind
L'habillage Waïkiki des menus de The Disney Afternoon Collection atteste fatalement d'une chose : vous n'avez plus huit ans. Et si l'on ne comptait pas à l'époque les heures passées à doser Chip 'n Dale en coop' à boire du Banga! en pyjama, l'heure est à la rationalisation du temps. Elle sera vilipendée par les puristes et adulée par les autres : la touche L1 vous permettra de rembobiner comme une VHS la moindre de vos actions qui n'aurait pas été couronnée de succès. Une chute dans le vide ? On rembobine. Une collision contestée ? On rembobine. Ou pas, finalement. Il ne revient qu'à vous de jouer dans les règles ou de changer le cours du temps !
En dehors de cette quasi-invincibilité, le titre ne propose que peu de customisation : en dehors de l'ajustement de la taille de l'écran et d'une poignée de filtres pour ressentir les joies oubliées de l'affichage cathodique, il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent... Ah si ! Disque dur ultra-moderne oblige, on peut choisir de sauvegarder sa partie sur chacune des six productions proposées. Qui a dit "NES Mini" ? Enfin, pour les deux mordus de scoring qui n'ont pas encore fini au Père Lachaise, The Disney Afternoon Collection offre la possibilité de tenter chaque pépite rétro en mode Time Attack ou Boss Rush. Si l'affaire ravira les mordus de speedrun en tous genres, il fera aussi la joie des simples curieux, car on pourra choisir de disséquer à l'infini les exploits de ses potes, ou des squatteurs du Leaderboard. Un excellent point qui devrait devenir la norme pour ce genre de compilation.
Je vois que vous ne vous intéressez qu'aux objets exceptionnellement rares
Mais Capcom à également cru bon d'inclure quelques bonus croustillants pour les chercheurs en histoire, ou simplement les petits curieux. Entre les études de personnages pour le chara-design, la compilation de flyers d'époque, ou l'intégrale des six OST, le passionné aura de quoi grignoter. Mais pas trop longtemps non plus : le contenu, bien que passionnant, n'est malheureusement pas très fourni, et surtout loin d'être exhaustif : on sent bien que les ventes de Duck Tales et Chip 'n Dale les distinguent clairement du lot. Néanmoins, ces bonus fort appréciables apportent un supplément d'âme à cette collection qui serait sans doute passée à côté sans eux.
On fait l'bilan
Car finalement, que reste t-il de ces gloires passées ? Entre un Duck Tales toujours aussi efficace et un Chip 'n Dale retourné maintes et maintes fois, Talespin fait clairement tâche. Il n'en demeure pas moins que la seconde moitié de cette compil' surprendra plus d'un joueur rétro : sortis entre 1992 et 1994 (pour rappel, la SNES était disponible aux États-Unis depuis 1991, rendez-vous compte !), ils ont été moins distribués que leurs illustrés aînés. On pourra ainsi prendre un sympathique pied à découvrir ou redécouvrir l'étonnant Darkwing Duck qui envoie un gros coup de latte en termes de réalisation, l'excellent Duck Tales 2 qui parfait le premier opus sur absolument tous les plans (sauf la musique) et l'ultra-nerveux Chip 'n Dale 2 qui reste très fun en duo.
Que l'on soit fair-play ou que l'on choisisse de binge-rusher les six classiques en question, The Disney Afternoon Collection ne révélera qu'après quelques heures sa substantifique moelle. Car en engloutissant goulûment six années de hits made in Capcom de la grande époque, on ne peut qu'être admiratif du travail accompli par ces équipes restreintes : certes, les mises en scène se ressemblent en de nombreux points, certes, on jurerait parfois arpenter les stages d'un Megaman ou d'une autre production maison, mais quel plaisir resesnti à relier mentalement les points de cette épopée mythique ! Comment ne pas imaginer ceux qui deviendront parfois des pointures de la marque (comme Tokuro Fukiwara ou Keiji Inafune) oeuvrer avec ardeur entre l'accomplissement de leurs désirs de créatifs et la nécessité d'honorer les contrats passés avec le géant américain ? Si l'aventure aurait presque mérité un documentaire, il faudra se contenter de combler les vides soi-même, mais quel exercice riche d'enseignement pour le joueur passionné.