J'aime les J-RPG au tour par tour longs à maîtriser et dans lesquels il n'y a pas de sauvegarde automatique. J'aime les J-RPG où la vie ne se régénère pas entre deux combats, je les adore quand ils sont développés par Atlus et que les voix originales japonaises sont activées par défaut dans les options. Je fais partie d'une petite niche de joueurs qui apprécie ce genre de jeux et je tiens à commencer cette critique en remerciant Nintendo. Certains assimileront cela à un suicide commercial pendant que d'autres crieront au génie, mais Big N a eu l'audace de nous fournir un crossover de deux genres méconnus du grand public, sur une console dont la mort est imminente. Personne n'y croyait, pas certain que nous l'attendions, mais le voilà. Tokyo Mirage Sessions #FE est là et il restera dans ma console pour longtemps encore.
Développé par Atlus, à l'origine de l'excellente série des Shin Megami Tensei et des Persona, ainsi que par Intelligent Systems, à qui l'on doit entre autres les tout aussi remarquables Advance Wars et Fire Emblem, Tokyo Mirage Sessions #FE est une de ces étrangetés vidéoludiques que seule une console en fin de vie peut nous offrir. De cette union entre ces grands noms du jeu de rôle japonais est né un titre plus japonais que le plus japonais des visiteurs de la Japan Expo. Et en effet : quoi de plus japonais qu'un jeu de rôle japonais se déroulant dans la capitale du Japon sur fond de pop-culture japonaise et d'idols en tous genres ? (NDLR : si vous trouvez, dîtes-le, on veut savoir !)
Désolé, c'est réservé aux habitués
La musique est au coeur de ce titre qui penche clairement plus vers la série des Persona que vers celle des Fire Emblem. Des menus stylisés à la direction artistique maîtrisée, en passant par les sorts emblématiques de la série (Dia, Bufu, Tarakaja...), le titre possède toutes les caractéristiques qui ont fait le succès de la franchise d'Atlus. En revanche, ici il n'est pas question de Midnight TV ni de Persona mais de "Mirages" et de "Performa". Les Mirages sont des êtres venant d'un autre monde descendus sur Tokyo pour voler la Performa, ou énergie créative, de ses habitants. On se retrouve ainsi embarqué dans une aventure où la musique, les strass et les paillettes sont au coeur de l'intrigue.
Au fil de l'aventure, vous rencontrerez des idols, un otaku coach artistique, une copie non conforme d'Hatsune Miku ou encore une ancienne Gravure Idol. Si aucun de ces termes n'a de sens à vos yeux, alors Tokyo Mirage Sessions n'est probablement pas fait pour vous. TMS#FE est, excusez-moi l'expression, l'équivalent d'une grosse dose de pop-culture japonaise dans ta face. TMS#FE n'est pas là pour vous prendre par la main et vous faire découvrir sereinement cette industrie si particulière de l'entertainment japonais. Au contraire : le titre nous noie dans un océan de pop sucré, de couleurs flashy et de références (très) confidentielles. Pour peu que l'on fasse parti du public visé, on prend un pied comme on en a rarement pris avec un RPG japonais sur Wii U.
Soundtrack 2 My Life
La musique est au centre de l'intrigue du titre, mais également du jeu et de ses interfaces ! Ainsi, on ne forme pas une équipe mais un casting, on ne change pas d'équipement mais de garde-robe, et nos personnages ne sont pas des héros mais des artistes. Ces appellations peuvent sembler anecdotiques mais renforcent toujours plus notre immersion dans ce monde musical, et ce avec un plus grand impact lors des phases de combat.
Les affrontements se déroulent au tour par tour sur une scène de concert. Une foule en délire composée de Mirages s'acharne en arrière-plan pendant que vous sélectionnez vos actions. Encore une fois, les amateurs de Persona seront en terrain connu. Il faut toujours tenter de trouver la faiblesse des ennemis affrontés pour gagner de précieux tours supplémentaires et ainsi arracher la victoire à ces vilains mirages. Ces tours supplémentaires s'appellent des sessions, sortes de combos élégamment mis en scène lors desquels vos artistes pourront faire preuve de toute l'étendue de leur talent. On apprécie d'autant plus le soin du détail apporté aux menus de ces combats. Chaque attaque est présentée avec le titre de la compétence et l'interprète de cette dernière, comme le serait un clip musical sur MTV. Ce sont tous ces éléments qui, ajoutés l'un à l'autre, participent à ce sentiment de show spectaculaire auquel on assiste et dont on devient rapidement accro !
Muzukashii desu ka ?
Comptez un peu plus d'une quarantaine d'heures pour terminer le titre en effectuant quelques quêtes annexes. Jeu développé par Atlus oblige, il faudra rapidement faire attention à votre barre de vie. Les Mirages ennemis ne vous feront aucun cadeau et n'hésiteront pas à se ruer sur vos artistes les plus faibles pour les envoyer six pieds sous terre.
Quant aux donjons, ils peuvent être particulièrement éreintants. Non pas qu'ils soient compliqués, mais les énigmes qui vous y attendent nous demanderont d'effectuer de nombreux aller-retours dont on se serait volontiers passé. Toutefois, les combats sont tellement enivrants que l'on pardonne facilement à TMS#FE ses quelques errances pour profiter du formidable spectacle qu'il nous offre à chaque session de jeu.
On notera également que le titre est uniquement disponible avec les voix japonaises sous-titrées en anglais... dans sa version européenne ! Une manière de faire le tri entre les quelques otakus bilingues désireux de plonger la tête la première dans ce RPG complètement over-the-top à qui ce titre est adressé, et les autres.
J'aime mon GamePad
TMS#FE m'aura notamment conquis là où je ne l'attendais pas : j'ai aimé utiliser le GamePad ! J'ai d'ailleurs du mal à associer les mots « aimer » et « GamePad » dans la même phrase, pourtant il faut bien admettre que c'est le cas.
Dans TMS#FE, le GamePad fait office de téléphone portable sur lequel vous pourrez recevoir à tout moment des notifications. Libre à vous d'arrêter votre activité et de vous tourner vers votre GamePad pour lire la missive électronique que vous venez de recevoir. On se prend ainsi à détourner son regard de l'écran de télévision pour lire nos messages sur celui du GamePad. On y suit nos conversations avec nos amis, qui partagent craintes, espoirs et anecdotes inutiles avec nous en les ponctuant d'un émoji bien kawaii dont seuls les japonais ont le secret.
On s'habitue vite à recevoir leurs messages et on finit par s'attacher à ce casting de personnages aux personnalités convenues, certes, mais ô combien attachantes grâce à ce principe de messagerie in-game.
Mais t'es où ? Pas là...
2 caractères sur 21, soit moins de 10%, sont attribués à Fire Emblem dans le titre du soft. C'est plus ou moins le même pourcentage de contenu tiré du titre d'Intelligent Systems que vous retrouverez en jeu. Seuls les Mirages utilisés par nos héros ont été piochés dans la longue liste des chevaliers pégases et autres valeureux mercenaires qui se sont battus à nos côtés sur consoles Nintendo. On retrouve donc Chrom de Fire Emblem : Awakening ou encore Cain de l'épisode Shadow Dragon (parmi d'autres). La fameuse trinité basée sur le rapport de force entre hache, épée et lance a également été intégrée aux systèmes de combat. Enfin on reconnaîtra avec plaisir le thème sonore récurrent des Fire Emblem lors de la montée en niveau de nos artistes. Et c'est à peu près tout... Ces petites attentions ne sont pas suffisantes pour nous faire oublier le manque de contenu estampillé Fire Emblem dans TMS#FE. Ce sont donc les fans de Fire Emblem qui seront déçus, mais cette absence ne retire en rien toutes les qualités que possède le titre.