Raconter le terrible combat d'une famille face à la maladie de leur fils Joel par le prisme du jeu vidéo, c'est ce qu'ont souhaité réaliser Ryan et Amy Green à travers That Dragon, Cancer. Une idée qui aura mené le projet à être l'un des plus surveillés de la scène indé, à se voir kickstarté fin 2014... Et à apparaître comme l'une des oeuvres les plus fascinantes de ce début d'année 2016.
Joel Green a 5 ans. Mais il ne parle pas. Et il y a des tas de choses qu'il ne sait pas faire comme les enfants de son âge. Ses grands frères ne comprennent pas pourquoi. Est-il encore un bébé ? En quelque sorte, explique Ryan, son père. C'est que Joel est malade. Depuis qu'il a un an.
Tout avait commencé par quelques inquiétudes sur la santé du bambin. Avant que le diagnostic ne tombe. Implacable. Une tumeur au cerveau. Virulente. Résistante. Cela n'aura pas empêché le combat de durer, bien plus longtemps que prévu par les médecins. Avec ses moments de peine insondable, d'espoirs, de paix, combinés à un sentiment d'impuissance omniprésent.
Dure bataille
Ce sont 14 scènes de l'histoire vraie de la famille Green aux côtés de ce fils atteint d'un mal incurable que va décrire That Dragon, Cancer. 14 scènes s'écoulant en 2 heures environ, durant lesquelles cette expérience narrative tendance point and click ne va pas faire jouer à proprement parler. Ce qui ne l'empêchera pas de vous mettre à l'épreuve. Car bien qu'il s'affiche en low-poly, ne révélant que des visages peu détaillés, et qu'il propose des séquences de navigation et de "gameplay" qui laissent parfois dubitatifs - notamment par leur longueur -, ce titre vous verra lutter sur le plan émotionnel.
Il parvient, par le biais des sons (tirés de vidéos familiales) et de sa musique, des conversations et monologues des protagonistes, ainsi que de sa mise en scène, qui subtilise parfois Joel notre vue, à faire surgir ou émerger des sentiments d'une incroyable pureté. Avec quelques larmes à la clé.
Connexion intime
Ce à quoi ont été confrontés les Green, beaucoup s'y connecteront. Autant dans les passages "réalistes" que dans les basculements vers des situations métaphoriques - sauf peut-être dans les derniers instants qui se tournent plus vers une foi omniprésente qui leur est propre. Il faut dire qu'on ne nous cache rien.
On sait tout de l'avancée de la maladie, de l'intimité de la famille, des traitements, déménagements... Des pensées de chacun lors des différentes étapes dévoilées. Des réactions lors des moments les plus durs. Ceux où médecins et parents voient leur pensées survenir clairement aux oreilles du joueur ; ceux où un père ne sait comment soulager une douleur et des cris qui envahissent la pièce, chaque tentative d'apaisement se soldant par un échec... Mais s'il y a des moments de déchirement, de solitude, de deuil, cela n'empêche pas That Dragon, Cancer de rester dans le cadre de l'hommage à la vie. A travers d'autres témoignages, éparpillés ici et là par écrit. A travers le rire de Joel, si beau, qui nous accompagne encore alors que les crédits s'affichent.
Un hommage réussi et touchant sans aucun doute. Et qui permet à un fils parti trop tôt d'être finalement toujours présent.