Attendu comme le Messie par les drogués de la balle orange, NBA 2K plane au-dessus des autres simulations sportives depuis plusieurs années. Avec un credo : pousser le curseur du détail toujours plus loin pour sublimer l'expérience et la rendre aussi authentique que possible. Le sens du perfectionnisme des équipes de Visual Concepts nous donne matière à réfléchir, chaque été, sur les pistes sur lesquelles le studio pourrait se pencher pour peaufiner sa licence. Et à tous les coups, on se laisse bluffer par tant d'exigence.
Comment rester au sommet quand on y est installé depuis tant d'années ? Demandez-donc à Michael Jordan, dont l'esprit de compétition légendaire l'incitait, de titre en titre, à repousser constamment ses limites. Rob Jones, producteur de la saga des NBA 2K, s'est clairement inspiré de "Sa Majesté" pour donner ses lettres de noblesse à un titre qui se bonifie avec le temps. Là où d'autres simulations sportives donnent dans le bullshit marketing, annonçant des innovations sous la forme de concepts pompeux, les mecs de chez Visual Concepts prennent en compte les désidératas de joueurs exigeants pour leur proposer une expérience toujours plus réaliste. Une initiative d'autant plus louable que la série n'a aucun concurrent dans les pattes pour l'obliger à sortir de sa zone de confort.
C'est rare d'imaginer, une fois le produit fini, manette en main, toute la besogne fournie par les concepteurs. Pourtant, il m'arrive parfois d'oublier, en plein feu de l'action, qu'il s'agit d'un jeu vidéo tellement le rendu se rapproche d'une retransmission TV. Véridique. Ces quelques flashs, ces "moments clés", les développeurs ont souhaité les allonger au maximum dans leur course au photo-réalisme. Qui vire parfois au fétichisme. La première zone de travail concerne l'environnement visuel et la façon dont les joueurs bougent sur le terrain. Chaque athlète est identifiable de par son style sur les parquets. Encore plus qu'auparavant. Une quantité astronomique d'animations - toujours plus fines - a été ajoutée à la palette de LeBron et de ses copains pour leur donner une gestuelle encore plus crédible. Les développeurs sont même allés jusqu'à scanner leurs corps entiers, effectuant notamment un gros travail sur les poignets et calculant le point d'impact du talon et des doigts de pieds sur le sol afin que le moindre mouvement dégouline de légitimité. Une exigence à donner des sueurs froides aux rivaux d'EA.
Magiques systèmes
Alerte : je risque d'utiliser énormément le terme "système" dans les paragraphes suivants. Car, là encore, le studio a repensé du parquet au plafond son gameplay pour offrir encore et toujours plus de sensations. Système de drive bouleversé avec des pick and roll, qui ne seront plus exécutés mécaniquement par les protagonistes. Système de passes enrichi avec la possibilité de choisir entre trois options (normale, lobée, avec rebond). Système défensif remanié avec des joueurs capables de s'adapter aux caractéristiques et aux signature moves de leurs vis à vis. La liste est encore longue mais sachez simplement que toutes les phases de jeu ont gagné en intérêt et en complexité. Se dégage cette impression jouissive de ne pas revivre deux fois la même action. Révolution du genre. Et plaisir sur le long terme.
C'est surtout sur l'intelligence artificielle que Rob Jones et ses hommes ont consacré leur attention et leur énergie. Le basket pratiqué aujourd'hui étant plus tactique que jamais avec l'intégration d'une nouvelle génération de coaches (Kerr, Kidd, Blatt...), il fallait que 2K prenne le pli de cette évolution. Mission réussie avec mention, tant le comportement des joueurs s'ajuste en fonction de leurs aptitudes du moment, des situations de jeu et des philosophies prônées par leurs mentors. A titre d'exemple, de longues tiges comme Kawhi Leonard ou Gianni Antetokounmpo se tiendront plus éloignées des attaquants en phase défensive. De même, l'IA enverra systématiquement un partenaire en secours si un intérieur prend l'eau dans son duel. Ecrans, déplacements sans ballon, puissances des dunks, contacts entre les joueurs, premiers appuis, tout a été peaufiné dans cette quête de perfection revendiquée. Avec une fluidité exemplaire.
Touche pas à mon poste
Cette formule enrichie demande, bien entendu, un petit laps d'adaptation. Mais, quel pied, ensuite, de pouvoir reproduire à l'identique les skills de nos idoles. Et apprécier toute la palette technique que doit posséder en magasin un potentiel All-Star. Autre chose dans ce rush effréné vers l'authenticité : le coaching adaptatif. A la manière du small-ball des Warriors face aux Cavs lors des finales NBA, l'été dernier, l'entraîneur adverse s'adaptera à votre façon de jouer, au score du match, à vos précédentes confrontations pour renverser la tendance. A vous donc de trouver la parade, de diversifier vos systèmes pour troubler une défense bien rodée. Ou alors de forcer la décision individuellement. Et rien que de pouvoir observer la réaction des stars de la Ligue à chaque shoot rentré, leurs mimiques de rage ou de dépit, nous pousse parfois à opérer en solo. Une telle personnalisation (tatouage, grain de peau, sneakers...) n'avait été vue jusqu'alors. Une étape a clairement été franchie.
Depuis toujours, le studio américain tend à rendre son bambin le plus télégénique possible. Une revendication qui a fait la réputation de la série, et que Visual Concepts a approfondi en ajoutant aux commentaires priceless des speakers et aux traditionnelles interviews, des shows d'avant match assurés par les délirants Earnie Johnson, Shaquille O'Neal et Kenny Smith. A leur sortie du bus, les têtes d'affiche de la Ligue seront interrogés sur leur forme du moment ou les clés de la rencontre. Un entretien face caméra, en plan serré, comme on en voit si peu à la TV française, qui permet de mieux cerner la personnalité de nos acteurs préférés. Le facétieux Dwight Howard sera par exemple plus volubile que le taiseux James Harden, si l'on s'amourache des Rockets, par exemple. Bref, de nouvelles animations qui s'ajoutent à ce souci obsessionnel d'immersion. On s'arrête là et on vous laisse découvrir le reste ? Sachez simplement que l'ambiance de la salle s'accommode à la physionomie de la rencontre. Les stars charismatiques n'hésitent pas à haranguer la foule pour faire grimper la température.
La série de 2K n'a jamais négligé la bande son de son titre, sa mise en espace, son relief, parts dominantes de son identité. Et si celle signée Pharrell Williams lors du précédent opus s'est avérée bien dégeu, celle assurée par DJ Khaled, DJ Musard et Dj Premier, soit trois producteurs phares du moment, nous plonge immédiatement dans l'ambiance. Elle demeure suffisamment variée pour ne pas nous lasser et colle à l'esprit d'ouverture souhaitée par les développeurs. Elle ne contentera pas tous les mélomanes accrocs aux sonorités hip hop. En revanche, l'atmosphère sonore à même le parquet fera l'unanimité. Et là est le plus important pour une simu de basket.
He Got Game
Rob Jones et ses ouailles ont beaucoup insisté sur le mode "My Career", gouffre à temps incroyable mais manquant sensiblement de dynamisme et d'âme. Ils sont donc allés chercher Spike Lee, réalisateur de talent et fan absolu des Knicks, pour donner une dimension cinématographique à nos parties. Une contribution géniale sur le papier, car notre avatar se retrouvait au coeur d'un feuilleton haletant avec du drame, de la jalousie, de la consécration et des décisions difficiles à prendre. Le scénario tient la route, même s'il n'échappe pas aux traditionnels clichés d'une saga sportive. Pour peu que l'on n'apprécie pas la touche du réalisateur new-yorkais et que l'on ne cautionne pas ses messages, on peut se retrouver face à des situations embarrassantes. Mais on se surprend néanmoins à revivre des scènes de l'excellent "He Got Game", quitte à devenir spectateur de sa propre histoire. Le slogan "BeTheStory" n'a jamais aussi bien porté son nom, escorté par des effets cosmétiques de tout premier ordre (mouvements de caméra, dynamique des plans, pertinence des dialogues, habillage des terrains old school...). Dès la deuxième saison, Spike Lee reprend ses quartiers et on retrouve le mode de jeu classique et ses codes cohérents dans lequel on a perdu tant d'heures de nos vies.
Le mode "MyGM" n'a pas pour autant été laissé sur la touche. Ce mode, qui permet d'incarner le propriétaire d'un club, a également subi un lifting opportun avec des initiatives intéressantes comme la possibilité de délocaliser sa franchise ou alors de "scouter" les futurs rookies dans le 2K Hoop Summit. La Draft a également été revue par les équipes pour coller davantage à cette nuit complètement folle et à ses transactions plus ou moins farfelues. Une fois que vous vous serez fait les dents sur ces deux aspirateurs à vie sociale, il sera toujours temps de tester le nouveau mode en ligne, "Pro-Am", qui vous offrira l'opportunité de joindre ou de créer une équipe de A à Z, et d'affronter des équipes du monde entier. Sans compter le mode "MyTeam", sorte de FIFA Ultimate Team reconduit avec des innovations majeures, la série de petits challenges Trials plus ou moins alambiqués, les équipes de légendes, celles d'Euroligue (Strasbourg et Limoges compris), et même l'incorporation des clubs universitaires. Bref, il vous faudra une seconde vie pour exploiter toutes les munitions apportées par ce NBA 2K16.
Grâce à NBA 2K, le basket prend une nouvelle dimension, bouscule les codes et fait évoluer les mentalités. Il est maintenant commun de voir certains joueurs faire du "trash-talking" en raison de leurs notes, qu'ils estiment plus ou moins justifiées, ou alors s'appuyer sur le jeu pour expliquer leurs actions ou, mieux (ou pire), penser que la nouvelle génération n'est plus aussi compétitive car elle privilégié les parties virtuelles aux playgrounds. Preuve que le bébé de Visual Concepts est rentré dans les moeurs, un peu comme TP dans le coeur des Français. En douceur mais pour un bon moment. Premier love, baby !