C'est dans l'air du temps : revenir aux racines et reprendre les solides mécaniques d'autrefois est une pratique désormais largement répandue. Parfois avec succès, à l'instar du récent Pillars of Eternity, parfois avec maladresse, comme avec Sid Meier's Starships ou Meridian : New World... Alors, qu'en est-il de Grey Goo ?
Age of Empires, Total Annihilation, Command & Conquer... Le gameplay et le concept de ces jeux-là reposaient en grande partie sur la gestion des ressources et la construction d'une base, avec un rythme posé et un aspect tactique moins prompt à récompenser le micro-management effréné que la vision stratégique globale. C'est exactement dans cette optique que s'inscrit Grey Goo pour nous redonner du bon vieux RTS à l'ancienne.
Grey's Anatomy
C'était plus ou moins attendu, le scénario ne vous empêchera pas de dormir ni par sa complexité, ni par son originalité intrinsèque. Vous ne m'en voudrez donc pas si je vous en restitue une version fortement synthétisée : sur une planète lointaine, trois races vont s'affronter pour assoir leur suprématie. Les humains, tout d'abord, qui auront un principe de fonctionnement plutôt classique. Très centrés sur eux-mêmes (normal) et très portés sur la défense, notamment grâce à leurs solides murailles et leurs tourelles affutées, ils imposent une vision stratégique à long terme pour envisager l'assaut sur les bases adverses. L'autre grand concurrent, toujours assez traditionnel dans son gameplay, ce sont les Betas. Là aussi, on est en terrain connu : on se lance dans la construction d'extracteurs pour récupérer l'unique ressource du jeu (nommée "Catalyseur") et on accroît sa capacité de production et de stockage avec des silos, histoire de gérer correctement la création d'unités. Enfin, le troisième larron, c'est la faction des "Goo". Leur style de jeu diffère nettement des autres races. Point de bâtiments à construire : leurs unités s'apparentent à une forme de vie à l'état liquide, toujours en mouvement, avec laquelle les partisans d'attaques multiples et de harcèlement devraient trouver leur compte.
Quand y'en a plus... y'en a plus !
Rien de révolutionnaire au programme, mais ces différentes races sont intéressantes à jouer et leur équilibrage général est plutôt bien dosé. Du côté du contenu, le jeu propose une campagne solo bien écrite, avec son lot de rebondissements plutôt efficaces et des cinématiques fort réussies, qui permettent de rester immergé dans cet univers. En revanche, c'est un peu moins la fête au niveau du contenu général : la campagne est assez courte (comptez moins d'une dizaine d'heures pour en faire le tour) et contrairement à un Company of Heroes, vous n'aurez probablement pas envie de la relancer une deuxième fois, rien ne venant véritablement soulever un enthousiasme démesuré lors de cette courte épopée solo.
Dans la glue
Alors vous me direz, il reste toujours les escarmouches ou le multijoueur. Oui, mais les mécaniques de jeu sont assez répétitives et ce n'est pas la maigre variété des unités qui viendra retarder cette sensation de lassitude, qui s'installe finalement assez vite. Ceci étant, les plus motivés pourront tout de même se rabattre sur l'éditeur de cartes, histoire d'étoffer le contenu du jeu et de prolonger un peu le plaisir. Toujours au chapitre des griefs, le rythme général des parties est vraiment lent... très lent. Alors oui, c'est agréable d'avoir un gameplay posé "à l'ancienne", mais là c'est presque trop et ça donne un peu l'impression de jouer en permanence en bullet time. J'ajouterais que le niveau de recul du zoom est bien trop limité et que cela nuit parfois à la lisibilité d'un jeu qui aspire tout de même à nous plonger au coeur de batailles stratégique de grande envergure. Enfin, l'IA est un peu plombée par quelques lacunes assez pénibles, à l'image de certaines unités qui laisseront votre base partir en morceaux lors d'une attaque ennemie, parfois sans lever le petit doigt.
Encore un effort !
Pourtant, l'univers de Grey Goo est loin d'être déplaisant. Même si la palette de couleurs utilisées est terne et tristounette, le moteur du jeu est capable d'afficher de biens jolis décors et on sent que les développeurs auraient même pu aller encore plus loin et faire cracher un peu nos configs de bourgeois. Comptez tout de même sur une config assez récente pour espérer profiter du jeu avec une fluidité raisonnable, le jeu réclamant au minimum un Core i3, 4 Go de RAM et une GeForce GTX 460/Radeon HD 5870. Quoiqu'il en soit et même avec une machine gamer d'entrée de gamme, ces considérations techniques ou artistiques n'empêchent nullement de profiter d'un titre qui parvient à reprendre la plupart des ingrédients d'un bon vieux RTS et à les décliner, malgré quelques fâcheux ratés, de façon globalement satisfaisante.