Chacun le sait, la saga Resident Evil a perdu de sa superbe après son quatrième opus et, surtout, depuis le départ du père de la saga, Shinji Mikami, de chez Capcom (2005). Alors lorsque celui-ci annonce son retour au Survial Horror avec The Evil Within, en 2012, tous les fans du genre gardent l'oeil rivé sur son projet. Et vous avez bien fait parce qu'on pourrait carrément se demander si ce titre n'est pas le digne héritier de Resident Evil 4. Rien que ça !
Il parait que le jeu vidéo japonais est au plus mal ? Pour en avoir le coeur net, nous nous sommes procurés une version PS4 de The Evil Within. Eh bien, une vingtaine d'heures plus tard, après avoir bouclé l'aventure, je peux vous le dire, il serait ridicule d'enterrer le Japon. En effet, rarement un titre ne m'aura autant pris aux tripes. Que les amoureux de Survival Horror traditionnels se réjouissent donc, le père de Resident Evil vient de mettre tout le monde d'accord avec ce titre incontournable qui mettra vos nerfs à rude épreuve. Autopsie...
Le gore lui va si bien
Si en décortiquant les trailers de The Evil Within, on pouvait déjà savoir que le jeu serait sale, gore et malsain, apprenez que vous êtes à des années lumières de ce qui vous attend dans cette aventure. En effet, le titre de Tango Gameworks, le développeur, propose une ambiance dérangeante au possible, un univers particulièrement morbide et des décors absolument superbes. Oui, superbes, j'insiste ! Si on ne le voit pas dès le premières minutes de jeu c'est parce que les artistes de Tango dévoilent leur talent sur la longueur avec des scènes de plus en plus belles au fur et à mesure de l'aventure.
D'ailleurs, The Evil Within vous fera traverser de nombreux décors différents, allant du métro à l'hôpital en passant par des campagnes et même une ville dévastée. Une énorme variété de lieux qui a permis aux artistes de s'en donner à coeur joie pour une véritable démonstration artistique de plus en plus hallucinante tout au long de la vingtaine d'heures (je l'ai fini en 19h) de jeu nécessaire pour terminer l'aventure.
Mentions spéciales d'ailleurs aux effets de lumières et d'ombres ainsi qu'aux fumées, dont certaines sont carrément photo-réalistes. Ca claque ! Saluons aussi les animations des monstres et des boss, particulièrement crédibles et... flippantes. Un véritable travail d'artistes qui va de paire avec une direction artistique toujours très crassese et gore mais qui offre un cachet vraiment unique à The Evil Within.
Silent Hill style
Evidemment, on ne peut s'empêcher de penser à Silent Hill lorsqu'on traverse certains endroits tant les inspirations sont nombreuses. Des décors apocalyptiques de la série de Konami en passant par les lieux presque mythiques des épisodes de Resident Evil (avant le 5) sur lesquels il a travaillé, Shinji Mikami nous invite ici à un véritable festival d'images hallucinantes toutes plus belles les unes que les autres.
Ceci même si deux bandes noires, façon cinémascope, viennent amputer l'image de presque sa moitié à l'horizontale. Un choix étrange, auquel on fini par s'habituer, et qui a sans doute facilité les calculs et permis de proposer un rendu si impressionnant parfois, même si dans le détail les textures ne sont pas non plus les plus somptueuses que j'ai pu voir jusqu'ici. Précisons que malgré la qualité de ce travail, le framerate du jeu souffre en quelques occasions mais rien de fondamentalement handicapant.
Resident Evil, le retour ?
Quelques minutes de jeu suffisent pour le comprendre, la jouabilité (mais pas seulement) du titre est extrêmement proche de celle de Resident Evil 4. Caméra, très proche, à l'épaule ou dans un coin d'une pièce, déplacements pendant la visée, objets à ramasser laissés par des ennemis en décomposition, échelles par dizaines, rebords à grimper, animations un poil rigides, boss montrés intelligemment pour faire monter la pression avant de les affronter, rationnement des munitions et des objets utiles, apparition récurrente de fous furieux qui vous coursent avec une tronçonneuse (ou pire), des villageois tarés, etc.
Il est clair que Mikami tenait à faire concurrence à la série de Capcom. Et après tout, il peut se le permettre, tant c'est lui qui l'a créé et enclenché la refonte de la saga avec RE 4. D'ailleurs comme un pied de nez à Sheva dans Resident Evil 5, The Evil Within vous colle parfois des partenaires de jeu dirigés par l'I.A pendant son aventure... sauf que ces derniers s'avèrent souvent particulièrement dégourdis et efficaces en combat. Et ça tombe bien car le challenge est ici particulièrement relevé.
Un jeu sadique
Tango Gameworks a tout fait pour vous mettre la pression du début à la fin de l'aventure. Outre des scènes particulièrement intenses de combat, des décors souvent ramassés et oppressants, des pièges sadiques en grand nombre et des couloirs étriqués par dizaines, The Evil Within procure en permanence un sentiment claustrophobique accentué par une caméra toujours au plus près de l'action. Entre les cafards sur les murs, les morts ensanglantés aux corps transpercés par des barbelés fondant sur vous par dizaines, les mutants à la taille gigantesque faisant office de boss inoubliables, et les cris torturés d'une femme araignées vous poursuivant à répétition dans une allée sans fin, le tout accompagné de sons qui vrillent littéralement les tympans, vous n'aurez jamais le temps de reprendre votre souffle.
Pire encore, après vous avoir collé une pression monstre, et c'est le cas de le dire, les développeurs continuent de jouer avec vos nerfs en rajoutant un ennemi ou un évènement inattendu afin de clôturer une scène en beauté. Ca ne s'arrête jamais ! Les créateurs ont clairement voulu nous martyriser et mettre notre moral à l'épreuve à tout instant.
La difficulté du jeu est d'ailleurs telle, même en normal, que vous allez parfois avoir l'impression que le challenge proposé est insurmontable. Pour s'en sortir il suffit d'être patient, observateur, et de ne pas avoir peur de recommencer, mais nous y reviendront plus tard puisqu'il est temps de s'attarder maintenant sur le scénario de The Evil Within.
Ruvik Cube
Sebastian Castellano est un inspecteur de police au passé très lourd et lorsqu'il se rend à l'hôpital psychiatrique Beacon pour de multiples homicides, ils tombent face à un être surnaturel aux pouvoirs presque divins, Ruvik. Ce dernier assassine à tours de bras et semble avoir le pouvoir d'emmener qui bon lui semble dans les plus sombres cauchemars. Ainsi, nous naviguons d'un lieu à l'autre pour résoudre diverses énigmes, affronter des hordes de tueurs mort-vivants acharnés et finalement comprendre ce qui se trame derrière cette histoire à dormir debout.
Bien menée, la narration de The Evil Within monte en puissance tout au long de l'aventure... avant de malheureusement caler un peu sur la fin. L'ensemble se termine sur un combat délirant qui n'est pas sans rappeler certaines batailles finales cultes des Resident Evil. Ceci étant, le résultat se révèle correct et l'histoire est suffisamment bien distillée pour toujours donner envie au joueur d'en voir le dénouement. Ainsi, on a sans cesse envie de progresser, malgré une difficulté parfois sadique, pour connaitre le fin mot de l'histoire. Et ça tombe bien car le jeu est parfois si sévère que vous aurez besoin d'une carotte.
En effet, entre atmosphères suffocantes, ambiances pensantes, scènes gores à outrance et "die and retry" fréquents, vous aurez besoin de motivation. Car il est impératif de le signaler, The Evil Within est difficile, éprouvant, parfois vicieux, et surtout particulièrement stressant. Vous êtes prévenus.
Survival Horror infiltration ?
C'est assez flagrant pour le souligner, certaines scènes font irrémédiablement penser à celles de The Last of Us, notamment lorsque Joel passe en mode infiltration. A l'image du titre de Naughty Dog, vous pouvez vous accroupir et jouer la discrétion dans le but d'assassiner certains de vos ennemis par derrière.
On pourra d'ailleurs réaliser plusieurs passages sans même se faire remarquer. Une option que l'on pourra choisir ou non à loisir en fonction des situations. Autant dire qu'il faudra alors être très observateur pour savoir quand sortir les armes et quand la jouer discrètement. Ajoutons tout de même que nombre de niveaux peuvent se passer à coups de fusils, sans forcément passer son temps à ramper ou à se cacher dans les placards et sous les lits.
De l'action mais aussi de la réflexion
Espérons que vous avez de bons yeux car votre sens de l'observation va s'avérer essentiel dans The Evil Within. Nombreux sont les pièges laissés par Ruvik dans les scènes auxquels il vous convie. A vous donc de les repérer pour les éviter, les désamorcer, ou mieux encore, les utiliser contre les ennemis qui parsèment les niveaux. Bombes à détection de mouvements, mines, murs de flammes, jets d'acides, scies mobiles, pièges à loups, etc. sont autant d'armes contextuelles à exploiter et à éviter dans les décors. D'ailleurs, si vous choisissez de les démanteler, vous obtenez des outils pour créer vos propres flèches pour l'arbalète Agonie, votre arme la plus puissante.
Avec cinq types de carreaux (explosifs, électriques, immobilisants/glaçants, aveuglants, ou harponnants), cette arme est à utiliser avec jugeote puisque vous pouvez, par exemple, glacer les adversaires, ou même les pièges, avec un carreau immobilisant/glaçant avant de lancer une grenade, ou une flèche explosive, pour faire le ménage. Vous l'aurez compris, les subtilités en combat ne manquent pas : tirer dans les jambes pour ralentir un adversaire, mettre le feu aux flaques d'huile pour brûler vos poursuivants, tirer dans certaines parties des décors pour activer des mécanismes/pièges, utiliser les armes de certains adversaires, etc. sont autant d'éléments à exploiter pour survivre.
Le gel vert
Tout au long de son aventure Sebastian va récolter un gel vert étrange, lui permettant de booster ses capacités, armes et équipements dans l'hôpital psychiatrique dans lequel il reviendra régulièrement comme par enchantement. Entre rêve et réalité, notre héros peut ainsi booster toute une batterie de compétences allant de son endurance en course, la taille de sa santé, en passant par l'augmentation du nombre de munitions et de la cadence de ses armes (sniper, pistolet, Magnum, fusil à pompe) ou encore en améliorant le nombres d'objets qu'il est capable de porter.
A vous alors de faire les bons choix en fonction de votre style de jeu mais aussi des ennemis rencontrés si vous espérez sortir vivant, et pas trop traumatisé, de cette aventure désormais incontournable du Survival Horror.
The Evil Within est-il le digne héritier de Resident Evil 4 ? Oui, sans l'ombre d'un doute. Devient-il un jeu incontournable pour tous les amateurs de Survival Horror ? Plutôt deux fois qu'une ! Est-il le meilleur titre du genre ? Sans doute pas, tant il peut s'avérer frustrant et cruel à certains moments, notamment à cause d'une jouabilité qui manque de précision et faute à une difficulté volontairement exacerbée. Pour autant, on a constamment envie d'y revenir tant l'aventure haletante, la mise en scène soignée, l'atmosphère malsaine, les subtilités de combat nombreuses, ou encore les puzzles retors, sont séduisants. Petit point noir sur la fin néanmoins, avec certains affrontements vraiment, mais alors vraiment, ardus. Précisons enfin que nous avons eu un léger bug lorsqu'un boss a complètement arrêté de se battre, preuve que The Evil Within manque aussi d'un zeste de finition. Mais mis à part ça, il y avait bien longtemps qu'un jeu ne m'avait pas mis une telle claque dans le genre, que ce soit clair !