Contrairement à d'autres licences prolifiques de Capcom, Mega Man en tête, Strider a cultivé la discrétion. Les apparitions d'Hiryu, son tourbillonnant protagoniste, sont même plus nombreuses en tant qu'invité au sein d'autres jeux, comme les Marvel vs. Capcom ! Horreur. Malheur. Cela ne pouvait pas rester en l'état. Double Helix a donc pris les choses en mains pour qu'Hiryu redevienne enfin un personnage qui fait rêver les ménagères. Voire davantage.
Un Strider, qu'est-ce que c'est ? Pour schématiser, c'est un ninja du futur qui transpire la classe, gigote vitesse grand V, la joue Spider-Man sur toutes sortes de parois et découpe les gredins à l'aide d'un Cypher, lame se prenant en main comme un tonfa. Au sein de cette caste, on trouve Hiryu. Un cador. C'est d'ailleurs pour cela qu'on fait appel à lui en vue d'accomplir une mission capitale : éliminer le Grand Master Meio. Tyran follement Palpatinien, ce dernier dispose d'une armée super balaise et crèche bien à l'abri dans sa tour à Kazakh City. Compliqué ? Pas si vous restez concentré(e)s.
Est-ce que tu m'entends, Meio ?
Ce n'est pas la première fois que ce scénario se joue. Et les conditions semblent identiques : de l'action à foison et de la plateforme en vue 2D qui ne rechigne pas à un peu de verticalité, le personnage incarné pouvant, à l'aide d'un crochet, se tenir à peu près à tous les murs et plafonds dont il s'approche. Sauf que nous sommes en 2014. Et s'il ne s'agit "que" d'un titre en téléchargement, à prix plutôt doux, les développeurs ont néanmoins pimpé la formule pour essayer de coller aux exigences de notre temps. La réalisation passe à ce que l'on qualifie volontiers de 2,5D. C'est simple, assez épuré et plutôt plaisant. Les différents lieux traversés laissent parler des atmosphères marquées, bien que l'aspect métallique domine grandement. Entre l'arrivée à Kazakh, avec ses bâtiments très Union Soviétique, ses souterrains (métro, égouts...), les usines et les passages plus aériens , on arrive à ne pas rester forcément dans les mêmes tons. Et les arrières-plans, rarement vides, ont toujours quelque chose à raconter. Quant aux ennemis, certes, ils ne sont composés pour la plupart que de modèles identiques de soldats cybernétiques, de drones, de tourelles, de garde d'élite ou de robots maousses. Ils ne sont pas très variés mais n'empêchent pas le plaisir de les découper de rester intact. Cela dit, leurs déclinaisons colorées vont de paire avec un design tout en progressivité.
Kazakh s'étend
La structure a changé. Oubliée la ligne droite à l'ancienne. Le Strider nouveau joue dans la cour des Metroid et autres Shadow Complex. Même si l'on traverse bien des quartiers définis (au nombre de dix, séparés à chaque fois par un temps de chargement pénible), ceux-ci forment un tout, une aire de jeu conséquente qui va s'ouvrir à mesure qu'Hiryu progressera. Pas de points d'expérience à l'horizon, mais des rencontres qui vont lui donner accès à un arsenal plus étoffé. Toutes ces portes qui refusent de s'ouvrir, ces plateformes manifestement inaccessibles, ces sols qui semblent friables mais que l'on arrive pas à exploser, ça ne va pas durer. Très rapidement, on débloque la capacité d'effectuer une glissade qui fait voler en éclat certaines grilles d'aération étroites. Par la suite, on peut charger ses coups, accomplir des piqués meurtriers, lancer des kunai dont l'utilisation reste limitée pour attaquer à distance, invoquer les Options A (des drones protecteurs), B (une panthère) et C (un faucon) pour s'ouvrir d'autres chemins ou frapper plus fort quand nécessaire... Sans oublier le double saut, des Cyphers aux pouvoirs différents (explosif, glacial, pouvant renvoyer les rayons... qui sont plus efficaces face aux ennemis de même couleur), ou encore un dash bien utile pour couvrir encore plus de distance, et ce dans toutes les directions. Dès lors, vous avancerez naturellement dans l'histoire. Et vous pourrez continuer à farfouiller des bonus de vie, d'énergie ou encore des symboles ouvrant vers des challenges, des costumes différents ou des artworks. M'enfin, tout ça, c'est aussi pour faire face à un challenge pas dégueulasse.
Annie, Hiryu, OK ?
Accompagné par des musiques qui ne seront pas pour déplaire aux amoureux de la franchise, vous aurez tendance à foncer et tailler sans trop réfléchir. C'est d'ailleurs fortement suggéré, dès l'arrivée à Kazakh. Courir, sectionner, sauter. Personne ne vous résiste vraiment et la barre de vie, riquiqui, ne s'épuise pas aussi vite qu'elle remonte, grâce à vos kills et les capsules éparpillées un peu partout. Le rythme est effréné. Quand tout à coup, le premier soldat d'élite se pointe. Il se téléporte, il est plutôt rapide... et il fait mal. Y aller comme un bourrin, statique, comptant uniquement sur la rapidité de vos attaques ne vous mènera qu'à la mort. Et donc à un loading casse-bonbons avec retour à un checkpoint pas tout près. L'idée, c'est de voler comme le papillon, faire preuve de patience - ce qui est assez pardoxal - et piquer comme l'abeille. Cela vaut pour les boss et la suite de l'aventure. Des généraux, vous allez en croiser de nombreux. Des petits, des rapides, des gros, des TRÈS gros, des historiques comme le dragon Ouroboros ou le singe Mecha Pon. C'est là que Strider affirme ses racines Arcade, dans ces moments de bonheur (quoique gâchés par des dialogues mal joués en guise d'intro) assez compliqués (tout du moins en difficultés Normal et en Hard), où l'on doit rester en mouvement et analyser les patterns sans faillir. Comme dans des phases de plateforme parfois tendues, seule votre habileté a droit de cité.
Hiryu gonna go my way ?
Et la bonne nouvelle, c'est que notre ami Hiryu ne manque pas de ressources. Vous pouvez évidemment compter sur les bonus évoqués précédemment dans l'optique de vous faciliter la tâche. Surtout, c'est sa vivacité et la précision avec laquelle il répond à vos sollicitations. Aucun problème de maniabilité. On ne manie pas le héros, on le pilote. On le crashe en donnant le coup de stick en trop, en ne bondissant pas convenablement pour éviter une boulette qui tue. Les possibilités en termes de vitesse d'exécution lorsque l'on doit aller frapper à courte portée, en usant ou non de ses pouvoirs tout en anticipant déjà sa fuite, sont extraordinaires. Les enchaînements coulent de source et ne souffrent d'aucune entrave, même quand la caméra s'amuse à zoomer ou à modifier légèrement son angle. Et qu'ils sont beaux à voir, tous ces bonds et ces tranchages ! On se dit alors qu'explorer la carte est évidemment une bonne chose pour la durée de vie (comptez près de cinq heures pour un premier run à la cool), mais qu'au final, le challenge, concentré sur le skill, peut se trouver ailleurs. Notamment dans le besoin d'effectuer, sans bonus ni avantage, un speed run. C'est d'ailleurs au moment où on y songe que l'on s'aperçoit que dans les deux modes supplémentaires, dont on doit dénicher les stages, on trouve ce concept ! Au côté de la Survie, qui consiste à résister le plus longtemps possible à des assauts, il y a la Course d'Orientation qui force à aller d'un checkpoint à un autre en un temps record, les embûches ne manquant pas et les pouvoirs étant distribués avec parcimonie... De quoi compléter idéalement l'offre d'un jeu qui devrait parvenir sans conteste à ravir les acharnés, les fans de la première heure et les novices. Voire davantage.
Ce Strider 2014 me fait penser à Bionic Commando Rearmed dans l'esprit. Une licence ressuscitée grâce au mélange habile entre tradition et modernité. Pas désagréable à l'oeil, bien qu'assez "simple", solide, pointu, nerveux à souhait, défoulant, accusant de très légers accrocs, il a en plus l'avantage de pouvoir s'appréhender de différentes manières. Vous souhaitez speeder d'un objectif à l'autre en comptant uniquement sur votre skill et sans vous soucier d'avoir une jauge de vie complète? C'est possible. Vous comptez prendre votre temps, dépoussiérer chaque coin de la map et disposer de tous les atouts possibles avant le boss final ? C'est possible. Et on peut y retourner avec le même plaisir. D'ailleurs, c'est mon cas. Allez, à plus !