Après des élucubrations plus ou moins réussies dans les domaines de la coopération et du Tower Defense, Ratchet & Clank reviennent à leur épopée futuriste, histoire de conclure cette quadrilogie composée d'Opération Destruction, Quest for Booty, A Crack in Time, et donc de ce Nexus. Pour mémoire, chacun de ces opus avait sensiblement développé la formule en mettant l'accent sur certains de ses ingrédients essentiels, respectivement l'arsenal, le cocktail plate-forme / énigmes et l'exploration tant spatiale que temporelle. Suivant cette démarche, Nexus s'intéresse tout particulièrement à la gravité, ce qui peut propulser la saga jusqu'aux étoiles, comme un tremplin vers la next-gen... mais aussi la ramener brutalement sur la terre ferme, à l'image de sa cote de popularité, en chute libre ces dernières années. Alors, quel avenir se dessine pour nos chers compères ?
Que ceux qui ne connaissent pas Ratchet & Clank ou qui suivent leurs aventures en dilettante se rassurent : il n'y a aucunement besoin d'avoir terminé les précédents épisodes pour se plonger dans Nexus. Non pas que l'on nous gratifie d'un rappel détaillé des évènements ou d'une véritable présentation des personnages lors du prologue ; ce genre d'informations se trouve plutôt vers la fin de cette épopée, comme une sorte de tour d'horizon nostalgique sur cette décennie de pérégrinations intersidérales. Le scénario n'a ainsi qu'un rôle secondaire dans la saga, et Nexus n'en constitue que la lointaine continuité, sans rapport très étroit avec Crack in Time. Cela n'empêche pas cet opus de s'appuyer sur une excellente mise en scène et des dialogues une nouvelle fois pleins d'humour (y compris en version française). La narration se révèle même un tantinet plus élaborée que d'habitude, au travers d'antagonistes moins binaires et par conséquent plus intrigants. Il en émane une atmosphère inquiétante que véhiculent également les principales planètes, chacune semblant hantée par les spectres d'un passé révolu. La désolation de ces paysages essentiellement urbains tranche avec la richesse des décors, malgré un moteur graphique vieillissant. Ce théâtre clair obscur n'en demeure pas moins fascinant, grâce au soin apporté aux éclairages. Seuls les vestiges de la civilisation subsistent encore en ces lieux, à l'exception bien sûr des différents ennemis qui s'y cachent.
Netherverse es-tu là ?
Qu'il s'agisse de la faune locale, des bons vieux Thugs, ou d'autres créatures venues de (très) loin, la méthode pour s'en débarrasser reste la même : de bons gros coups de pétoires, l'usage de la fameuse Super Clé de Ratchet se réservant au menu fretin. Et naturellement, Ratchet & Clank Nexus joue la carte de la surenchère en matière d'arsenal. Celui-ci comporte des armes qui ont déjà fait leurs preuves dans l'art de la destruction massive, à l'image de l'incontournable flingue Combustor, du robot de soutien qu'est Mr Zurkon ou du lance roquette Va-T-En-Guerre, mais il y a aussi des ustensiles flambant neufs. Si quelques uns d'entre eux ressemblent à des déclinaisons d'anciens modèles, d'autres introduisent des façons inédites - et parfois franchement désopilantes - de zigouiller les adversaires. Citons ainsi la Boîte-Cauchemar, dont sortent des revenants et autres gobelins, tandis que l'Hibernator permet de transformer les ennemis en fragiles bonshommes de neige au son d'un chant de Noël. Certaines armes s'inscrivent plus clairement dans la thématique interdimensionnelle de Nexus, comme les attaques fantomatiques des Monstres du Netherverse, ou les Grenades Vortex qui forment une sorte de trou noir. En outre, cet arsenal est toujours évolutif, sachant qu'en plus de gagner en puissance à mesure qu'on les utilise, les armes peuvent bénéficier de diverses améliorations grâce aux cristaux de Raritanium collectés. Avec une telle panoplie de machines de guerre, il va sans dire que les gunfights se montrent plus explosifs que jamais, surtout qu'ils se déroulent davantage dans les airs.
L'appel du vide
On avait déjà la possibilité de jouer avec la gravité depuis longtemps, en grimpant sur les murs ou au plafond grâce au Bottes Gravitationnelles, tout comme les Hoverbottes permettaient de réaliser des bonds gigantesques. Cependant Nexus va plus loin, puisque le Gravita-Harpon autorise des déplacements en apesanteur, souvent synonymes d'énigmes. De même, les phases aux commandes de Clank dans le Netherverse mélangent astucieusement plate-forme et puzzle à travers la manipulation de la gravité, selon un principe qui rappelle beaucoup VVVVVV. Enfin, Ratchet ne tarde pas à obtenir un propulseur dorsal aux perspectives nettement plus ambitieuses que le jet pack d'All 4 One. Cet appareil laisse en effet libre cours à l'exploration de l'environnement, avec d'exaltantes séquences entre ciel et terre à la clef. Dommage qu'à l'instar des séances de casse-tête avec Clank, plus que jamais reléguées au second rôle, ces moments de voltige soient trop rares. Mis à part la planète Thram, qui offre un espace très ouvert voué aux excursions aériennes, l'usage du propulseur est cantonné à des zones restreintes sur les autres planètes, voire totalement interdit. C'est d'autant plus regrettable que les voyages dans l'espace sont désormais représentés par de simples tracés sur une carte, une vraie déconvenue en comparaison des croisières intersidérales régulièrement mouvementées de Crack in Time et de leurs missions annexes. Car il faut se contenter de quatre véritables planètes dans Nexus, les deux autres ne servant qu'aux épreuves dans l'arène des Destructofolies et à refaire les défis de Clank une fois la quête achevée.
Quest for Looty
Or celle-ci dure à peine plus de six heures, soit le double de Quest for Booty, qui est d'ailleurs offert sous forme téléchargeable avec cet opus pour mieux faire passer la pilule. L'idée peut paraître saugrenue d'un point de vue chronologique, pourtant elle se justifie par le penchant affirmé de Quest for Booty pour les énigmes et la plateforme, une approche très complémentaire à celle de Nexus, qui s'oriente globalement vers l'action. S'il ne faut qu'une poignée d'heures supplémentaires pour réunir les boulons dorés et les plans du T.E.L.T. VI, cette sulfateuse outrageusement dévastatrice incarne la quête de puissance qui s'ensuit. Dans le sillage des précédentes itérations, Nexus comporte ainsi un mode défi qui demande autrement plus de doigté que la campagne standard. Il permet en effet d'engranger des montagnes de boulons tant que l'on ne se fait pas malencontreusement toucher, auquel cas le multiplicateur est remis à zéro. Cette course à la performance est d'autant plus intéressante que l'ensemble de cette épopée prend des allures de film à grand spectacle lorsqu'on la revit à toute vitesse. Au delà de la mise en scène décapante et des compositions orchestrales conquérantes de Michael Bross, l'arsenal d'armes volontairement surdimensionnées transforme Nexus en une jubilatoire expérience de destruction massive, qui démontre une fois de plus l'efficacité de la formule. Espérons qu'Insomniac Games pourra la mettre en pratique à plus grande échelle, sur une nouvelle plateforme, sans quoi cet épisode risque de laisser un goût d'inachevé.