Pour certains, qui suivent thatgamecompany depuis ses débuts avec flOw, puis Flower, Journey ne pourra que s'imposer comme la production la plus aboutie de Jenova Chen et sa bande. Pour d'autres, il lui manquera peut-être quelque chose pour égaler Flower. Mais en tout cas, je crois qu'il est impossible de ne pas voir en ce voyage poignant, cette poésie interactive, un titre fascinant. Et, visuellement, peut-être le plus beau jeu de ces dernières années.
Cet article a été initialement publié le 8 mars 2012.
Mise à jour : Après réflexion, de longues heures de discussion, et surtout le passage à notre nouvelle notation qui n'était pas en place à la publication de ce test, nous n'avons pas pu ne pas reconnaître à Journey sont véritable statut de jeu culte. La note a donc été changée en conséquence. L'erreur est humaine !
N'attendez pas de Journey un simple "jeu vidéo". Oui, c'est interactif. Il y a même des mécaniques de jeu plus complexes que dans les précédentes productions du studio, avec une progression du personnage, de l'exploration, des puzzles, et même un soupçon d'infiltration ou de platforming. Mais Journey ne saurait valoir, ni séduire, les joueurs traditionnels par son gameplay. Sa véritable valeur se situe bien ailleurs, et elle est éblouissante à bien des égards.
Passage, solitude, renaissance...
Journey est une poésie vidéoludique. A mon sens, le plus beau jeu que j'aie joué depuis bien longtemps : sa perfection formelle n'a d'égal que la justesse de sa direction artistique. Chaque détail du vent, des grains de sable au scintillement changeant, du dépôt de la neige, des lumières exquises, sonne incroyablement juste. C'est également le cas du ton de l'histoire et de tout ce qui constitue le titre. Dans la peau d'un mystérieux personnage à la silhouette minimaliste, dès la première image, dès la première dune franchie, le joueur n'a qu'une seule obsession, immédiate : atteindre le sommet de cette montagne lumineuse, à l'horizon. Pourtant, bien sûr, comme les précédents titres de ses créateurs, Journey fait l'économie du moindre indice explicite sur les objectifs du voyage qu'il propose, ou même sa raison d'être. De même, en dehors de quelques indications pour apprendre à sauter et planer, et à émettre un cri, rien ne vient perturber les sensations d'une pureté confondante que procure, dès les premiers instants, cette invitation irrésistible à l'exploration. On s'y confronte d'abord seul, puis, très vite, on découvre les premiers mystères de cet univers. Des fresques contant, sans le moindre mot, l'histoire de nos semblables. Des formes de vie étranges, faites d'étoffe. Les pouvoirs de cette étoffe, les glyphes rallongeant l'écharpe du personnage pour qu'il plane plus longtemps. Parfois, si votre console est connectée, d'autres accompagneront vos pas au travers des rigueurs naturelles que vous devrez dompter ou affronter pour progresser vers la lumière. Vous ne saurez leur nom qu'à la toute fin du jeu, et ne pourrez jamais leur parler. Le partage de ce voyage est donc tout aussi singulier que le périple lui-même, et, lui aussi, sonne parfaitement juste. L'histoire est simple, mais puissante ; belle, mais pas démonstrative ; marquante, mais douce. Il n'y a rien à lui reprocher, rien, à par une seule chose : elle est courte. Non pas qu'elle manque de rythme, bien au contraire, ou que l'on puisse considérer excessif le prix qu'on nous demande pour la vivre (13 euros), pas du tout. On reste juste sur sa faim parce qu'après tout juste trois heures dans cette univers avant d'atteindre notre but (en prenant notre temps), on en voudrait deux, trois, quatre fois plus tant ce fut pénétrant et singulier.