Après les succès des versions DS de Final Fantasy, Square Enix a proposé les remakes de Dragon Quest IV en 2008 et de Dragon Quest V en 2009. Dragon Quest VI clôture ces adaptations de la trilogie "zénithienne", qui fait référence au fameux château présent dans les trois aventures. Comme ses prédécesseurs, le jeu Super Nintendo d'origine sort pour la première fois en Europe et offre une nouvelle fois du pur J-RPG de l'âge d'or, en format portable et remis au gout du jour. Mais est-ce que le contenu vaut toujours le détour ? Est-ce que l'univers créé par Yûji Horii et Akira Toriyama en 1995 remporte l'épreuve du temps à l'image d'un Chrono Trigger ?
Avant de se lancer dans ce test, voici quelques conseils pour savourer cet RPG dans des conditions optimales, c'est à dire en se rapprochant le plus possible de l'expérience console salon :
- Une DSi XL
- Un très bon casque, voire un ampli et des enceintes
- Beaucoup, beaucoup de temps
- Des tonnes de junk food
Histoire d'un gluant : Volume 6
Dès le début du jeu, le jeune héros de 17 ans se retrouve déjà presque devant la fin de sa quête... Avec ses deux compagnons, il doit anéantir Meurtor (Muda à l'origine) une bonne fois pour toutes. Mais le monstre malicieux tend une embuscade au trio juste avant que notre aventurier ne se réveille en sursaut dans son lit... étais-ce juste un cauchemar ? Comme son titre le suggère déjà, Dragon Quest VI ne propose pas qu'un seul monde mais deux : le monde réel et le royaume des songes. Découvrir lequel des deux est vraiment réel et l'importance du rôle que l'on y joue représente tout l'intérêt de l'aventure de ce DraQue. Une chose est sûre : ces deux mondes sont inter-connectés, et les actions que l'on effectue dans l'un ont une conséquence dans l'autre, à l'image d'un Link To The Past. Au début du jeu, on n'existe d'ailleurs en chair et en os que dans un des deux mondes, pendant que l'on erre dans l'autre sous la forme d'un fantôme translucide. Même le passage d'un monde à l'autre est assez laborieux, au début, et se fait au travers de puits et d'abîmes mystérieuses.
Plus tard dans la quête, on peut passer entre songe et réalité à tout moment, prendre corps dans les deux mondes et libérer de leur malédiction d'autres camarades au destin lié. Le concept d'un monde sorti de ses gonds, que l'on doit sauver sur plusieurs niveaux et remettre sur le droit chemin, tout en se rapprochant de son propre passé, est toujours une recette qui marche. Du point de vue purement narratif en revanche, cette aventure épique reste plate et ne se démarque pas de ses deux prédécesseurs. Malgré des rebondissements parfois surprenants, ou même rigolos (oui, l'humour à la Dragon Quest réserve des grands moments de WTF), l'histoire se tire en longueur. Dans la même lignée, les personnages ne s'avèrent pas particulièrement profonds, à commencer par le héros lui-même, encore une fois tout droit sorti d'un film muet.
Échappées belles et obstacles
Heureusement, à l'instar du cinquième volet, la fluidité du jeu est au rendez-vous. Les heures passées à errer et à grinder sans intérêt ne sont plus que des mauvais souvenirs de Dragon Quest IV. Du coup, on vagabonde d'un endroit à un autre sans trop de passages à vide, on avance dans la quête principale et annexes tout en découvrant au fur et a mesure les maps des 2 mondes, afin de percer leurs mystères et les liens qu'ils entretiennent. On commence à pied, mais comme tout J-RPG qui se respecte, on va pouvoir utiliser des moyens de locomotion plus classieux comme des bateaux ou des tapis volants, ce qui non seulement est un gagne-temps mais permet avant tout de débloquer des endroits autrement inaccessibles. Les endroits déjà découverts peuvent être revisités en un tour de main via la magie de la téléportation.
Bien qu'on parle ici de Dragon Quest, symbole du RPG accessible au commun des mortels, le système de sauvegardes peut s'avérer fastidieux, car on échappe pas à la tradition du passage obligé dans les églises (qui se trouvent exclusivement dans les villes et villages bien sûr). Inutile d'essayer de sauvegarder sur la map. Si après vous être difficilement frayé un chemin à travers un donjon infesté de monstres, vous vous faites fataliser lors du combat de boss (Meurdor par exemple, pour ne pas le citer), eh bien vous serez obligé de vous coltiner tout le donjon à nouveau. En même temps, on parle de J-RPG oldschool ici. Il n'y a d'ailleurs pas de carte pour les donjons, et la fonction qui permet de faire pivoter la caméra à l'aide des touches L et R pour donner plus de visibilité n'est plus disponible pendant vos sessions de crawling.
Un gluant aux trousses
Les combats au tour par tour sont rarement longs et se laissent automatiser à l'aide du choix de tactique appliquée à vos compagnons. Les adversaires les plus faibles peuvent être évités à l'aide de fioles d'eau sacrée, mais la fréquence globale des rencontres aléatoires est très élevée et agace souvent, quand on veut par exemple simplement récupérer un coffre à l'autre bout d'un donjon. Encore une fois, il s'agit d'un RPG à l'ancienne, donc une certaine monotonie et lassitude peut s'installer pour les novices du genre. Les habitués retrouveront tous les ingrédients classiques du combat au tour par tour, avec le choix de l'attaque à l'arme ou avec la magie, l'utilisation des items ou la défense. A chaque tour vous aurez également la possibilité de prendre la fuite, ainsi que de changer la disposition de votre groupe et son équipement. N'oublions pas non plus le style vestimentaire, qui peut impressionner les ennemies et les faire fuir. Ainsi, on pourra préférer porter des fringues quelque peu loufoques et faibles en défense, plutôt que de lourdes armures chevaleresques...
Une carrière sur mesure
Il y a 20 ans, la série introduisait le job system avec Dragon Quest III, c'est à dire des classes qu'on peut attribuer à un personnage afin qu'il developpe des capacités spécifiques. L'abbaye des vocations offre ainsi la possibilité de devenir Guerrier, Mage, Prêtre, Voleur, Danseur, Marchand, etc. En changeant de vocation, on garde les capacités acquises et on peut les cumuler avec d'autres. Les professions avancées telles que Paladin, Armagicien, Gladiateur, etc., demandent à ce titre une maîtrise préalable des professions standards. A noter aussi qu'on peut changer de vocation à n'importe quel moment, sans en perdre la progression, puis y revenir afin de continuer sa carrière. On regrettera tout de même un manque d'explication du fonctionnement des classes, certes ça fait partie du jeu de chercher les combinaisons possibles, mais quelques indices stratégiques comme dans Dragon Quest IX auraient été chaudement appréciés.
Le temps c'est du gluant
de Karl Baudeglaire
S'ajoute à cela la possibilité de collectionner les mini-médailles éparpillées aux quatre coins des royaumes, de tenter sa chance au casino ou même de participer aux concours de style. Via le Wi-Fi, on peut échanger des cartes de visite virtuelles ou élever des gluants et les faire affronter entre eux. Les amateurs de mini-jeu débiles seront également heureux de constater la présence d'un jeu curling au stylet (le seul moment du jeu ou vous allez le dégainer d'ailleurs), permettant de récupérer des items sur les différentes aires de jeu.
Le double écran, lui, est bien utilisé et permet, au-delà d'une double fenêtre sur les décors 3D, d'afficher la map, les marchandises des magasins, les options de combat et autres menus fort pratiques. Encore une fois avec cet épisode, la localisation française est de très bonne facture. Elle essaye par le ton, le registre et le jeux de mots de donner du charisme aux personnages. En ce qui concerne le son, on pourra regretter le choix de ne pas proposer de digits pour ce remake, et à part le thème principal, les compositions de Koichi Sugiyama, tout en étant fort sympathiques, sont souvent trop spartiates et peuvent finir par taper sur le système... on est quand même loin de la variété et de la richesse musicale d'un Final Fantasy VI. Graphiquement, il n'y a rien à redire puisque la refonte présente des sprites assez fins, agrémentés d'une belle palette de couleurs pour les standards de la DS. On pourrait peut-être juste reprocher la quasi absence de scènes intermédiaires (comme dans le remake de Chrono Trigger), qui auraient donné plus présence à l'histoire et plus d'atmosphère à un univers parfois trop terne et austère.
Dragon Quest VI : Le Royaume des Songes fait partie des grands RPG incontournables sur DS, mais c'était déjà le cas il y a 16 ans sur Super Famicom. Avec ses nombreuses quêtes annexes, deux mondes immenses à découvrir, un système de combat solide et des tactiques variées, il vous faudra bien entre 40 et 60 heures de jeu pour en venir à bout. Ceci dit, cette nouvelle mouture reste tout aussi avide en aide et indices, et il peut arriver de rester bloqué de temps à autres. Un tour complet des NPC d'un village s'imposera souvent pour trouver le petit indice qui vous permettra d'avancer. Il faudra aussi investir quelques heures de jeu et faire de nombreux aller-retours avant d'être à l'aise et de prendre ses repères dans ce monde gigantesque... Mais une fois pris dans l'histoire, on n'échappe plus au côté épique de ce monument du RPG japonais.