OK, calmos. Pas besoin de me sauter à la gorge façon lycanthrope. Oui, Dragon Age II ne brillera pas du plein éclat délivré par quelques étoiles de plus et non, le titre de cette critique n'est pas seulement une provocation ou une formule bidon (quoique...). Durant tout mon périple dans les artères de la cité Kirkwall et au-delà, une phrase revenait constamment dans mon esprit : "c'est bête ça...". Vous savez, cette expression qu'on rajoute à la fin de ses phrases, quand un pote nous rend visite et qu'on est à court de bières. Cette expression qu'on utilise quand ce même pote débarque en soirée, sans avoir pris le temps de passer un coup de fil à sa copine célibataire, bien gaulée et complètement décomplexée... Bref, le "c'est bête ça..." dans le sens de "c'est dommage" revient constamment dans Dragon Age II, ce qui implique de fait des défauts mais également certaines qualités.
Les versions étant équivalentes, les tests le sont également.
Dragon Age premier du nom, avait su convaincre PCistes aussi bien que consoleux dans notre charmante rédac'. Même si pas mal de défauts étaient relevés par notre spécialiste casa du jeu de rôle à l'occidentale, j'ai nommé notre webmaster du 666ème pallier de l'enfer, MisterP, le titre dans son ensemble s'en était tiré avec les honneurs. La deuxième itération de ce Dragon Age devrait donc en toute logique corriger les défauts de l'aîné et faire passer l'aventure à un niveau supérieur... Question : vous avez vu Conan le Destructeur, la suite de Conan le Barbare ? Dans ce cas, vous voyez peut-être où je veux en venir...
Clando-mage mais clando quand même
Tout d'abord, situons l'histoire de ce nouvel épisode de Dragon Age : vous incarnez un humain (fini le choix de la race et des origines de votre avatar, comme cela était possible dans le premier...), dont vous devrez décider de la classe : voleur, guerrier ou mage. Selon ce choix, votre manière de jouer sera distincte, tout comme vos compétences au fil du jeu. Pas besoin de vous ré-expliquer les bases du genre RPG. Si l'on vous laisse le choix de votre prénom, de votre sexe et de votre apparence (une belle et un beau gosse sont vos modèles par défaut), le nom de famille sera obligatoirement "Hawke". En effet, c'est la destinée de votre personnage qui vous sera littéralement contée, par un copain nain (et glabre) du nom de Varric, qui aura suivi votre héros dans ses hauts faits. Bon, à mon sens, mieux vaut prendre un garçon, vous pourrez ainsi le baptiser Thomas et ainsi rigololer, seul, devant votre écran. C'est toujours ça de pris.
Une histoire de famille...
La destinée de ce héros, comme dans toute bonne histoire, commence par un sacré bouleversement : l'Enclin, la racaille démoniaque qui terrorise les campagnes (ailleurs on appellerait ça les troupes du Mordor...) a mis à feu et à sang le bled du gus. Du coup, avec sa mère sur le dos et accompagné par sa soeur et son frère, notre personnage va devoir trouver refuge dans la citadelle du coin, la mégalopole heroico-fantaisiste de Kirkwall. Bon, sur le chemin, un ogre massif va casser en deux le petit frère et notre héros ne devra son salut et celui des ses proches qu'au secours de Flemeth, une sorcière polymorphe dragon déjà apparue dans le premier épisode mais dont on ne sait pas si elle est de droite. Vous le découvrirez au fur et à mesure de l'intrigue. Quant aux partouzes... n'espérez pas toucher quelqu'un avant plusieurs heures de jeu (beaucoup !), la meuf avec qui vous aurez le plus d'affinités dès le début étant... votre soeur. "C'est bête ca..."
Kirwall, Sangatte de l'heroic fantasy
C'est donc à la porte de Kirkwall que vous irez gratter... Bah ouais, parce que comme dans la vraie vie, même si l'on est médecin ou professeur, on est d'abord un clandestin. Dans Dragon Age II, le fait d'être un mage ou un guerrier ténébreux n'arrange donc pas non plus les choses. Par contre, tout comme dans la vraie vie, des passe-droits existent... Ainsi, vous ne resterez pas dehors comme les pauvres ploucs qui ont comme vous, tout perdu. Vous pourrez vous installer à Kirkwall, grâce à votre oncle. Le seul bémol, c'est que ce vieux rat a dilapidé l'héritage familial (vos ancêtres sont nobles à l'origine) et vous vous retrouvez à vivre comme des romanichels. Que nenni ! Vous prenez le parti de redorer le blason de votre famille et pour ça, vous allez jouer de votre épée !
Kirkwall : ses boutiques, ses monuments, ses otoctones...
Kirkwall, le principal lieu de votre aventure, c'est la cour des miracles qui côtoie la noblesse aisée. La ville est en effet partagée en plusieurs zones, les temps de chargement se faisant d'ailleurs sentir entre deux... Car si, comme nous l'avons explicité, l'aspect narratif du jeu est plutôt fouillé, techniquement il a quelques lacunes. Graphiquement déjà. Si le titre est plus léché que son aîné, aucune claque graphique à l'horizon. On notera tout de même qu'à la différence du précédent, versions PS3 et 360 sont désormais plus proches. Le tout est plutôt propre mais on ne peut s'empêcher de comparer l'aspect de ce Dragon Age II à celui de son cousin de l'espace, Mass Effect 2. Sur ce point, l'épopée du Commandant Shepard est supérieure. Certes, certains décors, les bâtiments, sont travaillés, en imposent, mais dès lors que l'on s'attarde sur les PNJ, on passe du très correct au moyen. Les personnages qui composeront votre équipe sont bien sûr plus soignés que la moyenne mais ceux-ci manquent cruellement de charisme. Techniquement, quelques bugs et quelques ralentissements sont également présents. Même si ceux-ci ne sont pas si fréquents et que les productions actuelles de tout poil n'y échappent pas, on ne peut s'empêcher de se dire que cela est dommageable, principalement pour un facteur primordial du titre : l'immersion. Car Dragon Age II possède un univers et un scénario vraiment travaillés mais malheureusement ils souffrent de sa technique. Les quêtes que nous proposent les différents PNJ ont beau être aussi bien écrites que possible, si l'animation, le doublage (intégralement en français), de ceux qui nous soumettent leurs requêtes, semblent en deçà, le charme ne fonctionne tout simplement pas. "C'est bête ça".
Une ville pleine d'opportunités
Et des missions, rassurez-vous, il y en a un paquet ! Si certaines font avancer l'intrigue principale, nombreuses sont celles qui sont simplement annexes. Certaines prendront place dans l'enceinte de la ville, d'autres en dehors, dans des contrées inhospitalières. Si le dirigisme et le manque de liberté s'inscrivent bien dans la narration et ne sont donc pas si dérangeants dans la cité, pour les missions en extérieur, c'est une autre histoire. Les montagnes, les grottes, sont des zones mais aussi des couloirs... Point A, point B, vous connaissez la formule. Cela ne veut pas dire que l'on ne s'amuse pas à les explorer mais la frustration est tout de même grande. Dragon Age II a pour ambition de développer une historie foisonnante, où une certaine liberté dans vos choix guidera vos pas, mais malheureusement cette ambition est engoncée dans une mécanique de jeu dirigiste.
L'appel du combat
Evidemment, il est plus simple de raconter une histoire quand celle-ci est plus ou moins dans des rails. Et comme BioWare l'a fait avec Mass Effect, Dragon Age se simplifie, donne la part belle à l'action dans ses phases de combat. Toujours pas de vue éloignée dans cette version console et pourtant le titre fait bien souvent penser à un hack'n'slash. Le fait que BioWare veuille faire de ce Dragon Age II un jeu plus orienté action n'est pas un mal en soi, mais le problème c'est que le joueur y perd au change. Concrètement, chacun de nos personnages possède six slots auxquels attribuer des pouvoirs, des actions (coup de bouclier, magie de feu, objet explosif, etc.), chacun selon leur classe. On peut toujours mettre le jeu en pause durant les phases de combat, pour décider qui fait quoi, mais finalement, cette option permet d'établir une respiration dans l'action frénétique, plutôt que d'établir de réelles stratégies. En effet, il est toujours impossible "d'empiler" les sorts, les actions, pour ainsi donner une véritable direction à ses combats. Du coup, vu que mener un combat où on mettrait le jeu en pause dès qu'un mercenaire adverse bouge l'oreille n'est pas des plus ludiques, on s'acharne souvent en fonçant dans le tas. La plupart du temps, ça marche. Cependant, il faudra tout de même avoir configuré avec soin le comportement de ses équipiers pour éviter de se faire rétamer par le premier sorcier venu. Ce système est au point et même s'il peut paraître impressionnant et rébarbatif de prime abord, il est finalement assez simple. En gros, chaque action est prédéfinie : le mage soignera tout personnage dont la barre de vie flirte dangereusement avec les 25 %, tel guerrier saura qu'il doit poursuivre sans relâche les ennemis, alors que notre voleur se téléportera pour porter renfort à un allié encerclé. L'intelligence de nos coéquipiers est plutôt bonne et si l'on peste, ce sera contre nos choix initiaux. Mais ces coéquipiers justement, qui sont-ils ?
Une équipe Elfe-Nain-Humain
S'il fallait encore le démontrer, l'interracial est une chose formidable. Dragon Age II le prône haut et fort avec une équipe qui pourra être composée d'un nain voleur et adroit à l'arbalète, d'une mage humaine, belle et puissante, d'une elfe qui donne littéralement son sang pour invoquer les forces de l'immatériel, d'une ancienne pirate piquante et diablement attirante ou encore d'un apostat qui n'est pas vraiment seul dans son corps. Evidemment, il sera possible d'entretenir des relations plus ou moins poussées avec tous ces membres, une jauge déterminant votre degré d'amitié ou de rivalité avec ces personnages. Evidemment, si vos affinités avec ces personnages détermineront si oui ou non vous vous imbriquerez l'un dans l'autre à un moment donné, elles définissent également l'évolution de ces personnages. Selon qu'un personnage est votre ami ou votre rival, il pourra accéder à certaines capacités dans son arbre de compétences. De manière classique, ces compétences sont à débloquer avec des points qui vous sont donnés à chaque fois que vous augmentez de niveau. Vous pourrez ainsi faire de votre mage, par exemple, plutôt un soigneur ou plutôt un ouf des magies noires, et de votre guerrier, une sorte de paladin ou un berserker. Au niveau des équipements, l'inventaire est toujours aussi riche et c'est toujours un plaisir de voir nos personnages revêtir de grosses armures, de nouveaux boucliers, manier de nouveaux bâtons magiques.
Le Diable se cache dans les détails
Finalement, on arrive à trouver bien des qualités à ce Dragon Age II mais à chaque fois, il y a un "mais". Par exemple, on ne le dira jamais assez, l'univers du titre est très riche, comme le prouvent toutes les informations que l'on peut récupérer dans notre codex. Mais encore une fois, on est confronté à un souci de mise en forme. On sait que la voix-off présente dans Mass Effect pour nous lire les différents éléments encyclopédiques disponibles sur les diverses planètes, les diverses créatures, est quelque chose d'extraordinaire. Si on espérait pas le même soin pour ce Dragon Age II (quoique...), un peu moins d'austérité n'aurait pas fait de mal. Les documents à collecter qui racontent un tas de choses sur l'histoire générale du titre, ne possèdent pas même une illustration pour donner au joueur l'envie de se plonger complètement dans l'univers, pourtant tellement riche, du jeu. Globalement, c'est aussi ce manque de soin qui entache l'expérience Dragon Age II : quelques bugs, des problèmes de textures, des animations souvent trop mécaniques et des interactions avec les PNJ qui ressemblent désormais totalement à celles de Mass Effect. On simplifie, on ne peaufine pas et "ça, c'est bête".
Vous l'aurez compris, ce Dragon Age II est globalement décevant mais je vous l'avoue, c'est un vrai casse-tête d'en parler en mal. Pourquoi ? Parce que Dragon Age II possède un univers extrêmement riche, un contenu immense et demeure très divertissant malgré ses écueils. Cependant, on espérait que même en s'orientant vers l'action (un choix très contestable pour de nombreux joueurs), ce nouveau titre saurait transcender la formule originale. Ce n'est malheureusement pas le cas, certains défauts du premier épisode étant toujours bien présents. Si graphiquement le titre est plus joli, la technique dessert toujours l'immersion dans l'intrigue. Et comme en plus, certains éléments (le choix de la race) ont été amputés... Dragon Age II demeure une belle aventure mais encore une fois, je vous le dis : "c'est bête ça...".