Deux ans. Deux années de silence assourdissant. L'espace étouffe les sons, avale les peurs. Dead Space m'aura fait hurler... de peur, comme de bonheur. La renaissance d'un genre qui se cherchait depuis quelques années. Le survival/horror dans tout ce qu'il possède de nerveux, d'instinctif, de viscéral, d'effrayant, de gore, d'efficace. Une démonstration qui n'aura pourtant pas connu le succès commercial qu'il aurait mérité. Deux ans se sont écoulés. Aujourd'hui, l'océan d'horreur effectue son grand retour. Les Nécromorphs, l'Uniotologie, le Monolithe, Isaac Clarke... ils sont de retour. Pour le pire pour eux, le meilleur pour nous !
Les versions étant similaires, les tests le sont aussi.
La passion étourdit parfois les sens. Les souvenirs du passé, lorsqu'ils sont placés face à une nouvelle itération, peuvent parfois déformer la réalité. Combien souffrent du syndrome "c'était mieux avant" ? Combien ne parviennent à s'extraire de leurs (bons) souvenirs passés pour appréhender avec honnêteté la nouveauté ? Dead Space avait saisi et séduit les joueurs par sa fraîcheur, son cadre spatial inédit pour le Survival, son gameplay rôdé, nerveux et sa science du rythme. Combien d'entre vous craignaient que, pour se donner cette fois-ci les chances de la réussite, sa suite opte pour une formule plus directe, plus axée sur l'action, sur l'hémoglobine et la surenchère ? Je le confesse, j'en faisais partie et j'avoue que les différentes présentations auxquelles j'avais assisté avaient contribué à nourrir mes doutes. Et j'ai réhabitué mes yeux à l'obscurité. J'ai retrouvé Isaac. Un homme au cerveau abîmé, aux souvenirs martyrisés. Les flashbacks sont fréquents. Soudains. Violents. Un homme qui avance désormais à visage découvert et dont la voix se fera entendre, claire et vive. On pouvait craindre que cela ôte un peu de magie, de mystère au héros. Il n'en est finalement rien. L'histoire gagnant même en profondeur. Isaac est donc là. Pas vraiment homme de la situation (il est toujours simple ingénieur), chahuté, effrayé. A l'image du joueur. Première satisfaction, dans ce nouvel épisode, notre héros ne s'est pas transformé en inexorable machine de guerre. Il reste avant tout un homme. Un homme dont le coeur saigne...
De la vie dans la mort
Adieu l'USG Ishimura. Fini le vaisseau à la dérive, errant dans l'espace. Place à l'imposante station de la Méduse placée sur Titan, lune de Saturne. Et croyez-moi, l'impact de ce changement de lieu est d'importance. Cette base spatiale permet ainsi à Dead Space 2 de proposer des environnements infiniment plus variés. A la succession de couloirs du premier opus, cet épisode répond centre commercial, église, aérogare, poste de commandement, quartiers généraux... N'oublions pas non plus qu'avant d'être balafrée par les assauts des Necromorphs, la station abritait des milliers de personnes. Il y avait de la vie ici. Et il en demeure quelques traces. Un léger frisson vous parcourt alors lorsque, à certains moments, vous ressentez presque une ambiance de bateau ivre à la BioShock. Une variété de lieux couplée à une explosion des situations rencontrées, voilà le cocktail offrant un évident supplément d'âme à l'aventure.
Claustrophobie mon amie ?
Dans cette première partie de critique, j'aurai néanmoins un double bémol à adresser. Le premier concernerait les séquences en zéro G et les passages dans l'espace. Deux moments cultes qui avaient forgé la légende de Dead Space premier du nom. Comprenons-nous bien, elles ont été améliorées dans cette suite. Mais ce qu'elles offrent en liberté supplémentaire et en prise en main assouplie (désormais vous vous déplacez naturellement grâce à des mini-réacteurs), elles le reprennent en tension, stress et absence d'oxygène. Définitivement, je ne saurais trop conseiller aux amateurs du premier volet de s'essayer à Dead Space 2 directement en Difficile et non en Normal. Un mode sensiblement plus aisé que dans l'original (plus de munitions, de soin, d'air). C'est d'ailleurs de cette constatation que résulte le second bémol. L'aspect claustrophobique se révèle un zeste moins présent. Le fait qu'Isaac parle, que le scénario soit plus présent, joue aussi forcément. Par essence, il s'agira d'une sensation subjective. Chaque joueur ne sera pas égal face à ce constat, mais il plâne. Pas comme une menace, mais comme un léger nuage. Heureusement, la seconde partie de l'aventure tend à retrouver les fondamentaux de solitude du premier (avec une superbe surprise pour les fans de l'épisode fondateur), mais oui, la peur se fera un soupçon plus directe et moins psychologique que dans le précédent. Vous êtes prévenus.
La science des cauchemars
Pour autant combien de séquences cultes abrite cet épisode ? Beaucoup ! Un tram infernal, un émouvant retour, un décollage, un black-out total, des oiseaux, un assaut et un oeil sont celles qui me viennent directement en tête. Elles m'ont marqué. Le rythme de l'aventure fait beaucoup aussi dans la profondeur de la trace laissée. Dead Space 2 ne délaie pas la sauce. Finis les allers-retours. Finis les temps de chargements dans le tram (désormais le jeu charge sans que vous vous en rendiez compte pendant les courts passages en ascenseur). Pas de boss à proprement parler, mais plutôt des rencontres majeures bien intégrées au flot de l'aventure. Des nouveaux ennemis qui courent à toute berzingue, des hordes d'enfants démons qui hurlent, de grands échalas putréfiés vous vomissant au visage... qu'est-ce que Dead Space 2 est violent, gore, repoussant, stressant avec son bruit infernal, ses éclairs, sa douleur ! Et qu'est-ce qu'on aime ça lorsqu'on est amateur de survival/horror ! Car oui, vous allez avoir peur. Souvent. Et de manière parfois originale. L'aventure n'oublie pas de vous laisser seul, hagard, laissant la tension monter... sans rien montrer. De salutaires moments de vide avant la tempête macabre. Mais je préfère vous laisser découvrir cela par vous même. Notez aussi que l'aventure se montre sensiblement plus longue (comptez un peu plus d'une dizaine d'heures en prenant son temps en Normal). En terme de gameplay, les bases restent fortes, modernes. On tire en mouvement constant, on recharge son énergie à la volée, on peut déposer des accessoires trop encombrant. En clair jamais la prise en main ne frustre. Vous faites rapidement corps avec le héros. Sans compter que l'utilisation de la Stase et des pouvoirs télékinésiques a été améliorée. La Stase devient cruciale pour ralentir les hordes d'ennemis plus nombreux que jamais, tandis qu'il est désormais possible de récupérer des éléments du décor comme des pieux pour les projeter contre vos adversaires, en les empalant contre les murs. Brutal et efficace. Appréciable aussi le fait qu'il est parfois possible de faire exploser des fenêtres de la station, créant ainsi un gigantesque appel d'air. Résultat, toutes les créatures sont happées et aspirées dans l'espace... vous aussi, sauf si vous parvenez à déclencher la fermeture d'urgence. Des séquences tactiques et tendues souvent réussies in-extremis. Autant de petits raffinements qui permettent de densifier encore l'expérience de jeu. Au point que, je n'ai pas peur de le dire, Dead Space 2 s'impose clairement comme le nouveau maître-étalon du genre.
Partagez l'effroi
N'oublions pas l'arrivée d'un mode multijoueurs. Véritable passage obligé des titres dits AAA d'aujourd'hui, cet aspect inédit pour la série n'a clairement pas été développé au détriment du solo. Visceral Games l'a voulu annexe à la campagne solo, et c'est tant mieux ainsi. Pas de coopératif intégré à l'histoire donc, comme dans un Resident Evil 5 bancal, mais plutôt des affrontements en équipe, 4 contre 4 (sur 5 cartes). D'un côté les humains, de l'autre les Necromorphs. Et à chaque tour on change. Avantage, à l'image du bon multi d'Assassin's Creed : Brotherhood, la patience et la fourberie priment sur le grand rush. Ici on avance minutieusement, on tend des pièges à ses ennemis. Intelligemment pensé et correctement réalisé, il ne s'impose clairement pas comme un multi d'exception mais apporte un supplément agréable à l'aventure principale.
D'ailleurs, puisque j'évoque les aspects annexes, vous noterez que la version Xbox 360 tient sur 2 DVD, là où la version PS3 occupe un seul Blu-ray. Les possesseurs de la console de Sony auront aussi la possibilité de s'essayer, en exclusivité sur plate-forme HD, à Dead Space Extraction... version HDisée de l'épisode Wii sorti en 2009. Les nouveautés ? Des textures plus fines et la possibilité d'y jouer à deux. Un titre dispo dans la version PS3 Collector, ou en téléchargement sur le PSN. Un jeu qui vous permettra d'en apprendre plus sur la mythologie générale de l'univers Dead Space, sans pour autant bouleverser le petit monde des rail shooters.
A l'heure de vous laisser choisir la destinée d'Isaac Clarke, le constat est évident : tous les secteurs de jeu ont été boostés. Une réalisation visuelle à tomber par terre (au secours les jeux d'éclairage dynamiques), un rythme trépidant sachant marier moments de tension intense et calme avant la tempête, une mise en scène magnifiée pour un ressenti plus épique, un gameplay affiné dans tous les secteurs de jeu, une histoire plus personnelle... Et là où Dead Space 2 impressionne, c'est en parvenant à digérer ce magma de surenchère en gardant sa vérité, son âme. Jamais dénaturé. Plus qu'une confirmation, ce Dead Space 2 envoie un signal clair aux joueurs : une grande série vient de naître ! Espérons qu'il connaisse enfin la consécration qu'il mérite...