Quand on me demande ce que j'aime tant dans les jeux vidéo, je ne sais jamais exactement quoi répondre, comment résumer tout ça... Mais souvent je réponds simplement que j'adore qu'on me raconte des histoires. Que j'adore les embrasser et les vivre. Voyager. C'est d'une banalité sans nom, peut-être, mais en même temps c'est souvent ce qu'on fait le moins bien dans les jeux vidéo. C'est souvent l'aspect le plus négligé en tout cas. La qualité première de Heavy Rain, c'est ainsi d'avoir su faire les efforts, les choix et les concessions pour servir un propos et une narration ; de s'être donné les moyens de le faire d'une manière complètement nouvelle et audacieuse aussi.

Le polar dont vous êtes le(s) héros

Depuis que j'ai pu poser la main sur la version finale du jeu, tout le monde vient à moi pour me poser la même question : "c'est quoi Heavy Rain, qu'est-ce qu'on y fait exactement ?". Pour parler concrètement, donc, il s'agit d'un film interactif dans lequel on peut bien sûr déplacer les personnages à l'écran, mais où toute action et toute interaction est gérée via des commandes simples qui apparaissent à l'écran (un bouton, une combinaison, un mouvement de stick, etc.). Scènes d'investigation ou d'action se déroulent ainsi, laissant au jeu tout le loisir d'offrir en permanence des graphismes, des animations et des cadrages qui rapprochent comme jamais le jeu vidéo du cinéma. Mais Heavy Rain use bien sûr aussi de quelques éléments que seul le jeu vidéo est capable de proposer...

Ainsi, si l'histoire sera bien sûr la même pour tous au départ, elle pourra prendre différentes tournures chez chacun d'entre nous, grâce à des embranchements qui seront dictés par les choix du joueur (et par ses réflexes aussi, parfois). Ces embranchements changeront plus ou moins le cours de l'aventure, jusqu'à faire mourir un ou plusieurs des quatre personnages qu'on incarne... et sans jamais qu'un "game over" ne survienne : l'histoire suivra son cours quoi qu'il arrive, jusqu'à une fin qui pourra changer du tout au tout selon vos choix et actions. Côté gameplay pur, ne vous attendez pas à vous triturer l'esprit pour trouver la solution à une énigme classique, mais plutôt pour prendre des décisions, faire des choix cruciaux et "impactants" pour la suite des événements. Les scènes de dialogues sont donc assez nombreuses, les phases d'action aussi, et seuls les chapitres dans la peau de Norman Jayden (le profiler du FBI qui enquête grâce à ses lunettes de réalité augmentée) offrent finalement des mécaniques de jeu bien particulières.

Plongée en eaux troubles

Ce que je peux moins vous expliquer concrètement, c'est ce que l'on ressent en jouant à Heavy Rain... et c'est pourtant le point essentiel de l'expérience ! Parmi les grandes réussites du jeu de Quantic Dream, il est en effet important de noter que, dès le stade de l'écriture, l'aventure a été parfaitement bichonnée. C'est à David Cage que l'on doit cet aspect primordial, et il a fait un boulot simplement épatant. La nature même du déroulement du jeu, avec tous ses embranchements, vous le prouvera quand vous l'aurez bouclé un première fois, et que vous vous amuserez à revenir en arrière pour relever les évidences que vous aviez laissé passer, à tenter d'autres choix... à changer le cours de votre première histoire, en définitive. Je n'ose imaginer le casse-tête que cela a pu représenter d'écrire tout cela ! Impressionnant.

Mais revenons au ressenti : Heavy Rain c'est une histoire aux dénouements multiples bien ficelée, mais c'est aussi un univers et des personnages crédibles, cohérents et marquants. Chacun des protagonistes repose sur un background solide (qu'on découvrira d'ailleurs dans une série de "prequels" en DLC), qui les humanise vraiment. Le père que je suis s'est notamment ému à plusieurs reprises du tragique destin d'Ethan, le personnage principal, de sa lourde déprime et des épreuves qu'il doit affronter. Certaines situations, certains choix à faire - pour des banalités comme pour des moments-clefs - m'ont littéralement interpellé. Ils m'ont même ramené à moi même, à ma vie et mes aspirations... Le genre de sentiments que les jeux vidéo font rarement passer, vous en conviendrez. Plus globalement, la réalisation graphique impeccable, le travail artistique sur chaque scène, le soin apporté aux différents cadrages et bien sûr les musiques, superbes, participent eux aussi à créer une atmosphère incroyablement envoûtante. De celles qui restent longtemps en vous après en avoir fini avec le jeu... C'est un de ces signes qui ne trompent pas.

Origasmique !

De par sa nature même, son gameplay et ses choix, Heavy Rain est donc une espèce d'OVNI vidéoludique qui a beaucoup fait parler et qui fera certainement parler encore longtemps. Il remet certaines choses en question, des traditions chères aux gamers, mais il a surtout le talent de faire avancer le média jeu vidéo et de proposer une expérience vraiment nouvelle. C'est d'ailleurs avec ce genre d'expérience, où la narration et l'émotion prennent enfin toute la place qu'elles méritent, qu'on sent le jeu vidéo atteindre une certaine maturité, offrir de nouvelles pistes... Ce n'est pas le premier jeu à me toucher autant pour ces raisons - quelques colosses sont notamment déjà passés par là - mais il explore encore d'autres voies qui me font tout autant vibrer et garder ma passion intacte... On a encore tant de belles choses à voir et à vivre avec nos consoles, et ça fait tellement de bien quand on en a la démonstration !

Résumer Heavy Rain en vous expliquant simplement son fonctionnement ne rimerait pas à grand chose ; tenter de vous en convaincre en vous contant des moments forts de ma version de l'histoire vous gâcherait la vôtre... Ce qui est certain, c'est que vous en sortirez avec un avis tranché. C'est probablement le genre de jeu qu'on adore ou qu'on déteste, mais sur lequel on veut toujours avoir un avis ! Personnellement, j'en ressors avec des images, des ambiances et des scènes cultes plein la tête. J'en ressors surtout avec l'impression de m'être complètement approprié l'histoire de ce polar interactif, si brillamment écrite et mise en scène. Bref, un moment fort, gamer ou pas, qui passionne par la narration et marque par les émotions.


Découvrez le Blog VIP de David Cage, père de Heavy Rain, afin de tout savoir sur les secrets de conception du titre.