L'ultime titre des studios Pandemic (qui ont fermé leurs portes il y a peu...) traite de l'occupation durant la seconde guerre mondiale sous la forme d'un jeu bac à sable, qui mélange un soupçon de GTA et d'Assassin's Creed dans une capitale française (et ses régions) caricaturée(s). Alors, (le) Paris est-il réussi ?
Les versions du jeu étant similaires, les tests le sont aussi.
La ville lumière, ses cabarets, sa pluie battante, ses ruelles sombres, ses boulevards lumineux, son ambiance à la fois maussade et festive, voilà ce qui caractérise notre bonne vieille capitale pour le reste du monde. Et c'est justement cela que les développeurs de Pandemic ont parfaitement synthétisé dans The Saboteur. J'insiste sur ce point car c'est surtout par son ambiance que ce titre nous parle. Pétri de clichés, de la baguette de pain au béret, il ne lui manque que le saucisson pour se sentir chez nous. Et le scénario lui, clairement mis à mal par une narration apparemment terminée lors d'une soirée bien arrosée au vin rouge, parvient, contre toute attente, à nous happer dans cette époque noire de l'histoire de la France.
Une guerre froide !
Sean Devlin, un séducteur irlandais de pure souche veut la peau de Dierker, un pastiche de général nazi. Par cette simple phrase vous aurez compris que la mort, l'occupation, les femmes dénudées, le sang, la torture etc. sont des thématiques matures développées dans le jeu. Ainsi, le méchant nazi a fait sauter la cervelle du frère de cœur de notre héros. Une raison des plus valables pour que Sean s'engage dans la résistance parisienne. Sans vous révéler les détails de l'intrigue, sachez que de par son atmosphère soignée et ses personnages clichés, ce titre a su me convaincre petit à petit, heure après heure. Néanmoins, certains diront que The Saboteur se saborde lui-même en proposant un Paris (et une France par la même occasion) réduit à sa plus simple expression : on passe des champs Elysées à la Bastille pour finalement atteindre la Bourgogne en moins de dix minutes à pied (et en petite foulée...). Cette représentation minimaliste illustre à quel point tout n'est que caricature dans ce titre. Et si vous n'appréciez guère ce genre de vision, certes restrictive mais pour le moins propice aux effets de style, alors passez votre chemin car c'est en grande partie cela qui permet de s'affranchir es défauts majeurs du titre de Pandemic.
Du noir, du sang et du blanc !
La première grande idée du jeu réside dans ses couleurs. Les quartiers occupés par les Nazis se jouent en noir et blanc, comme dans un film d'époque. Chaque action de résistant de Sean colorise un quartier, symbolisant le terrain gagné par la résistance et le moral des habitants qui luttent contre l'occupation. L'idée est juste géniale ! Non seulement elle donne un cachet à la Sin City particulièrement séduisant mais en plus, elle renforce une atmosphère des plus sombres. Seulement dès les premières missions, plusieurs problèmes se posent : escalader une façade toute noire sur laquelle on peine à voir les rebords pour s'accrocher est pénible. Déjà que la maniabilité de Sean ne brille pas par sa réactivité, ça ne fait que compliquer la donne. Rassurez-vous tout de même, le tout s'avère jouable après une petite demi-heure de prise en main mais sachez que TS ne tient pas une seconde la comparaison avec ACII dans ce domaine. Dans le même ordre d'idée, la possibilité de voler les véhicules permet de se balader rapidement sur l'ébauche de carte de France. Seulement là encore, on s'étonne : si détruire les lampadaires dans une course poursuite est logique, on peut être stoppé net contre un simple buisson dans la campagne. Autre exemple, après avoir dégommé une dizaine de Nazis, Sean s'échappe d'une zone en état d'alerte pour retourner, quelques secondes plus tard, vers les soldats du troisième Reich sans être repéré, alors que l'alarme vient tout juste de s'éteindre. Vous l'aurez compris, le gros problème de The Saboteur, c'est un manque de cohérence (ludique ou même narrative) flagrant ! Le jeu est ainsi fait et vous devrez faire avec pour réellement en tirer du plaisir.
La résistance, ça occupe !
Sean est lui aussi une caricature, celle de John McClane, le héros irlandais de Die Hard. Il est capable de descendre des dizaines de Nazis tout en encaissant des centaines de balles ennemies. En se cachant derrière un muret, il lui suffit d'attendre quelques secondes pour guérir automatiquement et retourner au combat. Là encore, point de logique (en même temps, c'est une tendance lourde du jeu d'action qui trouve sa justification dans une accessibilité renforcée) mais Sean a d'autres charmes. D'abord, l'homme aborde les missions de différentes manières. Arme au poing à la bourrin ou en finesse en piquant un uniforme nazi pour s'infiltrer. Même si cette seconde option est possible, on cède rapidement à la facilité pour rentrer dans le tas ; et ceci quel que soit le mode de difficulté. Comme si les résistants de l'époque agissaient comme ça ! Bref, si on passe outre cette aberration qu'est une « guerre spectaculaire » sous l'occupation, il est clair que Sean séduit. Il détruit la plupart des dispositifs allemands pour récolter du matériel et l'échanger au marché noir afin d'étoffer son arsenal : pistolets silencieux, fusils à pompe, mitrailleuses, lance-roquettes, voitures de plus en plus rapides, etc. De quoi éclater du boche dans la joie et la bonne humeur ! Notre Irlandais prend aussi de l'expérience et pose plus vite ses bombes, gagne en précision durant les phases de gun fight, apprend à utiliser les atouts de la résistance, à s'enfuir plus rapidement, à surprendre les gardes de manière plus efficace etc. La montée en puissance de notre héros va de pair avec celle de la résistance au travers des quartiers ; et il est gratifiant d'assister à ce spectacle articulé autour des lumières qui gagnent un Paris ensanglanté par vos actes de bravoure.
Un jeu à controverse !
Comme vous le savez sûrement grâce à nos impressions, toutes les croix gammées du jeu ont été remplacées par des croix de fer. Si cette censure énerve d'autant plus qu'on a du mal à en saisir l'utilité dans un jeu 18+ où le mot "nazi" revient toutes les minutes, on l'oublie vite une fois entré dans l'ambiance pour se laisser prendre au jeu du chat et de la souris avec les allemands. On peut aussi s'offusquer du manque de liberté. En gros, le joueur est constamment sur des rails avec des choix de missions assez restrictifs à cause d'un scénario très présent. Pour cette raison, certains lui préfèreront un GTA, plus libre et cohérent.
Bref, The Saboteur, c'est avant tout une ambiance et une histoire offertes par un titre qui reprend quelques éléments de grands jeux (GTA IV et AC) sans jamais les égaler. Néanmoins, son charme percutant, ses caricatures légères d'une époque particulièrement noire et ses clichés le rendent vraiment attachant à la longue. Malgré une jouabilité perfectible, des missions répétitives dans leur forme et des erreurs de game design qui déçoivent, il n'en reste pas moins amusant une fois ces défauts digérés. C'est donc à vous de voir si vous êtes du genre tolérant sur ce genre d'écueils, ou pas !