Après avoir laissé Brian et Gina se dépêtrer dans leurs dernières aventures de Runaway 2 : The Dream of the Turtle, sorti en 2006, Pendulo Studios vient enfin de boucler la trilogie avec ce troisième et dernier volet intitulé Runaway : A Twist of Fate. Restés un peu sur notre faim, avec un joli "à suivre" à la fin du second opus, allons-nous enfin comprendre ce qui s'est réellement passé pour Brian, et surtout Gina, laissée pour ainsi dire pour morte avec ce troisième et dernier volet de leurs rocambolesques aventures en 2D ? Nous allons le savoir tout de suite ! Si tout va bien.
Aussi étonnant que cela puisse être, l'aventure de ce troisième épisode démarre un peu abruptement. Gina, enfin de retour, assiste tout simplement à l'enterrement de... Brian, son petit ami. Une entrée en matière dans un cimetière... on a vu plus gai ! Passer de l'île paradisiaque (enfin, presque) de Mala Island au caveau, c'est en effet un peu rude. Pas de panique, pourtant, puisque vous allez vite vous apercevoir que votre homme n'a rien de bien méchant en vérité, et qu'il va falloir le sortir fissa de son trou... C'est d'ailleurs le but de tout ce premier chapitre, qui d'emblée, vous fera rencontrer des personnages hauts en couleurs. Le décor est planté ! D'ailleurs, si votre mémoire vous fait défaut, un petit résumé de Runaway 2 est là pour vous la rafraîchir, notamment sur les derniers événements survenus. Ainsi, trois années après ce dernier titre, Péndulo Studios a décidé de se lancer dans de gigantesques flashbacks, parfois complètement à contre-courant de ce que l'on aurait pu imaginer, rendant carrément un vibrant hommage à un titre légendaire d'une autre série adulée des fans de point & click. Cela donne pas mal de rythme au jeu (même si ça peut sembler confus par moment), et permet non seulement d'alterner entre Brian et Gina, mais également avec quelques autres protagonistes de l'histoire... Mais ça vous le découvrirez par vous-mêmes.
Un destin capricieux
Vous verrez également que les situations rocambolesques n'ont pas épargné Brian. Un destin pour le moins cruel, mais qui fait partie de la logique des événements dans cet épisode. Notre héros se retrouve en effet accusé du meurtre du colonel Kordsmeier (du second opus), et il va tout faire pour tenter de se disculper. Entre-temps, il aura fait un joli séjour dans l'asile d'Happy Dale, où il rencontrera des compagnons de chambrée pour le moins bien barrés. Mais ô combien importants dans la suite des événements. Alors, Brian a-t-il vu des extraterrestres ? La Trantonite est-elle une arme absolue que Tarentula veut à tout prix récupérer ? Ou tout cela est-il le fruit de son imagination ? Tant de questions qui trouveront des réponses (ou pas), dans cet ultime épisode. Mais, si le tout est bien ficelé, du moins dans la "logique" de ces aventures forcément rocambolesques, on pourra toutefois reprocher aux scénaristes d'avoir été un peu conservateurs. Runaway 3 est assez linéaire dans sa conception de l'histoire, malgré les quelques 120 écrans de jeu, et un peu moins barré, à mon sens, que Runaway 2. Et ce malgré la présence des fous de l'asile, excellente référence d'ailleurs à Vol au dessus d'un nid de coucou. Quel paradoxe, n'est-ce-pas ? N'ayez crainte pourtant, l'humour y est, comme toujours, omniprésent, avec des dialogues écrits de main de maître (mais pas au niveau du second selon moi), et des auteurs qui n'hésitent pas à jouer avec nous du début à la fin. Il n'est en effet pas rare que les réponses diffèrent si l'on s'amuse à renouveler ses actions sur un même objet. Les développeurs ont visiblement pris le parti de nous titiller et de finir en apothéose, se payant même le luxe de se moquer par moment d'eux-mêmes. Quelle classe.
Du classique renouvelé
Ce n'est pas seulement par son côté scénaristique qui achève donc le triptyque, que l'on va forcément trouver des nouveautés dignes de ce nom dans Runaway : A Twist of Fate. Car, même si les personnages rencontrés sont attachants, et pour certains d'entre eux, sur une autre planète (le sosie de Willem Dafoe, j'adore), j'ai tout de même le sentiment qu'on est un chouïa en dessous des deux premiers opus. On a en effet comme l'impression que Pendulo a voulu finir la série coûte que coûte, quitte à échafauder des scénarii "abracadabrantesques" pour répondre à toutes les questions du dernier volet. Ce n'est pas un énorme reproche en soi, car tout y est merveilleusement bien amené, mais ce troisième volet laisse une légère impression d'être quelque peu décousu dans son déroulement. Sans doute est-ce dû aux nombreux flashbacks qui jalonnent le titre ? En tout cas, ils sont agencés de telle sorte qu'ils servent parfaitement l'histoire, et n'empêchent donc pas sa compréhension. Même si ça reste assez capilo-tracté... Côté gestion, les développeurs espagnols sont allés au plus simple : un bouton pour regarder / parler / prendre, et l'autre pour valider ses choix. Votre inventaire situé dans votre poche magique, aussi large et profonde qu'un sac de père-noël, servira à associer, regarder, ou tout simplement prendre les objets en votre possession. L'interaction avec les éléments des décors est toujours aussi simple, puisque la souris se chargera de vous dire si votre pointeur est sur un indice ou non. Et des casses-têtes plus ou moins durs, vous en aurez à foison, puisque plus de 200 énigmes et puzzles sont répertoriés dans le jeu. Répartis sur près de 120 lieux à découvrir, il y aura de quoi faire ! D'ailleurs, pour vous éviter de vous faire faire des allées et venues barbantes entre les écrans de jeu, vous n'aurez qu'à double-cliquer à l'endroit désiré, et votre personnage s'y rendra fissa, en se téléportant légèrement, via un bel effet graphique digne de Star Trek. Pratique quand on doit tester plusieurs solutions sur une même énigme.
Bien entendu, les "gros" puzzles tordus, au milieu des plus simples (simplistes ?), feront encore partie intégrante du paysage de ce point & click, mais comme toujours, en réfléchissant un peu, et après résolution de l'énigme, vous vous direz que c'était l'évidence même. De ce côté, il n'y a rien d'insurmontable, on est loin de la loufoquerie absolue d'un Monkey Island, ou des puzzles "mathématiques" de Machinarium. Tout est donc logique au final. Une logique certes toute relative pour certains, mais tout à fait en phase avec le genre. Et puis, en cas de "trompage", ce sera l'occasion d'entendre des dizaines de répliques des développeurs de Gina et Brian, pour le moins détonantes, en tout cas pour certaines d'entre elles, qui vous iront, j'en suis sûr, droit au cœur.
Un système d'aide étrange
Péndulo Studios semble clairement avoir voulu ouvrir le titre à un plus large public. Ce véritable dessin animé interactif a su se renouveler au fil du temps, proposant à chaque fois des ambiances, un humour et un ton propres à la série, mais certains joueurs ne se sont encore jamais essayés au genre, de peur d'être totalement perdus devant ces énigmes et cette 2D statique pour le moins atypiques. C'est pourquoi le développeur espagnol propose ici deux systèmes d'aides alternatives qui partent d'une intention louable, mais qui malheureusement, à mon sens, desservent la cause plus qu'autre chose. Le premier est somme toute basique et reprend le concept déjà vu dans Secret Files, à savoir l'affichage, d'une simple touche (F2) de toutes les zones cliquables et donc interactives d'un écran. Le second quant à lui, consiste à faire appel à Joshua (le doux dingue du second opus), qui, depuis son "Bureau d'aide aux joueurs en Détresse" infiltré chez Péndulo, magnifiquement animé d'ailleurs, vous met sur la voie de manière tellement évidente, que cela brise tout net le plaisir de découvrir ce fameux puzzle sur lequel vous étiez bloqué. Pourquoi ne pas avoir proposé par exemple trois jokers uniquement, à utiliser comme bon nous semble sur tout un chapitre ? Ou bien des indices un peu moins évidents ? Car, si ce genre d'initiative part d'un bon sentiment, il risque aussi de mettre à mal le charme de la recherche et la satisfaction de la découverte. Et puis, j'en connais déjà qui se vantent de l'avoir terminé en 6 heures, arguant de sa simplicité... Permettez-moi d'en douter. Une petite dizaine d'heures sera en vérité nécessaire pour en venir à bout... SANS la solution. Ou alors les forums de jeux vidéo regorgent de véritables génies. Il est vrai cependant que les énigmes sont un peu plus simples, dans l'ensemble, que dans Runaway 2, mais pas au point d'en venir à bout en une poignée d'heures.
6 chapitres animés
Côté animation et graphismes, puisqu'il faut bien en parler, la présence des images et d'une jolie vidéo dans ce test ne suffisent pas à témoigner de la haute qualité du jeu. Haute "téchnicité" serai-je même tenté de dire, pour reprendre un mot à la mode. Ultra chiadé, avec des détails dignes d'un jeu d'aventure next-gen, le jeu vous en met plein les mirettes à chaque écran traversé. Nos protagonistes se déplaçant enfin de manière souple et fluide, et chacune de leurs actions est décomposée avec art et maîtrise. Idem pour les cinématiques, qui reprennent le moteur du jeu, et sont montées comme un film. Du grand art qui immerge totalement le joueur. On regrettera cependant de ne pas avoir suffisamment de vie dans les screens extérieurs notamment (trop peu nombreux d'ailleurs), bien trop statiques à mon goût. Côté dialogues (ponctués de quelques bugs sonores et de sous-titres, qui seront réglés par une mise à jour), il est dommage de constater que le côté un peu trop "sérieux" de cet opus, empêche d'apporter cette touche d'humour plus trash du second volet, que l'on devait entre autres aux fameuses répliques d'Archibald, devenues cultes pour moi. Néanmoins, le doublage est toujours aussi excellent, avec une vingtaine de comédiens professionnels qui se sont attelés à la tâche pour cet épisode. Vous reconnaîtrez d'ailleurs aisément certains d'entre eux. Vera Dominguez, la chanteuse officielle de la série, est toujours l'interprète principale des chansons avec pas moins de 2h20 de musiques qui collent parfaitement à l'ambiance.
Voici donc que s'achève, de manière grandiose, malgré quelques regrets, la trilogie Runaway. Commencée en 2003, qui aurait cru à l'époque que ce studio espagnol allait non seulement renouveler le genre, mais lui apporter également une touche atypique qui fait la légende des grands titres ? Six ans plus tard, Runaway : A Twist of Fate s'est tout simplement métamorphosé en un petit bijou d'animation et un point & click de grande qualité. À l'ancienne. S'il ne fallait en retenir qu'un en 2009, ce serait assurément celui-là, pour sa qualité narrative, ses dialogues loufoques, ses environnements incroyablement chiadés, ses personnages bien barrés, ses références par dizaines et ses doublages parfaits. Le tout appuyé par une bande-son bien meilleure que pour les deux premiers volets. En somme, un jeu qui doit faire partie de votre ludothèque, même s'il est un peu court, et même si vous n'aimez pas le genre. Ben vroui, le packaging est joli... Et, pour ceux qui ne connaissent pas du tout, c'est l'occasion ou jamais de s'y mettre, avec la trilogie complète qui vient également de sortir, pour une somme très correcte. Bande de veinards. Allez, je vais me le refaire tiens, pour la beauté du geste !