Mon premier souvenir de S.T.A.L.K.E.R. remonte à une présentation des prototypes des GeForce FX de Nvidia. Rappelez-vous, les sèches-cheveux... Ça devait être en 2001 et à l'époque j'avais perdu une rétine devant le niveau de détail de ce titre, qui n'avait pas encore de nom. Des années et ouatmilles reports plus tard, la démo technologique est enfin devenue un jeu. L'attente est-elle récompensée ?
Je ne vais pas vous faire l'affront de vous ressortir le scénario en détail. Ukraine, 2012, Tchernobyl, seconde explosion, création d'une zone a priori pleine de radiation et sous haute surveillance militaire. Vive les résumés en télex... Vous incarnez "Le Tatoué", un videur de poubelles radioactives : un Stalker. But de leur vie misérable : survivre en risquant leur peau dans la Zone, en espérant en ramener divers artefacts qui se revendent à bon prix à l'extérieur de celle-ci. Le Tatoué a encore moins de chance que les autres : il est amnésique, sans potes, avec un équipement minable. En prime, son PDA, qu'il n'a pas perdu, indique qu'il doit flinguer un certain Strelok. Ça sent la semaine bien prise de tête pour notre homme...
30 Km à pied, ça use
A partir de cette trame, votre personnage va errer de mission en mission, au gré des rencontres que vous allez faire dans et autour de la Zone. En gros, vous aller traîner vos guêtres sur une surface de 30 Km² (bien qu'une grosse partie ne soit pas accessible) et rencontrer un paquet de monde qui veut votre peau : humains de factions adverses (bandits, militaires, autres Stalkers), mutants aux pouvoirs bien flippants et toute une ribambelle d'animaux "légèrement" customisés par les radiations. Vous allez adorer les balades en forêt... Comptez une bonne vingtaine d'heures au niveau de difficulté "Stalker" pour voir l'une des 7 fins différentes du jeu. La bonne nouvelle : oui, il y a un "happy end" possible. La mauvaise : il va falloir ne rater aucune quête de la trame principale pour le voir ! Bon courage. Car on meurt souvent du côté de Tchernobyl et les débuts de votre vie de Stalker vont être rude. Avec votre pauvre pistolet, vos 2 balles et un paquet de pansements, la moindre rencontre hostile devient vite un challenge.
Quand faut y aller...
Très honnêtement, S.T.A.L.K.E.R. et moi, on est parti sur un mauvais pied. Impression de jouer sous l'eau tellement tout était mou, précision catastrophique de la plupart des armes, interface mal foutue, impossible de désactiver les oscillations de la vue quand on cavale, graphismes sympas mais souvent sans charme... Je commençais à me dire que les 5 ans de développement chaotique du produit avaient eu raison du potentiel de ce titre, coincé entre FPS et RPG. Avant de me faire lapider par les fans, laissez-moi vous expliquer en détail pourquoi il est également normal de ne pas tomber amoureux de ce titre. Primo, réglons la partie technique tout de suite : oui S.T.A.L.K.E.R. est un jeu gourmand. Certes, ça flatte l'oeil quand on colle tout à fond, mais ça nuit tellement à la jouabilité que même sur mon Core2Duo Extrem, 2 Go de RAM et une GeForce 8800 GTS, je suis repassé en lumières statiques. Les éclairages dynamiques sont un gouffre à puissance dans ce titre et n'apportent au final qu'une amélioration marginale du look du jeu. On sent que ça a été rajouté à la fin et le level design ne les exploite pas avec la classe d'un Doom 3, par exemple. Ce problème réglé, on a déjà l'impression de mieux contrôler ce qui se passe, et ça me parait quand même le plus important... Secundo, l'IA. Elle est passable, sans plus, et bien loin d'un F.E.A.R : les ennemis se contentent de tirer, de vaguement se mettre à couvert et d'aller vous chercher quand vous sortez de leur champ de vision. Ils ne vous traquent pas ensemble (ou alors très mal, parce que je n'ai rien vu), ne vous contournent que très rarement, si c'est évident au niveau de la map, et ont un seul avantage sur vous : ils visent souvent très bien. Car mon autre gros regret concerne le feeling des armes. Ça tient plus du combat de paintball que du gunfight. Aucune sensation de puissance, pas vraiment d'intensité : on avance doucement, on repère ses cibles, on aligne quelques cartouches (en multipliant les balles perdues même en étant acroupi), et au suivant.
Quant à l'interface, elle est très largement perfectible. L'utilisation du PDA pour se repérer sur la carte et dans les missions, ou pour lire des infos diverses était une bonne idée. Son implémentation est malheureusement très moyenne, pour rester poli. On doit naviguer dans les menus pour trouver ce dont on a besoin et ça peut être très mal venu. Ouvrir l'inventaire en plein combat pour boire une canette de boisson énergisante, histoire de cavaler 100 mètres de plus pour se mettre à couvert, ce n'est pas franchement ergonomique.
Mais... c'est naze ?
Pourtant, S.T.A.L.K.E.R. n'est pas un mauvais jeu, loin de là. Malgré un moteur physique totalement sous-exploité, son ambiance peut se révéler très prenante. L'action décousue, lente, hachée de ce FPS atypique passera sur un plan secondaire pour ceux qui rentreront dans la peau de ce loser de Tatoué qui cherche à comprendre ce qui lui est arrivé. C'est même LA condition pour profiter de ce titre et la raison principale du retard de ce test : les premiers feedbacks dithyrambiques sur ce jeu m'ont fait douter de mon jugement, il m'a fallu des heures supplémentaires et quelques discussions avec d'autres joueurs déçus pour être certain que je ne loupais pas un truc. La vérité est d'une simplicité affligeante : le produit de GSC est bancal et soit on arrive à passer outre ses défauts pour profiter de ce grand bac à sable, soit c'est le blocage et on a vite fait de s'ennuyer ferme. La taille de la carte implique par exemple des aller-retours assez longs, avec des ennemis qui réaparaissent quand on change de zone, qui vont vite user les meilleures volontés. Il faut vraiment être à 100% dans l'ambiance pour ne pas s'agacer de ce genre de problème et réussir à s'intéresser à la multitude de missions annexes qui font la richesse de ce jeu. Pour tout dire, les amateurs de mondes rouillés à tendance post-apocalyptique "à la Fallout" risquent carrément l'orgasme, à condition de bien comprendre que l'aspect RPG est anecdotique. On est ici en face d'un FPS avec beaucoup d'exploration et quelques statistiques pour faire vaguement illusion. L'essentiel est de savoir que l'extase ne sera pas forcément au rendez-vous pour tout le monde, ça évite les déceptions sur un malentendu...