Risen a la beauté des choses simples. Une aventure qui transcende ces matériaux du réel que sont le pragmatisme ou l'instinct de survie, et prend heure après heure une ampleur digne des sagas les plus épiques. D'abord vêtu d'oripeaux, armé d'un simple gourdin et grattant le sol pour y trouver votre pitance, vous partirez à l'aventure pleinement conscient du sens du mot humilité...
Dans la grande valse des droits d'exploitation de licences récupérés par les éditeurs au détriment des développeurs d'origine (Crytek avec Far Cry → Ubisoft, Bohemia Interactive avec Operation Flashpoint → Codemasters...) les allemands de Piranha Bytres ont eux aussi connu les affres de la séparation de biens avec JoWood. Qu'importe : tandis que le premier nous gratifie aujourd'hui d'un Risen corrigeant les errements techniques de leur précédente production (Gothic 3), le second s'est adjoint les services de Spellbound Software pour nous préparer un Gothic 4 : Arcania qui aura au moins le mérite de partir sur de nouvelles bases. Représentant toujours avec profondeur et fierté le genre RPG "fantastico-réaliste", Risen fleure bon l'artisanat teuton, et conjugue avec brio une vraie simplicité - menus résolument old school, interface limitée à une feuille de personnage, un inventaire, une carte et un journal de bord - et un souci du détail hallucinant. Ainsi, le jeu vous invitera à maîtriser divers arts et compétences, bien sûr, mais c'est surtout les relations complexes qui se jouent ici entre factions et personnages, promesses d'une expérience non linéaire, qui impressionnent. Le naufragé pouilleux que vous incarnez dans le jeu, échoué sur une île de Faranga où des temples anciens sortent mystérieusement de terre, va manifestement avoir fort à faire...
Le coin du techos
Commençons par l'aspect technique du jeu, et ses différents réglages, puisque nous sommes sur PC. Les joueurs qui n'en ont cure peuvent passer directement au paragraphe suivant. Première surprise, Risen tient sur moins de 2,5 Go, après installation sur disque dur. Ça devient rare... Du côté des options graphiques, le jeu règle automatiquement, en fonction de votre config, profondeur de champ, filtre anisotropique, niveau de shaders, qualité des textures, des ombres, de la végétation... Pour vous donner une idée, sur un E8500@3,8 Ghz, avec 4 Go de DDR3 et une HD4870X2 - donc pas vraiment une brouette - le jeu tourne tout à fond, en 1920x1200, à une moyenne de 40 images/seconde, le framerate chutant à 25 FPS lors de certaines scènes (lorsqu'on se déplace la nuit avec une torche, par exemple). Un jeu assez gourmand donc - mais stable, il faut le souligner , et qui semble parfaitement tourner sur des configs plus modestes -, pourtant assez peu impressionnant graphiquement. Les modélisations des PNJ, en particulier, n'ont franchement rien d'extraordinaire, et paraissent parfois même grossières (en dépit d'un travail assez soigné sur certains visages... malheureusement souvent clonés). Mais c'est dans le détail que Risen impressionne. Avec un environnement fouillé et luxuriant à perte de vue, des architectures recherchées, un "landscape design" complexe, des effets divers franchement réussis (brouillard volumétrique, jeux de lumières...), l'absence de loadings et, surtout, ce sentiment incroyable de faire partie d'un monde véritablement vivant, le jeu de Piranha Bytes ravit autant qu'il transporte. On oublie vite, dans ces conditions, son esthétique de prime abord "imparfaite".
Vis ma vie... de galérien
Retour à Faranga, où vos premiers pas traduisent votre relative impuissance. Armé d'un simple gourdin trouvé parmi des débris, vous évitez soigneusement les confrontations directes avec n'importe quel animal un peu costaud - les sangliers, au hasard - et trouvez dans la simple utilisation d'une poêle, brandie au dessus d'un feu de camp tandis qu'y cuisent viandes ou poissons, une vraie source de réconfort. Le bonheur du crève-la-dalle... Rapidement, de grandes lignes se dessinent : Faranga, auparavant administrée par un gouverneur du nom de Don Esteban, désormais reclus, est maintenant sous la houlette de l'Inquisition, qui étudie de près ces mystérieux temples sortis de terre, ainsi que tout ce qu'ils contiennent. De la ville de Port-Faranga au camp retranché des rebelles dans les marais, entre monastère, sombres cavernes et forêt luxuriante, l'univers qui s'offre à vous, finalement assez "réduit", se révèle en tout cas d'une richesse impressionnante. Car Risen a fait le pari du vivant... et de la personnalisation. Ainsi, impossible, comme dans un Oblivion, de devenir à la fois voleur plus discret qu'une ombre, magicien d'exception, guerrier expert en tous types d'armes et archer émérite (en tout cas pas dans les mêmes proportions). Vous devrez faire vos choix en fonction de vos aspirations et de vos rencontres, consultant différents maîtres experts dans tel ou tel art... et les rémunérant pour leurs conseils. Libre à vous, également, de développer différentes compétences, en forge, alchimie, orfèvrerie, dépeçage, calligraphie (pour les parchemins magiques) ou prospection des métaux, autant de domaines qui se révéleront sinon indispensables, du moins fort pratiques pour vous faciliter la vie. Dans tous les cas, votre progression se révélera lente - comptez dix heures de jeu à vivoter sans équipement digne de ce nom -, mais la satisfaction que vous tirerez à voir votre avatar ressembler peu à peu à quelque chose fera figure de juste récompense. Évidemment, entre Inquisition (guerriers de l'Ordre et mages du Monastère) et rebelles, il vous faudra, à un certain moment, choisir votre camp...
L'effet papillon...
Si l'intelligence artificielle de Risen souffre sans surprise de multiples défauts (comme dans absolument tous les jeux à monde ouvert comparables), l'autonomie véritable des PNJ, qui "vivent leur vie", ainsi que le système de relations complexes mis en place par Piranha Bytes, entre degré d'affinité et liens de subordination, ne peuvent que forcer le respect. Ici, chacune de vos actions, chacun de vos choix, a des conséquences plus ou moins importantes. Ainsi, vous pourrez tuer - ou faire tuer indirectement - de très nombreux PNJ dans le jeu, ce qui aura pour résultat de vous bloquer l'accès à certaines quêtes... ou vous attirer des inimitiés/faveurs inattendues. Ici, l'adage "les ennemis de mes ennemis sont mes amis" se voit particulièrement bien représenté, et vous forcera souvent à bien réfléchir avant d'agir. Du côté des combats au corps à corps, auxquels vous n'échapperez évidemment pas face aux loups, gnomes, goules, ogres, squelettes et autres joyeuses créatures qui vous barreront la route, on apprécie la limpidité du système mis ici en place : bouton de souris gauche pour frapper, droit pour parer, et esquive possible, le jeu se chargeant des différents types d'enchaînements à votre portée. Une simplicité bienvenue, et une technique de combat qui s'affirmera au fil du temps, rendant vos coups - ou vos tirs à distance, ou vos sorts - plus nerveux, plus précis, plus efficaces...
Monsieur chieur...
On pourrait, devant ses nombreuses qualités, rester aveugle aux divers travers de Risen. Mais qui aime bien châtie bien, et ce paragraphe sera celui des errements divers dont il nous gratifie. On peut ainsi, dans Risen, surprendre régulièrement des conversations entre PNJ... et s'apercevoir qu'elles n'ont ni queue ni tête ! Exemple choisi :
− Comment va-t-on faire pour se nourrir ?
− Réussite ou échec ?
− C'est ce que j'ai entendu dire moi aussi
− Après la pluie viendra le beau temps
Un échange de points de vue pas vraiment constructif... À l'instar d'Oblivion, riche de dialogues du même acabit, on prêtera donc une oreille distraite aux conversations alentours, pour l'ambiance, davantage que dans l'espoir de piocher des informations d'importance. Lors de vos conversations personnelles, notez également que certains choix de dialogues censés disparaître restent parfois sélectionnables (ex : vous rapportez un cuissot grillé à un PNJ qui en réclame, et le choix "Allez la chercher vous-même votre foutue viande !" reste affiché). Dans la série petites imperfections, citons enfin la possibilité qui vous est offerte de piétiner un PNJ sans le réveiller, de rester au milieu d'un feu de camp sans vous brûler, des bugs de collision assez nombreux (mais sans conséquence), l'inventaire "infini" pas vraiment réaliste (mais tellement pratique) ou encore les choix de dialogues constitués de phrases trop longues dont vous ne pourrez lire la fin. Dans le genre rigolo, il vous sera également possible de prendre un bain tout habillé, avec votre bouclier sur le dos... Bref, quelques défauts de finition, donc, mais qui ne gâchent en rien, je vous rassure, l'expérience de jeu.
Même s'il n'en porte plus le nom, Risen est un nouvel épisode de Gothic fort réussi, qui à la profondeur et l'intérêt de jeu allie une étonnante simplicité de gameplay. Pas forcément bouleversant graphiquement, le titre de Piranha Bytes respire en tout cas l'amour du travail bien fait, le souci du détail, et propose un système de choix et conséquences multiples qui transportera d'aise les amateurs du genre RPG. Mention spéciale à la BO, toujours composée par le talentueux Kai Rosenkranz, riche de morceaux de musiques qui collent parfaitement à l'ambiance, et aux efforts consentis pour les voix en français (avec Boris Rehlinger, voix officielle de Colin Farrell et Jason Statham, José Luccioni, la voix d'Al Pacino, etc.), même si, au final, la qualité d'ensemble du doublage se révèle assez inégale. Enfin, cette version PC du jeu mérite des louanges du point de vue réalisation, malgré quelques errements, et saura vous transporter dans ce monde pour peu que vous ayez une machine correcte.