Le dernier-né de la série Halo a choisi une route un peu différente, et un peu similaire à la fois. Il est peut-être par certains côtés le plus abouti de la série, et par d'autres le plus statique. Enrichi et plus soigné d'un certain point de vue, il est aussi terriblement similaire aux travaux passés de Bungie sur d'autres aspects. Bref, vous l'aurez compris, il y a de tout dans cet ODST, du bon et du moins bon... de quoi ne pas dérouter les fans et peut-être susciter l'intérêt des nouveaux venus : une approche finalement logique.
Le Master Chief n'est plus là pour porter la bannière de ce nouveau Halo. Cette absence est peut-être le nœud autour duquel s'articule les qualités, comme les défauts, de cette nouvelle aventure solo dans l'univers fétiche de la 360 : lorsqu'une figure forte s'en va, il y a toujours un très fort risque pour qu'elle laisse derrière elle un vide difficile à combler. Mais Bungie n'a pas manqué d'idées pour l'éviter...
We are ODST
En lieu et place du Master Chief, ce n'est pas un nouveau personnage à proprement parler qui nous fera découvrir l'histoire, plus sombre et plus fraîche à la fois, de cet Halo 3 : ODST. C'est une escouade d'Orbital Drop Shock Troopers, des soldats d'élite, certes, mais surtout faits pour fonctionner en équipe plutôt qu'en héros solitaires, loin qu'ils sont, d'avoir la carrure d'un Spartan. Largués depuis l'orbite basse de la Terre dans des capsules destinées à chuter au cœur du conflit, Dutch, Buck, Romeo, Mickey, les autres, et surtout Le Bleu forment un groupe soudé, qui se retrouve éparpillé par accident aux quatre coins de la Nouvelle Mumbasa, au Kenya, assiégée par les Covenant. Découvrir ces personnages, remonter le fil de leurs aventures sous forme de flashbacks, après un réveil difficile dans la peau du Bleu, et se passer du Master Chief, est un pari osé de la part de Bungie. Mais le résultat fonctionne à plus d'un titre.
Changements de perspective
Adieu la campagne 100% linéaire dans laquelle on enchaîne les niveaux. ODST adopte une structure narrative centrée sur le personnage du Bleu, qui va devoir arpenter les rues de la ville à la recherche d'indices pour retrouver les autres membres de son escouade. Si les premiers pas, les premiers indices, et les flashbacks qu'ils déclenchent s'enchaînent naturellement, ODST ne tarde pas à laisser au joueur le soin de choisir dans quel ordre il poursuivra les indices signalés sur sa carte. La ville elle-même est assez vaste, plongée sous une pluie grasse d'eau et de cendres scintillant à la lueur de cette vision nocturne dont dispose les ODST. Ces phases passées à explorer New Mumbasa en évitant ou en massacrant les Covenant qui y patrouillent offrent une respiration de choix entre les niveaux "Flashbacks", qui nous placent eux dans la peau des différents membres de l'escouade pour des niveaux beaucoup plus classiques et riches en action. C'est agréable par certains côtés, et le ton comme l'atmosphère de cette nouvelle campagne y gagnent incontestablement du point de vue narratif. Mais difficile dès lors de maîtriser le rythme que les amateurs de First Person Shooters attendent aujourd'hui du genre... Du coup, les amoureux de rollercoasters à la Modern Warfare risquent de trouver les montées d'adrénaline rares ou en tout cas trop distantes les unes des autres pour s'y retrouver. Les autres, peut-être plus portés sur des expériences moins tape-à-l'œil, devraient en revanche apprécier cette proposition différente, tout du moins s'ils aiment jouer seuls... car en coopératif, une atmosphère de ce type s'installe tout de suite moins bien. Dommage, enfin, que Bungie ne semble toujours pas avoir appris de ses erreurs passées, puisqu'une fois de plus nous aurons droit à quelques passages plutôt rébarbatifs vers le dernier tiers, avant le point d'orgue final (si je vous dis Librairie...).
N'est pas un héros de jeu vidéo qui veut
Malheureusement, qu'on soit profane ou fan, difficile pour les uns comme les autres de s'attacher autant aux personnages de cette nouvelle histoire. Trop peu de temps passé en compagnie de chacun d'entre eux, mais surtout un personnage principal (le Bleu) aussi loquace qu'une pierre tombale : il n'en faut pas plus pour donner la sensation de n'être finalement qu'un spectateur plutôt qu'un acteur des événements qui précèdent Halo 3. Pourtant, tout y est : les fans du gameplay Halo retrouveront dans chaque flashback ce qui leur a plu précédemment. Assauts en sous-effectif face à des marées d'aliens, scènes en Warthog ou en Tank, passages au snipe, tenues de postes défensifs, et j'en passe. Même si les mécaniques ont légèrement changé, avec une vraie barre de santé qu'on ne récupère qu'au travers de medipacks, à la manette, pas de différence majeure avec les précédents opus : on reste sur un schéma de batailles alternant retraites au calme et fusillades tendues. Et si scénaristiquement, les différences sont bien réelles, ludiquement, l'apport des quelques changements ne se fait pas sentir. Pas plus d'ailleurs que certaines idées pourtant bonnes, comme l'IA de la ville pour aider à l'orientation et au développement de l'histoire secondaire d'une jeune fille fuyant pendant l'invasion. Ce "Super Intendant" est en effet un personnage secondaire qui aurait pu donner lieu à des échanges plus malins avec le joueur, mais qui se résume finalement à activer des téléphones et autres terminaux pouvant se connecter aux armures des ODST pour débloquer des caches d'armes et des bribes d'enregistrement contant l'histoire de la jeune fille. Dommage.
Une offre difficile à refuser
Si la campagne solo témoigne donc d'un certain savoir-faire narratif de la part de Bungie, qui s'en tire avec brio pour conter une histoire qui ne décroche peut-être pas la mâchoire mais se laisse découvrir sous un jour innovant, le multi reste une fois de plus le point d'orgue d'ODST. Le nouveau mode coopératif, Baptême de Feu, part de la même idée que le mode Horde de Gears of War 2 : affronter en coopératif des vagues successives d'ennemis. Mais en modifiant les règles à chaque round, pour rendre les adversaires plus malins, mieux à même de réagir à vos assauts ou en les dotant d'attributs spéciaux, le challenge en devient un peu plus varié. Ce mode, Firefight en VO, s'avère être un véritable régal pour les amateurs, tout comme le reste de l'offre réseau, qui n'est ni plus ni moins que celle d'Halo 3 complétée de toutes ses extensions et de 3 nouvelles cartes. Le tout pour 50€, c'est incontestablement une offre très sérieuse sur le papier, même si la plupart des fans auront déjà Halo 3 dans leur étagère et n'y gagneront donc pas autant que des nouveaux venus.
Halo 3 : ODST gagne et perd à suivre une nouvelle direction pour sa campagne solo. À la fois très familière ludiquement et novatrice narrativement, sa longueur similaire à celle de Halo 3 compense par des à-côtés de premier choix, à commencer par le nouveau mode Baptême de Feu, dont certains ne pourront pas décrocher. Le multi ultra-complet tant en coopératif qu'en compétitif, reste un des tous meilleurs et vaut à lui seul l'achat pour ceux qui n'ont pas Halo 3. Mais tout en accusant techniquement son âge, cet Halo 3 : ODST peine un peu à mes yeux à tenir la dragée aussi haute que les premiers volets, et s'il m'a fait passer incontestablement un très bon moment, les émois intenses passés en compagnie du Master Chief m'obligent à faire la fine bouche aujourd'hui.