Entre deux Rock Band de haute volée, la franchise Guitar Hero continue d'envahir les linéaires des supermarchés avec sa classique mise à jour annuelle, ce qui nous évoque de plus belle l'intrigue du film Un jour sans fin. Sauf que ça manque un peu de marmottes et de Bill Murray par ici.
Le torchon brûle entre Activision et Courtney Love, cette dernière allant jusqu'à qualifier de "nécrophile et minable" l'utilisation de l'image de Kurt Cobain, figure mythique jouable aux côtés de Johnny Cash et Carlos Santana. Des déclarations tapageuses qui fleurent bon le coup marketing (d'un côté ou de l'autre), tant ce Guitar Hero 5 constitue le point d'orgue d'un planning ultra-chargé pour le studio Neversoft - désormais le développeur attitré de la série - qui depuis la sortie du décrié Guitar Hero 3 enquille à tour de bras les nombreux spin-off et autres dérivés commerciaux (GH : Aerosmith, GH : World Tour, GH : Metallica, GH : Greatest Hits, prochainement GH : Van Halen, GH : Compagnie Créole, GH : Kyo etc.)... on en friserait presque l'indigestion. Sans compter la future déclinaison davantage axée grand-public (c'est encore possible ?) de la licence, sournoisement intitulée Band Hero et qui débarque bientôt.
Chauffe Marcel !
Mettons de côté immédiatement le quelconque argument quantitatif fondé sur l'énorme tracklisting des 85 singles qui accompagnent cet épisode, ce qui augure surtout de l'imposante montagne de fric accumulé par Activision afin de s'offrir les droits de ces classiques de l'histoire du rock'n roll (Sultans of Swing de Dire Straits, Under Pressure de Queen, Smells Like Teen Spirit de Nirvana, Fame de David Bowie, Ring of Fire de Johnny Cash ou encore All Along the Watchtower de Bob Dylan pour le haut du panier) et penchons nous plutôt sur ce qui nous intéresse de prime abord : le cœur du jeu. Et c'est qu'il partait plutôt bien armé le bougre, entre ses multiples modes de jeu inédits, sa gestuelle scénique nettement améliorée et une rehausse graphique de bon aloi. On trouvera ainsi, en sus des classiques étoiles glanées selon la performance, des mini-défis permanents propres à chaque morceau, et qui sont remarquablement variés dans leur accomplissement. L'éditeur de musique, déjà présent dans le précédent volet, a pour sa part été largement simplifié et bénéficie d'une souplesse d'utilisation approfondie, même s'il reste dans la pratique plutôt anecdotique. Soulignons en outre, qu'en plus des anciens DLC disponibles depuis GH : World Tour qui sont dorénavant compatibles avec ce volet, il est enfin possible d'importer une partie de la play-list de GH : World Tour & Greatest Hits, en contrepartie d'une légère taxe financière lors du transfert. L'aspect party-game de la série a lui aussi considérablement été renforcé puisqu'il est maintenant possible, via la nouvelle fonction appelée "Soirée", d'accéder à la scène à peine l'écran-titre lancé, et de pouvoir y adjoindre à la volée d'autres joueurs sans aucune interruption, dans toutes les configurations possibles, ce qui évite de repasser par les menus comme il était d'usage jusqu'à présent. Guitar Hero 5 effectue par conséquent un grand bond en avant sur le plan de son ergonomie, et l'interface sera à coup sûr répliquée dans les futurs opus.
Jeu de main, jeu de vilain
Qui peut le plus peut le moins, et Guitar Hero 5 ne déroge pas à la règle, même s'il serait probablement malhonnête d'en attribuer la seule faute à Neversoft qui fait sûrement de son mieux à l'aune du cahier des charges imposé par Activision. En effet, à vouloir plaire à tout le monde, la franchise Guitar Hero perd de son identité, et l'absence d'une ligne éditoriale claire, qui serait la conséquence d'un tracklisting cohérent, lui confère cette allure d'œuvre bâtarde qui nuit à l'intégrité de l'ensemble. Mais ce n'est que la surface visible de l'iceberg car de nombreux scories, encore honteusement présentes en 2009, sont toujours à déplorer, comme l'énigmatique présence d'interprètes mâles sur des chansons pourtant entonnées par des chanteuses, ou certaines balades au tempo calme qui paraissent soudainement décalées lorsque que le grandiloquent spectacle pyrotechnique se met en branle. Quant aux musiciens finement modélisés, si la synchro labiale est globalement fidèle, on regrettera comme souvent leur manque total de charisme, la faute à ce chara-design caricatural, voire cheapos, à force de se répéter depuis des lustres. Toutes ces lacunes mises bout à bout témoignent d'une finition à l'arrache, où les mauvaises habitudes et un temps insuffisant consacré au développement prennent le pas sur le fignolage méticuleux. Malheureusement pour eux, et heureusement pour nous, Rock Band : The Beatles est passé par là entre-temps et constitue le nouveau mètre-étalon en la matière. Bref, on retiendra que parmi tous les épisodes de la série, celui qui est parvenu au mieux à capter l'essence même du rock, par son feeling et une play-list en béton-armé, reste Guitar Hero 2, encore développé à l'époque par... Harmonix. CQFD.
Yes man
Le 14 septembre dernier, Bobby Kotick, le président du groupe Activision Blizzard, s'était exprimé dans le cadre de la conférence Deutsche Bank Securities Technology de San Francisco sur l'avenir de la série Guitar Hero et la politique maison d'Activision. Sans se démonter, il a clamé qu'à son arrivée à la tête du groupe il y a 10 ans, il s'était donné la mission de "retirer tout le fun dans le processus de création des jeux vidéo afin de façonner une culture d'entreprise qui récompense le profit et rien que le profit". T'inquiète Bobby, on avait bien compris où tu voulais en venir.
Difficile de retrouver la ferveur des premières fois à la pratique de cette énième itération de Guitar Hero, qui troque définitivement la fraicheur de son concept originel, ouvertement rock'n roll, contre la défroque lucrative et poussiéreuse du classicisme ronronnant. Un épisode de plus, qui se parcourt en pilotage automatique.