Cerise sur le gâteau de l'opération Summer of Arcade, et non des moindres, Shadow Complex vient confirmer avec brio tout le soin apporté à cette nouvelle manière de créer du jeu vidéo bon marché, qui désormais, rivalise qualitativement avec les néo-blockbusters des gros studios.
Après un malicieux mais timide Undertow, tièdement accueilli par les joueurs, le studio Chair Entertainment, épaulé par les grandes gueules de chez Epic Games (oui Cliff, on parle de toi) remet le couvert sur le Xbox Live. Et il en va tout autrement pour Shadow Complex puisqu'il affole déjà les compteurs qui sont dorénavant prompts à s'exciter régulièrement tant le secteur du jeu dématérialisé croît de manière exponentielle. Pour l'anecdote, Shadow Complex est d'abord une transposition numérique de l'univers du roman Empire de Orson Scott Card (qui s'était déjà illustré en rédigeant les insultes pirates de Secret of Monkey Island !), dont les frères Mustard, co-fondateurs du studio Chair, possèdent les droits.
Il a tué les Pères
Pot-pourri convoquant la fureur débridée de Contra associée à l'ambiance ultra high-tech de Metal Gear Solid, Shadow Complex bouffe allègrement aux râteliers de ses vénérables ancêtres afin de pérenniser son expérience de jeu... comme le tout-venant habituel de la production vidéoludique. Sauf que Shadow Complex, dans un réflexe œdipien, explore ses propres limites afin de mieux s'en affranchir. Le bestiau s'annonce de prime abord assez conventionnel en sa qualité de jeu d'action oldschool mâtiné d'aventure, à l'image de son scrolling horizontal en fausse 2D composé d'autant d'éléments en 3D modélisés avec soin sur le performant moteur Unreal Engine 3. Les manœuvres se déroulent sur un seul plan, ce qui n'interdit pas de défourailler des soldats à l'arrière-plan grâce à un lock semi-automatique légèrement capricieux, Shadow Complex s'amusant avec la profondeur de champ, ce qui a pour effet de rendre l'action très dynamique. Les présentations faites, Shadow Complex nous plonge directement dans une atmosphère d'anticipation via un menu animé du plus bel effet, preuve de sa finition exemplaire. Un petit tour par le didacticiel à l'apparence dépouillée pour intégrer les bases, et nous voilà balancés illico au cœur de l'histoire. Ce qui frappe en premier lieu est la pauvreté de la mise en scène, associée à une VF délicieusement kitsch, réminiscence des meilleurs nanars explosifs des années 80. Le héros, sorte de Nathan Drake du pauvre, entreprend alors de retrouver sa belle, évidemment kidnappée par les affreux de l'histoire.
Retour vers le futur
Shadow Complex devient rapidement accrocheur, telle une machine bien huilée qui égrène avec parcimonie ses mécaniques de jeu afin de mieux les intégrer à son déroulement, et par extension, au gameplay. Par exemple, la lampe de poche, qui est au préalable utile pour se déplacer dans des grottes lugubres, servira vite à repérer et expliciter l'ouverture des caches secrètes du complexe militaro-industriel. On se laisse alors embarquer dans une course contre la montre dans un nébuleux dédale en majeure partie souterrain (avec de magnifiques passages sous l'eau), soutenu par une carte lisible qui délivre clairement les différents objectifs à atteindre, l'ensemble étant rythmé par des cut-scenes et des actions contextuelles qui s'affichent sans transition via le moteur du jeu. Un dispositif impeccable, diablement addictif, qui prend tout son sens quand on accède petit à petit à une armure pleine de surprises, ce qui achève de hisser l'intérêt de Shadow Complex au niveau de ses modèles. Nanti d'une durée de vie déjà conséquente, il est de plus vivement conseillé de retourner sur ses pas afin de récupérer des bonus jusqu'alors inaccessibles. Bref, on sent le travail d'orfèvre dissimulé derrière une confection traditionnelle, tel un hommage dévolu à l'efficacité des jeux des années 90 qui savaient, eux, aller droit au but.
Il apparaît ainsi qu'aujourd'hui, la guerre des exclus tend à se déplacer sur le terrain du jeu dématérialisé avec des titres édifiants comme Shadow Complex. Cela souligne la prise de pouvoir éditoriale des plates-formes de téléchargement, amenées à devenir influentes, voire décisives dans le paysage vidéoludique des prochaines années, et par conséquent, sur le choix des utilisateurs. À condition que les constructeurs n'omettent pas que la réussite de ces jeux d'un nouveau genre est aussi imputable à une politique de prix agressive.