Batman n'avait jamais été aussi proche de ses ennemis. Piégé sur une île d'Arkham toute entière à la merci du Joker, le Chevalier Noir va faire des pieds et des poings (et des batarangs !) pour mettre fin à cette farce sanglante. Et rien ne saurait entraver son inexorable progression, pas même ses ennemis les plus mortels. Car dans Batman Arkham Asylum, la Chauve-Souris évolue dans ce jeu oppressant et intimiste, comme s'il était sur son propre territoire. Ce qui n'est peut-être pas tout à fait faux.
Les premiers instants du séjour de Batman dans l'asile d'Arkham sont virils et violents. Les rixes éclatent et les coups pleuvent. Le Chevalier Noir se livre avec une étonnante facilité à ce qu'il sait faire de mieux : corriger les malfrats. Le système de combat est simplissime mais pourtant impressionnant. Tout y est question de timing. Parer des coups, enchainer les attaques sur différents ennemis, et déclencher les "take down" scriptés au bon moment, toutes ces actions se lancent avec seulement deux boutons. Mais récompensent les joueurs de mouvements létaux d'une puissance jouissive : éliminations immédiates, KO d'une rare violence, prises totalement maitrisées... On ressent douloureusement les impacts et la souffrance des costauds qui osent s'attaquer à Batman. Et Incarner le redoutable chasseur procure un plaisir d'autant plus féroce.
Comme un Killer Croc dans l'eau des
égouts
L'île
d'Arkham est gigantesque. Elle regorge de mystères ensevelis, chacune de ses zones laisse admirer une architecture inédite et nous
baigne dans une ambiance qui lui est propre. Ainsi, le centre médical
affiche les murs au carrelage sale et l'insalubrité d'un hopital
abandonné. Le centre administratif s'est installé dans l'ancien
manoir de la famille Arkham, encore empreint de son histoire tragique.
Et les jardins sont abrités par une gigantesque serre très XIXème,
théâtre d'une rencontre envoûtante.... Mais contre toute attente, Batman n'est pas vraiment perdu dans les méandres de l'asile
d'Arkham. Une porte fermée ne le retiendra pas longtemps, et la
Vision du Prédateur, son tout nouveau gadget, va se révéler un
atout majeur dans sa lutte contre les internés. En activant ce
filtre, Batman peut scanner son environnement à la recherche
d'issues dissimulées, et ainsi se faufiler même dans les bâtiments
qui lui sont interdits, renforçant encore pour le joueur l'impression d'être un
chasseur. Le Détective Masqué grimpe sur les
plus hautes corniches et se faufile souplement dans les bouches
d'aération. Malgré sa carrure de camionneur, il se meut avec une
grâce surprenante. Il doit peser au bas mot une centaine de kilos, et
se glisse, plus silencieux qu'un chat, dans le dos des hommes de main
du Joker pour les éliminer silencieusement.
Plus silencieux qu'une Catwoman
À défaut d'être vraiment crédibles,
les phases d'infiltration se révèlent hautement addictives. Elles
reposent essentiellement sur des actions contextuelles. Il n'est pas
possible de faire n'importe quoi n'importe quand, les différentes
techniques d'élimination de Batman ne se déclenchent que lorsque
toutes les conditions sont réunies. De la plus simple, lorsqu'il
suffit de se glisser dans le dos d'un sbire tout en restant
accroupis, aux plus alambiquées, en faisant sauter simultanément plusieurs
surfaces fragiles placées juste sous les pieds de ses
victimes. Ces disparitions répétées se répercutent directement
sur l'état de nervosité des pauvres hères, et la redoutable vision
du prédateur ne manque pas d'interpréter leur rythme cardiaque.
Calme, ils restent seuls et attendent patiemment la venue du Batman.
Nerveux, ils ont tendance à se regrouper entre eux, les rendant
moins vulnérables et moins exposés à une mise à terre discrète. Terrifiés,
ils tirent à l'aveuglette et leur comportement devient imprévisible.
Dès lors, se débarasser d'eux se révèle un jeu pervers qui
demande certes un tout petit peu de patience, car Batman demeure
désespérement vulnérable aux balles, mais dont on ne se lasse pas.
On peut même prolonger le plaisir en se mesurant aux défis du
Joker, disponibles dans le menu du jeu. Ces épreuves reprennent en
fait les environnements principaux du jeu, dans lequel il faudra
éliminer les gardes tout en remplissant certains critères. Elles se
débloquent au fur et à mesure de la progression du Chevalier Noir
dans les différents bâtiments de l'île.
Donner sa langue au Sphinx
Se déplacer sur
l'île n'est pas sans danger, car les hommes de main du Joker,
fraîchement débarqués d'une prison de haute sécurité, y sèment
la terreur. À nouveau, prudence et discrétion seront les maîtres
mots. Mais prendre son temps pour en fouiller les moindres recoins
s'avère souvent payant. Edward Nigma, le poseur de devinettes psychotique, a disséminé pléthore de bonus, sous forme de
statuettes, d'énigmes, ou d'enregistrements audio. Les premières font
appel à l'agilité de Batman et à nos réflexes, car elles se trouvent
souvent dans des zones difficilement accessibles. Les secondes font
surtout appel à notre connaissance de l'univers de Batman et à
notre sens de l'observation, puisqu'il s'agit de "photographier"
les éléments du décors désignés dans la devinette ; cela permet
de glisser en caméo tous les excellents vilains qui n'ont pas été
retenus au casting. Enfin, les bobines d'enregistrement offrent de
savoureuses interviews entre les patients d'Arkham et les psychiatres.
À écouter sans modération ! Chaque mystère d'E. Nigma découvert
apporte son lot de points d'Expérience et nous récompense parfois d'une
biographie ou d'une statuette d'un personnage de la mythologie de la
Chauve-Souris. Irrésistible pour les fans, ces carottes pourront se
révéler instructives ou anecdotiques pour les néophytes.
Comme une Chauve-souris en cage
De façon
générale, les afficionados du Justicier Masqué auront toutes les
chances d'apprécier Batman Arkham Asylum. Outre les sensations de
jeu excellentes et la beauté des environnements (contrairement aux
figurants qui sont un peu moins finement modélisés), ils se
réjouiront surtout du scénario. Celui-ci fait la part belle à la
psychologie des personnages et plus particulièrement aux rapports
pour le moins houleux entre Batman et les internés d'Arkham, souvent
savoureux. Il ne laisse donc pas vraiment de place à la liberté
d'action, et les moins sensibles aux joutes verbales d'un Joker brillamment interprété risqueront de se sentir baladés par l'affreux. C'est volontaire,
bien entendu, toute la saveur du titre reposant sur cette proximité
presque malsaine entre l'Homme Chauve-Souris et ceux qu'il a réunis dans un même espace confiné, derrière des barreaux. Un leitmotiv ne
tarde pas à se dégager : après avoir scanné le lieu du crime,
Batman suit une piste visible uniquement grâce à sa Vision du
Prédateur (traces d'ADN, tabac, parfum...) tout en assomant ses
opposants. Il arrive rapidement dans une grande salle ornée de
gargouilles, signe qu'il faudra se livrer à une séance
d'infiltration. Le tout est parsemé de quelques phases de
plateforme, souvent de la grimpette, et bouclé par une rencontre parfaitement orchestrée avec un boss charismatique (mention
spéciale au terrifiant Killer Croc).
Haut comme trois Bane
Heureusement, la
progression est aussi le maître mot de cette aventure.
Alors que les véritables intentions du Joker se dévoilent, Batman
récupère de nouveaux gadgets, et voit son équipement et ses
techniques s'améliorer et s'étoffer tout au long de son aventure.
La richesse des rixes, notamment, grimpe à mesure que
des choppes et des éliminations immédiates sont débloquées par le joueur.
Les batarangs se multiplient au rythme des bricolages de Batman, et
question Bat-équipement, il réserve une surprise de taille à ses
plus grands fans... L'apparence de notre héros n'est pas en reste,
puisque ce qui sera probablement une des plus longues nuits de son
existence laisse des marques. Son costume se déchire, il écope de
quelques belles estafilades et lorsque l'aube pointe, on devine déjà
une barbe naissante. Et il ne sera pas le seul à hériter de
cicatrices. L'ile d'Arkham subira elle aussi de lourds dommages. Et
nous garderont le secret sur quelques moments clés du jeu mais
sachez que les décors pourront se révéler... étonnants.
Excellente
adaptation du comics, qui emprunte un peu à toutes les versions
connues du Chevalier Noir, ce Batman Arkham Asylum est surtout un excellent jeu tout court, qui procure un plaisir
authentique et immédiat. Les dialogues savoureux, les excellents doublages aussi bien en VO qu'en VF (quoique Batman en lui même
soit un peu en deçà de certaines de ses meilleures incarnations) et
les nombreux clins d'œils à destination des fans nourrissent ce
titre qui repose grandement sur son ambiance sombre et oppressante.
Son autre atout, une jouabilité exemplaire de simplicité et de
richesse, ne manquera pas de séduire les amateurs de sensations
fortes. On tient là un divertissement réussi, personnel et
ambitieux, juste ce qu'il faut. De bat-moments en perspective.