Issu des amours controversées entre le moteur 3D destructible d'une Bad Company de gouailleurs et le gameplay d'un Battlefield 1942 de légende, Battlefield 1943 perpétue la bonne vieille tradition du shoot multi-joueurs exotique sur fond de carte postale. Y passer son brevet de pilote en douceur, se balader pieds nus sur la plage, et y glaner quelques headshots : parfait pour l'été.
En 2002, le studio suédois DICE, activement épaulé par Electronic Arts (et racheté depuis), créait la surprise en sortant sur PC l'excellent Battlefield 1942, FPS en ligne qui restera gravé dans les mémoires des vétérans de la souris. Le jeu occupera d'ailleurs régulièrement le haut des charts, faisant même l'objet de deux extensions (Road to Rome et Secret Weapons of WWII). Axé exclusivement sur une pratique en multi-joueurs, le soldat solitaire pouvait néanmoins s'entraîner à l'aide de bots bien plus dociles qu'un être humain. Fort de ce succès critique et publique, EA ne tardera pas à commander à DICE plusieurs dérivés de cette même franchise, et c'est entre deux volets du désormais célèbre Battlefield : Bad Company que nous arrive aujourd'hui le remake de BF 1942, tel une recette remise au goût du jour.
Pas de superflu
Point d'échauffement sur une IA faiblarde dans ce nouvel opus, puisque BF 1943 propose au novice d'accéder uniquement à un maigre didacticiel où seront prodigués bien peu de conseils, l'essentiel étant d'appréhender le pilotage des différents véhicules (avion à la "Pappy" Boyington, jeep, tank et barge de débarquement) dans un cadre virtuel évoquant le Seul au monde de Robert Zemeckis. Le tutoriel rapidement torché (il est quand même conseillé de passer y faire ses armes), on accède enfin au centre du conflit, balancé au hasard sur l'une des trois maps disponibles : Wake Island, Iwo Jima et Guadalcanal. La quatrième, Coral Sea, vient tout juste d'être débloquée), sur la version 360 (les joueurs PS3 devront attendre encore un peu, ils sont à 22 millions de kills sur les 43 requis pour débloquer la carte).
Lettres d'Iwo Jima
Dans une sorte de parabole extrême qui s'apparente à l'industrie des jeux vidéo (américains vs japonais), le principe des affrontements demeure simple. La partie, qui héberge jusqu'à 24 joueurs divisés entre les deux camps, débute sur un porte-avions où s'entasse la bleusaille prête à en découdre. Après un débarquement anthologique, chaque groupe devra rapidement conquérir des drapeaux (au nombre de cinq disséminés sur la carte) afin d'y dresser les couleurs de son clan. L'objectif principal étant d'en conserver la majorité comme autant de territoires affiliés, ce qui entame d'une part la barre de vie du camp adverse (elle symbolise la réserve de troupes), et sert de point de "respawn" d'autre part où ressusciter lorsqu'on meurt (donc plus près des lignes ennemies, en général). En cas de perte de la totalité des drapeaux, retour à la case départ, avec une perte de temps et d'énergie conséquente à la clé. Quand on arrive dans le feu de l'action, c'est le choc. Intensément soutenu par un moteur 3D solide (développé pour BF Bad Company), qui autorise toutes sortes de fantaisies en matière de destruction massive de l'environnement, le joueur débarque littéralement dans un maelström de violence visuelle et sonore, où les explosions, les cris de ferveur et de douleur guident notre lente reptation vers un point de repli, duquel on pourra souffler et reprendre ses esprits.
Tout dans le multi
Pas question d'aller à la boucherie seul, car l'essence même du gameplay de BF 1943 repose sur l'entraide active entre joueurs qui intègrent une escouade (limitée à quatre participants, hélas !) de manière à s'épauler en cas de coups durs et de communiquer efficacement afin de faciliter la progression ou la défense à l'intérieur d'un territoire. Malgré tout, cela n'empêche pas d'assister ponctuellement à des exploits individuels, souvent récompensés par les acclamations des partenaires. Des moments de pure exaltation où l'ambiance conviviale est assurée par la bonne entente des co-équipiers. On touche presque du doigt la grâce ludique quand on parvient à se sortir miraculeusement d'une situation inextricable, après avoir frôlé maintes fois la mort. En bref, on retrouve bien là toute l'expertise de DICE en matière de FPS online, et BF : 1943 ne souffre d'aucun défaut côté mécaniques de jeu.
Mémoires de nos pères
Il n'en sera pas de même côté structure et interface technique, tant les accrocs depuis le lancement se sont accumulés, même s'ils ont tendance à s'amenuiser avec le temps. En effet, les premiers jours d'exploitation de BF 1943 ont été souvent synonymes de grosse galère pour la plupart des joueurs (du moins sur 360), allant d'une capacité très aléatoire à se connecter pour une partie ou d'intégrer une escouade, jusqu'à l'impossibilité d'une simple session entre potes. Un départ catastrophique de la part d'EA qui confirmait rapidement être débordé par le nombre exponentiel de connexions malgré l'ajout en hâte de serveurs supplémentaires. EA. Numéro deux du secteur, pas vraiment l'épicier du coin. En dépit de toute leur bonne volonté, il reste encore quelques problèmes d'interface à régler, et l'on perdra encore souvent un temps fou à monter une escouade en plein cœur de la bataille, tandis que l'option qui permet de le faire préalablement brille pour l'instant par son inefficacité, temporaire on l'espère. Que penser aussi de cette stupide limite de 16 joueurs à réunir afin d'accéder à une partie sur un serveur privé, choix drastique qui fut rapidement l'objet d'une pétition, ce à quoi les aimables exécutifs n'ont rien trouvé de mieux à répondre qu'un misérable : "C'est nous qui payons la facture des serveurs donc c'est nous qui décidons". De mémoire de joueur, on aura rarement assisté à une gestion aussi calamiteuse. Gageons qu'à l'avenir, EA prendra les devants et la pleine mesure d'une sortie pourtant loin d'être confidentielle, pour éviter de nouveau ce genre de fiasco. Dommage, car BF 1943 méritait bien meilleur traitement.
La conclusion sera simple. Pour peu que le jeu par équipes mêlant stratégie de groupe et action endiablée vous attire, Battlefield 1943 vaut largement son prix de 1200 points sur le XBLA ou la modique somme de 12,99 euros sur le PSN, le ratio temps / argent étant très favorable à ce premier. C'est à ce prix que vous vous offrirez des heures dantesques de plaisirs guerriers, où la célèbre appellation "Band of Brothers" prendra enfin tout son sens. Ludiquement exaltant à l'époque, ce remake l'est toujours aujourd'hui... et le sera plus encore si EA se bouge pour régler les problèmes qui subsistent.