Ce titre est une citation de Jean Simard, écrivain canadien du début du siècle ; la meilleure pour qualifier Call of Duty : World at War. Malheureusement. Car la reprise de la licence par Treyarch s'avère particulièrement dispensable. Après une réforme profonde et réussie, l'année dernière, de la licence par Infinity Ward, ce 5e Call of Duty échoue à poursuivre l'excellence ludique, narrative, et de mise en scène de celui à qui il reprend pourtant presque tout. Le talent en moins...
Si la vérité de demain se nourrit des erreurs d'hier, alors ce CoD 5 n'a pas eu beaucoup à grignoter pour trouver sa vérité, tant son prédécesseur en a commis peu. Call of Duty 4 : Modern Warfare avait frappé tellement fort en termes ludiques et en mise en scène, tout en changeant enfin le théâtre de sa guerre pour quelque chose de plus moderne (quoique de très critiquable dans son approche scénaristique), que ce ne sont pas de ses erreurs dont s'est nourri le travail de Treyarch, mais bel et bien de ses réussites. Et pourtant, ça n'a pas suffit...
C'est avec les pauvres joueurs que les riches développeurs se font la guerre.
Que de citations dans ce test, hein ? Détournées ou pas... on dit que ceux qui parlent en citations n'ont en fait rien à dire. Et pour le coup, je plaide coupable : World at War m'a laissé de marbre. Pourtant, c'est vrai, l'excellente jouabilité doublée de l'ergonomie quasi parfaite de Modern Warfare est bien là. De son prédécesseur, World at War repompe même la structure, avec une campagne se déroulant sur deux fronts différents ; le front Russe et le front Japonais. Et de même, Treyarch s'est surpassé pour que l'ambiance suive cette dynamique effrénée, avec explosions à gogo, événements incessants, et multiplication de saynètes à vocation épique, tout en alternant avec quelques niveaux particuliers (à bord d'un char, par exemple). Seulement voilà : alors que Modern Warfare avait su maîtriser son rythme narratif en balançant avec justesse entre niveaux survoltés au moyen-orient et opérations militaires tactiques plus en discrétion et en infiltration en Europe de l'Est, World at War reste désespérément prisonnier de sa surenchère, qui en perd du même coup toute saveur. Ça ne s'arrête tellement jamais, qu'on en frise l'indigestion, et que plus rien ne ressort au sein de cette masse presque informe de pétarades incessantes, de cris constants, et de fusillades en enfilade.
Respect du cahier des charges explosives
Entendons-nous bien : le FPS de Treyarch n'est pas un mauvais jeu. Sa réalisation, sans égaler, une fois de plus, celle de CoD4, reste de haute volée. C'est jouable, c'est calibré. Mais à trop vouloir en faire, on passe à côté de l'essentiel pour ce type de jeux, à mon sens, c'est à dire l'immersion. Car celle-ci ne s'obtient que par une savante alchimie narrative, la construction d'une ligne de tension, de cet impalpable génie du mariage parfait entre une mise en scène de tous les diables sur des scènes épiques et d'autres, intermédiaires, qui permettent de mieux vivre les moments mémorables. Une tension, ça se construit, ça ne s'impose pas d'un bloc. D'autant que lorsqu'il s'agit de traiter de la Seconde Guerre Mondiale, il n'est plus permis aujourd'hui de se rater. Non seulement le contexte est connu de tous, mais il a été tellement documenté et revisité par le jeu vidéo, qu'on en devient d'autant plus exigeant lorsqu'il s'agit de restituer cet incontournable page de notre histoire. Autant Brothers in Arms : Hell's Highway faisait trop dans le dramatique, autant World at War est incapable de soutirer la moindre émotion au joueur sur l'horreur de ce qu'il traverse avec des camarades avec lesquels il a toutes les difficultés du monde à connecter. Si ce n'est parfois, de-ci de-là, par une cinématique d'une rare violence ; car impossible d'être insensible devant une exécution sommaire par exemple. Seulement voilà, ne pas faire l'économie de l'image crue, c'est bien, mais à condition de ne pas non plus faire celle de sa raison d'être, et on n'a que trop l'impression, toujours, que l'ensemble manque de liant, de corps et de soin. Bref, Treyarch a fait, vis à vis du moins du cahier des charges classique du FPS de guerre, un bon travail ; mais l'inspiration n'y est pas. On tombe même trop souvent dans la caricature, ce qui, pour le coup, frise l'impardonnable, car ce n'est pas de fiction dont on parle ici.
Ce qui ne me passionne pas m'ennuie.
Je sais, c'est un peu dur, peut-être, de disqualifier d'un tel revers un titre qui ne manque pourtant pas de qualités. A commencer par le mode en ligne, une fois de plus repompé intégralement sur CoD4 - on ne peut rêver meilleur modèle, et pour le coup, il fonctionne toujours parfaitement, c'est donc une réussite. Reste aussi la campagne en coopératif, un apport toujours appréciable. Mais non. Les incohérences de l'IA, qui oublie vite des soldats autres que vous mais beaucoup plus menaçants pour elle en théorie, les "zones" qui déclenchent les scripts grossièrement soit en faisant cesser tout conflit d'un coup, quitte à faire disparaître magiquement certains ennemis, soit en relançant d'incessantes vagues tant que vous n'avez pas atteint un certain point... toutes ces petites choses ne font que mettre plus en évidence l'incapacité de Treyarch à égaler Infinity Ward, même en reprenant clés en mains leur moteur, leurs outils, et leurs meilleures idées.
Calibré comme un blockbuster et fort d'atours visuels trompeurs, Call of Duty : World at War est un FPS au-dessus de la moyenne, qui nous en donne pour notre argent en quantité de contenu. Mais il flotte à des années lumières du précédent, et même, en cette période si riche en gros calibres, à des années lumières d'autres expériences d'action incomparablement plus brillamment exécutées.