Ce Patapon est une plante carnivore. Douce d'apparence, colorée, accueillante... parfaite pour attirer tous les joueurs et joueuses qui, sans le savoir, risquent de tomber dans un piège qu'ils n'auraient jamais pu entrevoir. Le piège d'un jeu qui sous ses atours de titre musical casual renferme en réalité une richesse assourdissante et un gameplay bien plus complexe à maîtriser qu'il n'y paraît... avec tout ce que ça comporte de défauts.
Dès les premières images, on se demandait quelle était l'idée derrière ce titre musical au design exceptionnel. Elle est assez simple finalement : créer le premier STR musical du monde. En quelque sorte.
L'habit ne fait pas le moine
Les Patapons sont une tribu assez primitive de petits cyclopes obsédés par un voyage quasi mythologique à la découverte de la Fin du Monde, Earthend. L'ensemble du design, que l'on doit à l'artiste français Rolito, est indéniablement exceptionnel, et merveilleusement implémenté par des développeurs qui ont déjà fait leurs preuves en matière de design 2D moderne avec LocoRoco. Mais si ce dernier titre était très simple à comprendre et à prendre en mains, Patapon s'avère nettement plus compliqué. Il faudra en effet garder les yeux sur l'écran pour ne rien rater de ce qui s'y déroule, et diriger sa tribu de Patapons stratégiquement, par rapport aux embûches rencontrées, tout en gardant le rythme, condition sine qua non pour que les ordres qu'on lui transmettra par l'intermédiaire de différents enchaînements rythmiques soient bien reçus. Sachant qu'il faudra donc prévoir ces ordres à l'avance, puisqu'ils ne seront pas exécutés avant que la mélodie rythmique complète qui leur correspond n'ait été jouée entièrement.
Si tu avances, si je recule...
Parler de stratégie temps réel peut paraître excessif. Avancer, attaquer, défendre... finalement, les mélodies à jouer, correspondant aux ordres qu'on peut donner, ne sont qu'au nombre de 6, à récupérer au fur et à mesure, complétées par des "miracles" pour des effets particuliers (faire tomber la pluie afin de traverser un désert brûlant, ou déclencher un vent aidant les archers à toucher des cibles plus lointaines). Chaque mélodie repose sur plusieurs coups frappés sur les quatre différents tambours sacrés : "pata", "pon", "chaka" et "don". Seulement voilà, enchaîner ces mélodies, les alterner au bon moment (en particulier face aux boss), demande bien plus de concentration qu'on ne pourrait le croire. Et ce n'est pas tout : entre deux phases de jeu (chasse, affrontement contre les Zygotons ou combat de boss), le micro-management des différentes classes de Patapons, et de leur matériel, fait intervenir des dizaines d'objets différents, se mariant en des combinaisons importantes pour l'efficacité de l'armée Patapon. Les conditions météo (vent, pluie), influencent légèrement le déroulement des combats. Il faut aussi résoudre certain puzzles pour débloquer des niveaux indispensables à la progression. Bref : on est finalement loin du petit jeu simple, sans réelles difficultés, et l'aspect contemplatif cède très vite sa place à un gameplay intelligemment formulé et riche de certaines très bonnes idées. Malheureusement, on ne peut pas en dire autant de son équilibre.
Love on the beat
Patapon est répétitif. Obligeant le joueur à refaire plusieurs fois certains niveaux, pour en débloquer de nouveaux ou simplement renforcer ses troupes pour progresser, la structure de ce gameplay mêlant micro management, côté RPG, stratégie, et puzzle musical, repose malheureusement sur une progression qui paraît souvent fastidieuse, puisqu'il faut régulièrement revenir en arrière. En outre, l'aspect stratégique des affrontements s'avère également très tempéré par un sentiment général de bordel ambiant inhérent à l'automatisation de ces combats : on a beau donner des ordres, les Patapons ne se révèlent pas toujours aussi efficaces dans des situations pourtant semblables, à cause de facteurs qui échappent bien souvent à notre compréhension. Malgré des déséquilibres certains et un game design presque inutilement trop riche, à l'inverse de celui d'un LocoRoco, Patapon parvient pourtant à réussir un sacré pari... Il propose quelque chose de frais, d'inattendu, d'incontestablement novateur et surtout d'addictif. Car s'ils le rendent odieusement répétitif, ces rythmes rebattus jusqu'à l'écoeurement rentrent instantanément dans le crâne, pour ne plus en sortir. Et on se fait avoir : on ne lâche plus ses Patapons, prêt à se cogner des phases pénibles pour découvrir de nouveaux objets, de nouvelles mélodies, de nouvelles troupes, et avancer, en rythme, jusqu'à découvrir la Fin du Monde avec nos borgnes préférés.