Je suis dans le caca. L'attente suscitée par Assassin's Creed était énorme. Personnellement, c'était peut-être le titre de fin d'année que j'attendais le plus, avec Super Mario Galaxy. Et quand je m'y suis mis, j'ai trippé, comme ça ne m'était pas arrivé depuis des lustres... Un trip, un voyage, vraiment, l'impossibilité de décrocher de la manette, alors que le titre d'Ubi a pourtant bien des défauts... Me voilà donc obligé, d'un côté, de partager cette expérience extraordinaire qu'est Assassin's Creed, tout en mettant en garde contre ses imperfections, qui pourraient être rédhibitoires pour certains.
19h30. Je suis sur Assassin's Creed depuis 11h30 le matin, au saut du lit, mon premier réflexe après avoir difficilement réussi à éteindre la console à 4h30 du matin. J'ai sauté tous les repas de la journée, mon estomac crie famine... il est temps de passer vite fait au McDo. Je saute dans mon pantalon, sors de chez moi et immédiatement, dans la cour de mon immeuble, je contemple la façade et ses balconnades. Mon cerveau analyse immédiatement les prises disponibles comme si j'allais les escalader et me rendre chez mon dealer de burgers en passant par les toits... Bordel. Je me crois encore à Jérusalem.
Liberté
Pendant les presque deux jours non-stop passés ce Week-End sur Assassin's, je me suis surpris à de multiples reprises à répéter, à voix haute : "'tain mais c'est énoÔorme !", surpris moi-même de ne pas parvenir à m'habituer à l'échelle grandiloquente des décors du titre produit par cette chère Jade Raymond. Il m'aura fallu deux jours de plus pour finir enfin par redescendre un peu, et encore : la majesté des villes, titanesques, la qualité graphique de leur représentation, les merveilleux détails de leurs ruelles, et même la taille du Royaume qu'on parcourt à cheval pour passer d'une cité à l'autre, tout cela est tellement magique qu'on en écarquille les yeux sans arrêt, incrédule devant ce qui apparaît comme un incontestable témoignage de ce qu'est la next-gen... par opposition à ce qu'il serait temps d'appeler "current-gen". Car à la maestria visuelle des décors s'ajoute celle d'une foule en mouvement, d'animations extraordinairement réalistes et gracieuses, félines, d'effets de flou ou autres qui nous transportent inévitablement en d'autres temps et d'autres lieux.
Le prédateur ultime
Altaïr est surpuissant. Ce pourrait presque être un écueil d'ailleurs, tant il ne saurait être inquiété par aucune situation avant au moins les deux tiers du jeu, et encore. Mais manier un héros aussi supérieur, capable de défaire une douzaine de gardes sans qu'un seul ne parvienne à le toucher, sauter de poutre en poutre comme s'il s'agissait d'un simple jeu de marelle, ou encore plonger, en saut de l'ange, depuis la cîme d'un minaret vers une ridicule meule de foin... quel pied ! Au beau milieu de la populace, pourtant, s'il serait si simple souvent de profiter de ses talents de bretteur émérite pour expédier certaines tâches en force, ceux qui voudront comme moi profiter pleinement de ce trip et jouer les furtifs en étant le moins repéré possible se rendront vite compte, heureusement, que ce n'est pas si simple. Chaque corps laissé derrière soi augmente furieusement l'attention des gardes alentours, et si par malheur on ne fait que bousculer une mendiante trop collante à proximité, on est immédiatement découvert. Quand il s'agit d'assassiner des cibles en temps limité, dans un marché couvert noir de monde et sans se faire remarquer, la tâche est ardue. Tant mieux. Car, sous tous les angles, Assassin's Creed est définitivement un jeu trip : quand on rentre dedans, on prend un pied colossal, et on ignore ses défauts, pourtant nombreux.
Il ne manque pas grand chose
Car, oui, Assassin's Creed peut faire figure de pétard mouillé pour certains. Répétitif, l'entre-deux assassinats se résume assez vite à une suite de tâches récurrentes : accéder à tous les points élevés d'un quartier, libérer tous les citoyens malmenés par un groupe de gardes pour s'en faire des alliés, ramasser des drapeaux égarés par un collègue assassin ou supprimer pour lui des cibles secondaires, écouter une conversation ou "pickpocketer" une carte... en gros, on fait vite le tour. Pire encore, lorsqu'on est repéré et traqué, il n'y a en tout et pour tout que quatre manières de se cacher pour redevenir anonyme. De même, les voix environnantes qu'on entend dans les rues, les remarques des citoyens devant nos facéties acrobatiques, et toute cette partie de l'ambiance sonore est assourdissante de répétition, on les connaît par coeur au bout d'une heure. Côté fluidité, la 360 s'en sort avec les honneurs compte tenu de ce qu'il y a à l'écran... côté PS3 par contre, sur notre version test des ralentissements pénibles étaient visibles par moment, et d'autre petits soucis, mais Ubi nous garantit qu'ils ont disparu de la version finale en boutique... Fort conscient de tous ces problèmes, j'ai malgré tout continué de jouer pour faire avancer l'histoire, rivé à la manette et scellé dans ma propre aventure. Sans dévoiler le pot aux roses, ce fameux mystère tenu secret jusqu'à présent est intéressant, et vous découvrirez bien assez tôt la valeur comme la teneur de cette pirouette scénaristique en forme de mise en abîme... mais je n'en dirai pas plus. En revanche, et je conclurai cette rapide revue des défauts du jeu là-dessus, la fin clairement ouverte est aussi décevante, incapable qu'elle est de nous livrer en même temps que son cliffhanger le sentiment de satiété qu'on lui demande.
Un assassin averti en vaut deux
Voilà donc, sans rentrer dans les détails pour en laisser la surprise, ce qu'il faut savoir sur Assassin's Creed. Les adeptes des trips exploratifs, un peu à la Shadow of the Colossus par certains côtés, ceux qui sont prêts à suivre le titre du jeu dans son acception la plus directe, et ainsi suivre le credo du prédateur silencieux, discret, et redoutablement efficace autant que subtil, prendront un pied colossal et profiteront par la même occasion d'une durée de vie nettement accrue. Les autres, ceux qui exploiteront la puissance brute du personnage ou finiront peut-être par se lasser d'une certaine forme de lenteur inhérente à la précaution, risquent soit de décrocher, soit de déchanter. Pour ma part, je suis resté parmi les premiers, trouvant en Assassin's Creed l'un de mes trips les plus forts de l'année, toutes plates-formes confondues. J'espère du même coup des suites d'autant plus réussies qu'elles auront, espérons-le, su se débarrasser de tout ce qu'on peut légitimement reprocher à ce premier opus.
N.B. : Les versions 360 et PS3 étant indentiques dans leur contenu, les tests le sont également. Photos issues de la version 360.