Depuis ses premiers bonds dans le RPG, Mario conserve une double casquette, ou plutôt une double facette dans le cas des Paper Mario. Si la série suit les grandes lignes de la discipline, Intelligent Systems ne s'est jamais privé de bricoler une tuyauterie propre à notre plombier moustachu, et ce à grand renfort de plateforme, quitte à pencher dangereusement vers son sautillant domaine de prédilection. L'heure serait-elle venue de remettre les choses à plat ?
Ce livre des aventures de Mario s'ouvre une nouvelle fois sur une catastrophe, galactique en l'occurrence. Lors de la cérémonie organisée pour la venue de la Comète Sticker, Bowser s'empare de cet astre censé exaucer les vœux, une intervention inopinée qui froisse l'assistance, avant de mettre la ville de Décalbourg sens dessus dessous, pour ne pas dire sens recto verso ! Pas de quoi se plier en quatre, mais c'est pourtant ce qui arrive littéralement à Mario durant l'opération... A peine remis de cette douloureuse épreuve d'origami, notre héros part à la recherche des Stickers Royaux éparpillés aux quatre coins du Royaume Champignon, histoire d'éviter l'incident « diplocosmique » avec la pétulante émissaire de sa majesté céleste, Colette. Le prologue de Paper Mario : Sticker Star rappelle ainsi que l'écriture de la saga déborde volontiers des marges, tout en soulignant la nature de ce monde fait de papier. Dès l'origine, son style visuel avait été défini par la présence de sprites en 2D au sein d'environnements en trois dimensions. Les personnages paraissent donc minces comme une feuille de papier selon leur orientation, à l'instar de certains éléments du décor. En plus de véritables trouvailles graphiques, ces jeux de perspective ont engendré des mécaniques de gameplay tout aussi originales, particulièrement dans Super Paper Mario. Toutefois ce dernier avait marqué une nette inflexion vers la plateforme, avec les pixels et les polygones en guise de matières premières. A l'inverse, Paper Mario : Sticker Star revient à ses racines RPG, en construisant tout son univers à partir du papier, et notamment des stickers.
Pâte à papier
Ceux-ci traînent un peu partout, collés la plupart du temps sur les murs. Il suffit de les décrocher pour les ajouter à l'album, dont le nombre de pages est fort restreint au début. On ne manque malgré tout pas trop de place, puisque les stickers sont à usage unique ! Leur vocation consiste en effet à remplacer les objets pendant les combats, qui se déroulent de nouveau au tour par tour. Cependant, le rôle des stickers ne s'arrête pas là, ils jouent également celui d'arme, de moyen de défense, de magie et carrément de truculentes invocations. Jamais n'aurait-on imaginé qu'une canette de soda soit si dévastatrice, exception faite d'une boisson à base de "taureau rouge" éventuellement... Une chose est sûre, il faut veiller à garder un album bien garni et potentiellement adapté à la teneur de l'adversité, car affronter des hordes d'Hériss en bondissant sur leurs dos épineux mène rapidement au Game Over. Derrière son apparente simplicité, l'arsenal s'avère étonnamment riche, dans la mesure où les outils se divisent en différents types, eux mêmes répartis en catégories de puissance. Par exemple, le marteau miteux inflige moins de dégâts qu'un "martobaffe". D'autant que ce dernier permet de porter son attaque par le flan, propulsant la victime de l'arrière vers l'avant plan pour des ricochets du plus bel effet en 3D stéréoscopique. La victoire passe donc par une connaissance des caractéristiques de chaque membre du bestiaire, mais pas seulement. Fidèle aux traditions, cet opus accorde une importance cruciale au timing. L'offensive peut échouer ou voir son impact décuplé en fonction de ce paramètre, ce qui concerne aussi les hostilités en provenance du camp opposé.
Papier craft
Et comme Mario bataille seul, on a intérêt à tenter d'enchaîner plusieurs tours à la suite. Un tel avantage dépend de la machine à chance, une sorte de jackpot payant dans tous les sens du terme. Heureusement, les performances guerrières sont récompensées, tandis que la revente des stickers superflus aide à remplir le portefeuille. Trêve de préoccupations pécuniaires et belliqueuses, ces astucieux autocollants disposent d'une autre propriété essentielle, celle de s'intégrer aux décors, via la "papiérisation". En clair, il s'agit de combler des endroits vides, en trouvant les pièces manquantes et en les posant à la façon d'un papier peint, si besoin après une visite au "Stick'o'Matic" pour transformer des objets souvent saugrenus en stickers. De ce principe résulte la myriade d'énigmes qui ponctuent la progression, moins linéaire que le découpage de la carte en niveaux ne le laisse supposer. Les pirouettes scénaristiques ainsi que les quêtes plus ou moins annexes, telles que la découverte des portes secrètes, suscitent de nombreux va-et-vient, aucunement rébarbatifs d'ailleurs. En effet, les ballades donnent à Mario l'occasion de se dégourdir les jambes à travers les phases de plateforme, sans être trop importuné par les ennemis, visibles et assez faciles à semer. Et les mélodies ensorceleuses aux accents jazzy qui habitent ces lieux rendent cet habile collage de papier recyclé et glacé encore plus passionnant. Surtout qu'à l'image d'un carnet de voyage, l'album représente le principal vecteur d'évolution de notre vedette moustachue, en somme un précieux book dont on ne saurait dès lors se séparer...